Le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale a voté lundi soir la reprise de sa participation au dialogue politique parrainé par l'ONU, une semaine après l'avoir suspendue, ont annoncé des députés. La reprise des négociations a été votée après une réunion entre des députés et le chef de la Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul), Bernardino Leon, a déclaré Abou Bakr Beira, membre du Parlement basé dans l'est du pays. M. Beira, qui préside la délégation du Parlement au dialogue, n'a pas donné d'explications sur les raisons de la suspension des pourparlers ni sur leur reprise. Mais le député Issa al-Aribi a indiqué que le Parlement avait insisté auprès de M. Leon sur la nécessité de reconnaître le Parlement comme le seul représentant légitime du peuple libyen et sur le fait que tout gouvernement devait obtenir la confiance du Parlement. Selon M. al-Aribi, M. Leon a accepté ces points. Un nouveau round de discussions était prévu jeudi dernier au Maroc, à l'invitation de la Manul, entre représentants du Parlement élu et reconnu et ceux de son rival, le Congrès général national (CGN), le Parlement sortant qui a été réactivé par la coalition de milices Fajr Libya. Mais il a été annulé après la décision du Parlement reconnu de se retirer du dialogue. Livrée aux milices et plongée dans le chaos, la Libye est dirigée par deux Parlements et deux gouvernements rivaux, l'un proche de Fajr Libya qui contrôle la capitale Tripoli, et l'autre reconnu par la communauté internationale qui siège à Tobrouk (est). Des représentants des deux Parlements avaient tenu le 11 février à Ghadamès, dans le Sud libyen, des discussions indirectes sous l'égide de l'ONU, les premières du genre depuis le lancement du dialogue national fin septembre 2014. M. Leon avait consulté séparément les délégations, soulignant que le but était de parvenir à un accord sur la formation d'un gouvernement d'union. La décision de la reprise des négociations coïncide avec la nomination lundi du général Khalifa Haftar à la tête de l'armée loyale au Parlement reconnu. La nomination de cette personnalité controversée très hostile aux islamistes risque de rendre encore plus difficile la mission de l'ONU en vue de parvenir à une solution politique en Libye, selon des observateurs. En effet, le général Haftar a été nommé à la tête de l'armée libyenne, a annoncé le président du Parlement reconnu par la communauté internationale, Aguila Salah Issa. J'ai choisi le général de division Khalifa Belgacem Haftar pour le poste de commandant général de l'armée après l'avoir promu lieutenant-général, a déclaré M. Issa. Le porte-parole du chef d'état-major de l'armée, le colonel Ahmed al-Mesmari, a indiqué de son côté que le général Haftar devrait prêter serment mardi devant les parlementaires, précisant que le militaire se trouvait déjà à Tobrouk (est) où siège le Parlement. Mardi dernier, le Parlement avait décidé d'instaurer un poste de chef général de l'armée, créé sur-mesure pour le général Haftar, dont les forces combattent depuis plusieurs mois les groupes islamistes dans l'Est. L'armée et la police régulières sont profondément divisées et affaiblies en Libye, où les autorités ne parviennent pas à contrôler les dizaines de milices formées d'ex-insurgés ayant combattu le régime déchu de Mouammar Kadhafi. Général à la retraite et personnalité controversée, M. Haftar avait lancé en mai 2014 une opération baptisée Dignité contre les groupes armés islamistes qui contrôlent Benghazi, dans l'est du pays. Il avait été accusé dans un premier temps par les autorités d'avoir mené un coup d'Etat, avant de recevoir leur soutien après la prise de Tripoli en août par Fajr Libya, une coalition de milices hétéroclite. Le général Haftar s'était autoproclamé chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), une force paramilitaire formée notamment d'anciens officiers qui avaient fait défection de l'armée de Kadhafi, et d'autres brigades de l'Est libyen. Après la perte de la capitale, le Parlement issu des élections du 25 juin s'est installé à Tobrouk, une ville contrôlée par les forces de Haftar. En janvier, les députés avaient demandé à ce dernier, ainsi qu'à 129 autres officiers retraités de reprendre du service. L'officialisation du poste de Haftar comme chef de l'armée risque de compliquer davantage la tâche de l'ONU qui cherche à instaurer un dialogue dans le pays, dirigé par deux Parlements rivaux, l'un proche des miliciens de Fajr Libya, et l'autre reconnu par la communauté internationale. Le camp de Fajr Libya est en effet très hostile au général Haftar et exclut toute implication de cette personnalité controversée dans une future solution politique.