L'excédent commercial chinois s'est hissé en février à un nouveau record, exacerbé par un rebond plus fort qu'attendu des exportations face à un plongeon répété des importations, signal inquiétant pour la demande intérieure déjà morose du géant asiatique. La Chine, numéro un des échanges de biens manufacturés, a dégagé le mois dernier un surplus commercial historique de 370,5 milliards de yuans, soit 60,6 milliards de dollars selon l'équivalence fournie dimanche par les douanes chinoises. La deuxième économie mondiale a en effet vu ses exportations s'envoler de 48,3% sur un an le mois dernier, à 169,2 milliards de dollars (1 040 milliards de yuans), bien mieux que la prévision médiane des analystes interrogés par Bloomberg (+14%). C'est un rebond notable après le repli de 3,2% sur un an enregistré en janvier, sur fond de conjoncture internationale maussade. Et ce après un net ralentissement des exportations sur l'ensemble de 2014 (+6,1%, calculées en dollars). D'après l'administration des douanes, l'embellie s'explique par une accélération des livraisons des exportateurs chinois, qui "se sont précipités" pour honorer leurs commandes avant les longs congés du Nouvel an lunaire débutés le 19 février. La Chine semble également avoir profité d'une demande accrue de ses principaux partenaires commerciaux: sur l'ensemble des deux premiers mois de 2015, les exportations ont grimpé de 21% sur un an vers les Etats-Unis, de 13% vers l'Union européenne, et de 38% vers les membres de l'ASEAN (Association des nations du Sud-Est asiatique). Mais les experts de la banque ANZ tempéraient néanmoins le bond de février par une "base de comparaison très favorable". Non seulement en raison d'un décalage calendaire (l'an dernier, le Nouvel an lunaire tombait fin janvier), mais aussi parce que les autorités chinoises avaient mené début 2014 une campagne agressive contre les surfacturations --une pratique naguère courante parmi les firmes exportatrices et qui contribuait à gonfler les statistiques--.
La demande intérieure sous pression A l'inverse, les importations du pays ont encore une fois piqué du nez. Après avoir déjà reculé de quelque 19% en janvier (le repli le plus marqué depuis cinq ans), elles ont dégringolé de 20,5% sur un an en février à 108,6 milliards de dollars (666,1 milliards de yuans). Suite à la stagnation constatée en 2014, c'est un nouveau signal inquiétant pour la demande intérieure du pays, dont l'essoufflement nourrit le ralentissement de l'activité économique et la contraction du secteur manufacturier. Des facteurs techniques contribuaient à assombrir encore le tableau. "La réduction des achats de matières premières a pesé, alors que les banques (sous la pression de Pékin) ont restreint les financement accordés aux courtiers", et "la chute des cours des matières premières, en particulier du minerai de fer, contribue à plomber la valeur des importations", décryptait ANZ. Dans ces conditions, l'excédent commercial de Pékin ne pouvait que gonfler: sur janvier et février cumulés, il a atteint 120,7 milliards de dollars --soit multiplié une douzaine de fois par rapport à la période comparable de 2014--. Le gouvernement chinois a pris acte cette semaine du ralentissement de ses échanges: il ambitionne désormais pour 2015 une progression d'"environ 6%" du commerce extérieur (contre 7,5% visés en 2014) et une hausse de 13% des ventes au détail (contre un objectif de 14,5% l'an dernier). En dépit des chiffres encourageants de février, les experts s'attendent à ce que les exportations chinoises restent pénalisées en 2015 par les cahots et incertitudes de la reprise économique mondiale. En témoignait le mois dernier la contraction (pour le cinquième mois consécutif) des commandes manufacturières, tel que mesurées par l'indice PMI des directeurs d'achats. Confronté à une demande intérieure et extérieure terne, au refroidissement persistant du marché immobilier et à l'essoufflement d'un modèle nourri par l'endettement et les surcapacités industrielles, le gouvernement chinois anticipe une croissance économique d'"environ 7%" en 2015, contre un objectif de 7,5% l'année précédente. Le pays avait finalement enregistré en 2014 une croissance de 7,4%, sa plus faible depuis près d'un quart de siècle. Pékin s'est affirmé depuis prêt à renforcer ses mesures de relance, via des assouplissements monétaire de la banque centrale mais aussi une augmentation de la dépense publique dans certaines infrastructures jugées stratégiques.