Plus de 120 manifestants ont été interpellés mardi en Birmanie par la police qui a réprimé une marche d'étudiants contestant une réforme de l'éducation à quelques mois d'élections législatives clefs, suscitant la réprobation de l'Union européenne et des Etats-Unis. Le ministère de l'Information birman a fait état de 127 arrestations à l'issue de la dispersion de cette marche bloquée depuis une semaine à Letpadan, dans le centre du pays, et dont la répression rappelle les heures noires de la junte militaire auto-dissoute en 2011. Nous sommes profondément préoccupés par des informations faisant état de violence de la police contre des manifestants, a déclaré la porte-parole du département d'Etat Jennifer Psaki. L'UE a de son côté indiqué qu'elle regrette profondément l'usage de la force contre des manifestants pacifiques, par la voix de la porte-parole Maja Kocijancic. Certains ont été blessés pendant la répression et ont été emmenés à l'hôpital, a déclaré la police birmane, précisant que 16 policiers avaient été blessés par des jets de pierres. L'ONG Human Rights Watch a dénoncé un usage excessif de la force et un retour aux mauvais jours de la Birmanie, en référence à l'époque de la junte militaire qui ne tolérait aucune contestation. Ye Htut, porte-parole du gouvernement, composé de nombreux anciens responsables de la junte convertis aux réformes en 2011, a justifié l'action des policiers car les manifestants les ont attaqués et ont brisé les barrières qui les empêchaient de poursuivre leur marche. Mardi soir, le site avait été vidé de ses manifestants. Ces quelque 150 étudiants, qui marchaient sur Rangoun depuis plusieurs semaines, avaient été bloqués par la police à environ 130 kilomètres de la principale ville du pays. Ils jugent la réforme de l'éducation antidémocratique et réclament des changements, dont la décentralisation du système éducatif, la possibilité de créer des syndicats et un enseignement dans les langues des nombreuses minorités ethniques du pays. La tension est montée d'un cran mardi matin lorsque les étudiants ont tenté de briser le cordon de police déployé autour du monastère. Les manifestants estiment que les autorités n'ont pas respecté un accord conclu entre les deux parties et qui permettait la poursuite de la marche. A Bruxelles, la porte-parole de l'UE a ajouté que des progrès avaient été accomplis en matière de démocratie et de droits de l'Homme, mais qu'il restait de nombreux défis. L'UE reste déterminée à soutenir les changements positifs en Birmanie, notamment le processus de réforme de la police. L'UE mène un projet de formation de la police afin de l'aligner sur les meilleures pratiques et standards internationaux, a rappelé Mme Kocijancic, estimant que des progrès ont été enregistrés. Mais le changement ne se produit pas en une nuit, il requiert un changement de mentalité, et les récents événements confirment la nécessité de poursuivre les réformes, a estimé l'UE. Il y a quelques jours, la police avait déjà violemment réprimé dans le centre de Rangoun une manifestation de soutien aux étudiants. Une répression que les autorités avaient justifiée, estimant que les protestataires avaient répliqué. Le militantisme étudiant est une importante force politique en Birmanie et les jeunes ont été à la tête de plusieurs soulèvements à l'époque de la junte, dont celui de 1988. Le pays est sorti en 2011 de décennies de régime militaire autoritaire et a lancé de nombreuses réformes. Mais les observateurs craignent un rétropédalage avant les législatives de fin 2015 pour lesquelles le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi est donné favori.