Le ministre grec de la Défense, Panos Kammenos, très marqué à droite, s'en prenait samedi dans un entretien à la presse allemande au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, l'accusant d'envenimer les relations entre la Grèce et l'Allemagne. Schäuble envenime les relations entre les deux pays, juge le bouillonnant ministre, leader du parti des Grecs indépendants (Anel), partenaire avec la Gauche radicale Syriza de la coalition d'Alexis Tsipras. Je ne comprends pas pourquoi il s'en prend à la Grèce chaque jour par de nouvelles déclarations. C'est comme une guerre psychologique, souligne-t-il dans un entretien au quotidien populaire Bild. Pour de nombreux Grecs, Wolfgang Schäuble, qui incarne une ligne dure en Europe vis-à-vis d'Athènes, est devenue une figure honnie car l'Allemand ne ménage pas ses critiques à l'égard du nouvel exécutif grec, en particulier son flamboyant homologue Yanis Varoufakis. M. Kammenos, un habitué des sorties verbales antiallemandes avant d'arriver au pouvoir, estime également que M. Schäuble n'a pas à faire la morale aux Grecs en matière de corruption, un des fléaux qui gangrène l'économie en ruine du pays. Ce n'est pas comme si l'Allemagne et M. Schäuble avaient toujours été parfaits, avance M. Kammenos. Nous, les Grecs, nous souvenons parfaitement que M. Schäuble a dû abandonner son siège de président du parti (de l'Union chrétienne-démocrate, CDU) parce qu'il était impliqué dans une affaire de corruption. Pourtant il est aujourd'hui ministre des Finances! ajoute-t-il. Le ministre grec fait référence à l'affaire des caisses noires de la CDU qui a entaché le parti de la chancelière Angela Merkel. En 2000, M. Schäuble avait en effet dû quitter ses fonctions à la tête du parti conservateur après avoir reconnu avoir reçu d'un marchand d'armes sulfureux une grosse somme d'argent en liquide destinée à financer la CDU. Le ministre de la Défense montre également du doigt certaines entreprises allemandes, dont Siemens, impliqué dans un grand scandale de corruption présumée en Grèce. Pourquoi par exemple les dirigeants d'entreprises comme ceux de Siemens qui sont impliqués dans des affaires de corruption sont-ils protégés par le gouvernement allemand ?, interroge-t-il. La justice grecque a renvoyé lundi devant la justice 64 personnes, dont 12 au moins du groupe Siemens, qui aurait versé des centaines de millions de pots-de vin pour décrocher un juteux marché. Parmi eux figure son ex-dirigeant en Grèce, Michalis Christoforakos. L'Allemagne a refusé son extradition. Panos Kammenos revient également sur ses menaces proférées contre les pays du nord de l'Europe, en particulier l'Allemagne, de leur envoyer des centaines de milliers de réfugiés, si son pays sort de la zone euro. Ces propos, très repris en Allemagne, visaient jusqu'ici surtout la scène politique grecque. J'ai seulement dit clairement ce que ça peut signifier si la Grèce se voit poussée hors de la zone euro (...) Nous ne serons plus obligés d'accepter ces réfugiés en tant que pays d'arrivée dans l'Union européenne, assure-t-il. La Grèce, en tant que porte d'entrée dans l'UE, doit faire face malgré la crise à une vague de réfugiés des zones de conflit comme la Syrie ou l'Afghanistan. L'Europe doit comprendre qu'on nous laisse actuellement seuls avec une bombe. Comment un pays en crise peut-il seul gérer 1,5 million de réfugiés ?, s'insurge-t-il. Connu pour ses positions ultra-souverainistes, Panos Kammenos a choisi d'accorder cet entretien à un quotidien allemand qui mène une fronde anti-Grèce au point de s'être fait tancer par la Fédération des journalistes. Dans un éditorial publié sur son site internet, l'hebdomadaire Der Spiegel appelle la Grèce et l'Allemagne à cesser une guerre des mots destructrice pour l'Europe. Il est temps de dire aux bagarreurs: arrêtez enfin cela!, écrit-il. Ce conflit ne fait que s'amplifier avec peut-être des conséquences non encore prévisibles sur le plan économique, politique et dans la société, selon lui. En début de semaine, Athènes a menacé de saisir de biens immobiliers allemands en compensation des crimes commis par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Mustapha S.