Le pétrole reculait hier dans les échanges matinaux en Asie de crainte qu'un accord entre les Occidentaux et Téhéran sur le nucléaire ne permette à l'Iran d'augmenter ses exportations de brut. Le prix du baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en mai se dépréciait de 69 cents, à 47,99 dollars, tandis que le cours du baril de Brent de la mer du Nord à même échéance perdait 55 cents, à 55,74 dollars. Les cours de l'or noir, en chute de près 50% depuis juin, pâtissent d'une production record et de réserves abondantes que la demande est incapable d'absorber. La production des membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), structurellement élevée, continue de grimper après le refus du cartel de la limiter pour soutenir les cours. A cela s'ajoute la croissance de la production américaine qui bat record sur record et gonfle les stocks. Selon les prévisions médianes des analystes interrogés par l'agence Bloomberg, les stocks américains devraient une nouvelle fois crever leur plafond : le marché les attend en hausse de 4,5 millions de barils au cours de la semaine finissant le 27 mars, alors qu'ils sont déjà au niveau -- inédit depuis 1982 -- de 466,7 millions de barils. Le département américain de l'Energie doit publier mercredi les dernières données hebdomadaires sur les réserves de brut aux Etats-Unis, premier consommateur mondial. Toujours côté offre, les opérateurs scrutent les négociations entre les grandes puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, France et Allemagne) et l'Iran qui sont censés parvenir ce mardi à Lausanne à un premier compromis sur le dossier du nucléaire iranien qui empoisonne les relations internationales depuis 12 ans. L'objectif est de s'assurer que l'Iran ne cherchera pas à se doter de la bombe atomique, en échange d'une levée des sanctions internationales qui étranglent son économie. Les exportations de brut iranien ont chuté de plus de 2,2 millions de barils par jour (mbj) en 2011 à environ 1,3 mbj actuellement en raison de l'embargo pétrolier instauré en 2012 par les Etats-Unis et l'Union européenne (UE) pour tenter de stopper les ambitions nucléaires à vocation militaire de Téhéran. Un accord avec l'Iran et une levée de sanctions économiques, y compris sur le secteur pétrolier, pourraient amener le pays à exporter autour d'un million de barils supplémentaires par jour, alors que le marché du pétrole est déjà plombé par la surabondance de l'offre. Il est vraiment temps maintenant de prendre des décisions pour parvenir à une entente, a exhorté lundi soir la porte-parole du Département d'Etat américain Marie Harf, estimant à 50/50 les chances d'un accord, tandis qu'un diplomate occidental tranchait: il est maintenant temps de dire oui ou de dire non. La veille, les cours du pétrole ont reculé une nouvelle fois à New York, de peur qu'un éventuel accord préliminaire entre l'Iran et les grandes puissances annonce l'afflux de pétrole supplémentaire sur le marché. Le prix du baril de "light sweet crude" (WTI) pour livraison en mai a perdu 19 cents à 48,68 dollars à la clôture sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le cours du baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mai a également reculé de 12 cents à 56,29 dollars, sur l'Intercontinental Exchange (ICE). "Le marché semble prêter la plus grande attention aujourd'hui aux pourparlers sur le nucléaire iranien, avec les négociateurs qui essaient d'arriver à un accord de principe avant la date limite qu'ils se sont fixée au 31 mars", a expliqué Tim Evans, chez Citi. "Même si un accord à ce stade ne serait pas inattendu, nous pensons qu'il serait un nouveau facteur de baisse, rapprochant la perspective d'un retour des exportations et de la production iraniennes", a-t-il ajouté. "C'est la dernière chose qu'il faut à un marché qui souffre déjà de surabondance", a noté Robert Yawger chez Mizuho Securities. Le marché a cependant comblé une partie de ses pertes en fin de séance, à peu près au moment où le secrétaire d'Etat américain John Kerry a fait état de "difficultés" persistantes. En effet "l'absence d'accord encouragerait probablement un rebond réflexe de court terme", a souligné Matt Smith chez Schneider Electric, et toute indication d'un risque que les pourparlers tournent court peut justifier un mouvement d'achat. M. Kerry a déclaré sur CNN qu'"il y a toujours des points difficiles. Nous travaillons très dur pour les résoudre, nous allons travailler tard dans la nuit et demain, avec l'objectif de parvenir à quelque chose", a-t-il ajouté. Parallèlement, a noté M. Evans, "la production et les exportations libyennes continuent à tranquillement dépasser les attentes du marché", ce qui pèse également sur les cours. Plus généralement, M. Yawger a souligné que le marché reste très corrélé avec l'évolution du dollar. Il a donc logiquement souffert lundi du regain de vigueur du billet vert. Il ne fallait plus vers 19H00 GMT que 1,0820 dollar pour acheter un euro, contre 1,0890 vendredi. "La force du dollar pèse sur le marché (du pétrole), c'est souvent le cas", a noté M. Yawger. M. Yawger soulignait aussi que le dernier rapport du ministère américain de l'Energie avait fait état de stocks record et d'une production au plus haut aux Etats-Unis, ce qui n'engage guère les investisseurs à acheter du pétrole. Alors qu'un autre analyste, James Williams, chez WTRG Economics, a estimé que "la production est sur le point de partir en baisse", M. Yawger a souligné que même lorsque ce point sera atteint, ce sera à un moment où les stocks sont déjà au plus haut et tardent à s'écouler, ne justifiant guère d'enthousiasme chez les investisseurs.