Le plus grand constructeur automobile européen, l'allemand Volkswagen, a défendu mardi son bilan devant des actionnaires sourcilleux sur ses performances et cherché à rassurer après le bras de fer au sommet ayant conduit au récent départ du patriarche, Ferdinand Piëch. A défaut de la présider comme à l'accoutumée, M. Piëch a été évoqué à de nombreuses reprises lors de l'assemblée générale annuelle du groupe, qui a rassemblé quelque 3 000 actionnaires dans le centre des expositions de Hanovre (nord). Dès le début de son discours, le patron, Martin Winterkorn, a remercié au nom des 600 000 salariés et à titre personnel celui qui fut président du directoire puis du conseil de surveillance de Volkswagen. "Ferdinand Piëch a laissé son empreinte sur l'industrie automobile de ces 50 dernières années comme personne d'autre, en tant qu'entrepreneur, en tant qu'ingénieur, en tant que visionnaire courageux", a-t-il salué sous les applaudissements nourris de l'audience.
Retour au calme Il a également loué le retour au calme dans le groupe après "des journées agitées". Un sentiment partagé par les actionnaires. "Je salue la fin de la lutte de pouvoir", a déclaré l'un d'eux, Manfred Balke. M. Piëch n'a pas pour autant échappé aux critiques. Il a "agi de manière terriblement peu professionnelle" en étalant sur la place publique un différend avec M. Winterkorn dont on ignore la cause, ce qui a nui à l'entreprise, a déploré Ulrich Hocker, président de la fédération d'actionnaires DSW. Le patriarche, grande figure du milieu des affaires allemand, a démissionné fin avril de toutes ses fonctions au sein du groupe, mettant un terme à deux semaines d'agitation intense après avoir retiré en quelques mots dans la presse sa confiance à Martin Winterkorn. Sa manœuvre, interprétée comme une façon de pousser vers la sortie son ancien protégé de longue date, s'est retournée contre lui. M. Piëch s'est heurté au désaveu des membres les plus influents du conseil de surveillance, parmi lesquels des représentants du personnel, de l'Etat régional de Basse-Saxe, actionnaire, et son cousin Wolfgang Porsche, représentant d'une autre branche de la famille actionnaire, héritière de l'inventeur de la Coccinelle.
Succession ouverte Le patriarche de 78 ans conserve toutefois de l'influence sur la destinée du géant automobile européen car il détient selon le dernier décompte 13,6% des actions ordinaires de la holding Porsche SE (distincte du constructeur Porsche). Celle-ci possède elle-même la majorité (50,7%) des voix de Volkswagen, qui compte également le Qatar parmi ses actionnaires. En tant qu'actionnaire, M. Piëch aurait pu participer à l'assemblée générale, mais il n'y avait aucune trace de lui mardi matin dans l'immense salle. Le syndicaliste Berthold Huber, représentant du personnel au sein du conseil et ancien patron du syndicat IG Metall, a pris les rênes de l'organe de contrôle de manière provisoire et, à ce titre, il présidait l'assemblée générale. Le groupe "est sur le point de régler rapidement et du mieux possible" la question de la succession à la tête du conseil de surveillance, a affirmé M. Winterkorn afin de rassurer des investisseurs avides de visibilité. Parmi les successeurs possibles évoqués dans la presse figurent Wolfgang Porsche, cousin de Ferdinand Piëch, ainsi que Wolfgang Reitzle, ancien patron du fabricant de gaz industriels Linde. Le patron de Volkswagen a insisté sur la bonne santé du groupe dans un contexte délicat. "Volkswagen est une entreprise fondamentalement saine et bien armée", a-t-il affirmé. Il a également cherché à devancer les critiques récurrentes adressées au groupe aux 12 marques, notamment sur une stratégie peu porteuse aux Etats-Unis, la rentabilité insuffisante de la marque Volkswagen ou l'absence de modèle low-cost dans l'escarcelle du groupe, et mis en avant les réussites de Volkswagen. L'an passé, le groupe a dégagé un chiffre d'affaires de plus de 200 milliards d'euros et écoulé plus de 10 millions de véhicules, se rapprochant de son objectif de ravir au japonais Toyota le titre de numéro un mondial des ventes. A la Bourse de Francfort, vers 13H40, le titre Volkswagen signait une des meilleures progressions de l'indice Dax et gagnait 1,28% à 233,80 euros dans un marché en légère baisse.
Renforcer les synergies entre MAN et Scania Le groupe automobile allemand a annoncé la création d'une holding pour tirer meilleur parti du rapprochement de ses marques de bus et poids lourds MAN et Scania. La nouvelle structure, baptisée Truck & Bus, sera une filiale de Volkswagen et devra "établir des processus spécifiques aux véhicules utilitaires et relever ainsi le potentiel de synergies entre les marques", a expliqué le groupe dans un communiqué. La holding sera dirigée par Andreas Renschler, transfuge de Daimler, et doit permettre au plus grand constructeur automobile européen de se renforcer dans les camions face à ses principaux concurrents, Daimler et Volvo AB. Le rapprochement de la marque allemande MAN et de la suédoise Scania vise à "prendre des décisions communes sur la stratégie, le développement, le personnel, les achats et d'autres thèmes" afin de raccourcir les canaux de décision et d'accélérer leur mise en œuvre, a indiqué Volkswagen.