L'absence d'accord sur la Grèce signifierait le début de la fin pour la zone euro, avertit le Premier ministre grec Alexis Tsipras, dans un entretien hier avec le Corriere della Sera. Interrogé pour savoir si un échec de la Grèce signifierait un échec de l'Europe, M. Tsipras répond dans cet entretien exclusif : je pense que c'est évident. Ce serait le début de la fin de la zone euro. Pour le Premier ministre grec, un échec sur la Grèce conduirait inévitablement les marchés financiers à chercher un autre maillon faible dans la zone euro. Si la Grèce fait faillite, les marchés iront immédiatement chercher une autre proie, estime-t-il, en faisant référence à l'Espagne ou à l'Italie. Si les dirigeants européens ne peuvent pas régler un problème comme celui de la Grèce, qui représente 2% de son économie, quelle sera la réaction des marchés pour les pays qui affrontent des problèmes beaucoup plus grands, comme l'Espagne ou l'Italie qui a une dette publique de 2 000 milliards d'euros ?, s'interroge M. Tsipras. Ce dernier se veut toutefois rassurant et affirme qu'un accord entre la Grèce et ses créanciers internationaux est très proche. Encore faut-il qu'il ne contienne pas la suppression des retraites les plus faibles et des allocations, explique-t-il. Je pense que nous sommes très proches d'un accord (...), il ne manque plus que soit adoptée une attitude positive sur nos propositions alternatives aux coupes dans les retraites ou à l'imposition de mesures créant de la récession, affirme M. Tsipras. Les négociations entre la Grèce et ses bailleurs internationaux (FMI et Union européenne) patinent alors qu'elle a grandement besoin d'argent frais et notamment du déblocage d'une dernière tranche de prêts de 7,2 milliards d'euros prévus dans le plan d'assistance financière de 2012, avant le 30 juin. A la fin du mois, Athènes doit rembourser 1,6 milliard d'euros au Fonds monétaire international (FMI). La semaine dernière, propositions alternatives grecques et contre-propositions ont fait la navette au sujet des réformes structurelles qu'exigent les institutions financières à la Grèce en échange de milliards d'euros d'aides. Je crois que demain (mercredi, Alexis Tsipras doit retrouver la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande, ndlr), la discussion entrera dans le vif du sujet et nous définirons un planning précis, ajoute le chef du gouvernement grec, arrivé au pouvoir il y a quatre mois. Notre objectif est que les mesures (contenues dans l'accord, ndlr) tiennent compte du principe de redistribution et de justice sociale, ajoute-t-il, en insistant sur le fait que le plus important est de trouver un accord, afin que la Grèce reprenne sa place sur les marchés avec une économie compétitive. Au sujet des propositions faites par les institutions financières, M. Tsipras estime inconcevable qu'après cinq ans d'austérité, on nous demande de supprimer les retraites les plus faibles et les allocations qui concernent les citoyens les plus pauvres. Si la Grèce obtient quelque chose de bon de cet accord - par exemple, moins d'austérité - une nouvelle route s'ouvrira pour d'autres, ajoute-t-il. C'est pourquoi, les pays du Sud notamment devraient soutenir la position grecque dans leur propre intérêt, ajoute encore M. Tsipras.
Une contre-proposition de réformes soumise aux créanciers La Grèce a soumis une contre-proposition de réformes à ses créanciers, UE et FMI, afin de trouver un accord permettant la reprise du financement du pays, dont les caisses sont quasiment vides, ont indiqué hier des sources européennes. Les autorités grecques ont soumis une contre-proposition aux institutions, qui sont en train de l'étudier, a indiqué une des sources, sans préciser le contenu de ce document. Une contre-proposition a été reçue ce matin, a confirmé une seconde source. A Athènes, le gouvernement n'a pas confirmé cette information. On est en train d'échanger des idées et de discuter sur des propositions améliorées sur la base du plan de 47 pages déjà déposé. On n'a pas pour le moment déposé un nouveau texte en tant que tel, a affirmé une source gouvernementale grecque. Deux émissaires du Premier ministre grec Alexis Tsipras, dont le chef de file des négociations politiques Euclide Tsakalotos, se sont rendus lundi à Bruxelles pour évaluer les marges en vue d'un éventuel accord avec les créanciers. Ils se sont entretenus avec le commissaire européen chargé des Affaires économiques, Pierre Moscovici, selon une source proche des discussions. La Grèce, qui attend le versement de 7,2 milliards d'euros de ses créanciers en échange de réformes difficiles, a peu de temps pour négocier avant de n'avoir vraiment plus un sou en caisse. Jusqu'ici, le gouvernement de gauche radicale avait présenté une offre d'accord de 47 pages comprenant de nombreuses concessions, sur le plan fiscal et budgétaire notamment, par rapport à ses engagements de campagne. Mais les discussions avec ses créanciers ont achoppé la semaine dernière à Bruxelles sur les modalités d'une nouvelle réforme des retraites et une hausse de la TVA sur l'électricité. La contre-proposition reçue hier à Bruxelles porte notamment sur le rachat par Athènes des obligations grecques détenues par la BCE, une idée soutenue de longue date par le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, selon une source européenne. Dans le cadre d'une aide aux pays les plus touchés par la crise de la dette, la Banque centrale européenne (BCE) avait décidé en 2010 de racheter des obligations souveraines grecques d'une valeur nominale de 27 milliards d'euros. Ces obligations créent un double problème aux finances grecques: d'une part l'arrivée à échéance d'une partie de ces obligations en été -- l'Etat grec doit rembourser 6,7 milliards à la BCE (en juillet et août)--, crée un trou budgétaire important; d'autre part leur détention par la BCE empêche Athènes de participer au vaste programme du rachat des dettes des pays (QE) lancé par la BCE, avait expliqué M. Varoufakis fin mai. Pour le ministre, la solution serait un prêt du fonds de soutien de la zone euro à la Grèce avec un taux bas de 1,5% afin que le pays puisse racheter les obligations détenues par la BCE; cela permettrait le transfert de la dette de la BCE au MES, et faciliterait le retour du pays sur le marché de la dette.
Varoufakis met en garde contre un échec historique La veille, le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a mis en garde à Berlin contre "un échec" historique des dirigeants européens, y compris d'Alexis Tsipras, si aucun accord n'intervient entre la Grèce et ses créanciers. Le pays est menacé d'asphyxie financière. "Ce dont nous avons besoin, c'est d'un accord rapidement", a-t-il lancé lors d'un débat organisé par une fondation proche de la Confédération allemande des syndicats (DGB). "Nous devons éviter un accident, qui ne serait pas un accident", a-t-il averti, sans préciser s'il faisait référence à un éventuel défaut de paiement de son pays qui fait face à la fin du mois à de lourdes échéances de remboursement. "L'histoire y verra un échec de la classe politique: le mien, (celui du ministre allemand des Finances) M. Schäuble, (de la chancelière allemande) Mme Merkel, (du Premier ministre grec) Alexis Tsipras, (du président de la Commission européenne) Juncker", a-t-il insisté, devant plus d'une centaine de personnes. Au château d'Elmau, en Bavière, où s'est tenu le sommet du G7, Angela Merkel a d'ailleurs averti qu'il ne restait "plus beaucoup de temps" pour arriver à un accord alors que l'Allemagne, la France et les autres partenaires européens excluent une sortie de la Grèce de la zone euro. Yanis Varoufakis l'a par ailleurs invitée à "prononcer un discours d'espoir" pour l'Europe, comme les Américains l'avaient fait après la Seconde guerre mondiale dans une Allemagne anéantie après la période nazie. "Ce devrait être la chancelière allemande" qui prononce une telle déclaration qui serait "une césure par rapport à ces cinq dernières années", a-t-il souligné, réaffirmant une idée déjà exprimée dans une tribune en fin de semaine. "Peu importe" où ce discours serait tenu, "à Athènes, Thessalonique, Chania (Crète), Patras ou dans un village", il s'agit de proposer "une nouvelle approche de l'Europe", pour lui.