La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé hier que l'échec de l'euro serait celui de l'Europe, appelant au compromis alors que le risque d'une sortie de la Grèce de la monnaie unique est redouté. Si l'euro échoue, l'Europe échoue, a déclaré la chancelière devant des représentants de son parti conservateur à Berlin, dans sa première prise de parole publique après l'échec des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Si nous perdons la capacité à trouver des compromis, alors l'Europe est perdue, a-t-elle dit sans commenter les derniers développements et en prononçant le mot Grèce une seule fois. Reconnaisant que le regard du monde entier était ces jours-ci rivé sur l'Union européenne, Mme Merkell a poursuivi : Nous pourrions abandonner (...) mais je dis: à moyen et long terme nous en souffririons parce que si nous ne restons pas unis nous n'arriverons pas à nous faire entendre dans le monde. Elle a refusé l'idée de mettre de côté les principes qui régissent l'Europe, dont l'équilibre entre solidarité entre Européens et efforts des intéressés qui guident son action depuis le début de la crise. Insistant sur la communauté de valeurs de l'Europe, elle a plaidé pour trouver des compromis dans tous les défis et a rendu hommage à son ministre des Finances. Si quelqu'un en a fait l'expérience ces derniers mois et ces dernières semaines c'est bien Wolfgang Schäuble, a-t-elle souligné. M. Schäuble, gardien jaloux des deniers allemands, a adopté une ligne dure à l'égard de la Grèce dans les négociations entre Athènes et ses créanciers pour obtenir un nouveau renflouement en échange de réformes et coupes budgétaires. Alors que la chancelière semblait prête à plus de compromis, et s'activait à la recherche d'une solution, recherchant le dialogue avec Alexis Tsipras, beaucoup d'observateurs à Berlin ont spéculé sur des divergences entre les deux. Mme Merkel est bien sûr disposée à reprendre le dialogue avec le Premier ministre grec, a assuré son porte-parole Steffen Seibert. La chancelière devait recevoir à la mi-journée les chefs de partis et groupes parlementaires sur le sujet, mais il était difficile d'imaginer un tournant dans les deux jours, a prévenu M. Seibert. Mme Merkel a repris sa formule si l'euro échoue, l'Europe échoue, souvent utilisée pour enjoindre les députés à accorder des garanties de crédits de plusieurs milliards à leurs partenaires en difficulté, dont la Grèce.
Juncker: un non au référendum serait un non à l'Europe Un non au référendum prévu dimanche en Grèce sur les propositions des créanciers serait un non à l'Europe, a averti hier le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, appelant à voter oui et critiquant très vivement le gouvernement de gauche radicale d'Alexis Tsipras. Un +non+ voudrait dire, indépendamment de la question posée, que la Grèce dit +non+ à l'Europe, a lancé M. Juncker lors d'une conférence de presse à Bruxelles. Je demanderai aux Grecs de voter oui, indépendamment de la question qui leur est posée, a-t-il dit, ajoutant qu'il fallait voter oui parce que les Grecs fiers d'eux-mêmes et de leur pays doivent dire oui à l'Europe. Il ne faut pas se suicider parce qu'on a peur de la mort, a-t-il affirmé dans une adresse directe aux Grecs. Je suis profondément affligé par le spectacle qu'a donné l'Europe samedi dernier (...) Après tous les efforts que j'ai déployés, je me sens trahi car mes efforts ont été insuffisamment pris en compte, a ajouté M. Juncker, qui est également l'ancien patron de la zone euro. Samedi, réagissant à l'annonce surprise par le Premier ministre Alexis Tsipras d'un référendum le 5 juillet sur le plan d'aide financière proposé par les créanciers (UE et FMI), les ministres des Finances de la zone euro ont décidé de ne pas prolonger au-delà du 30 juin l'assistance financière à Athènes. Ils ont imputé à la Grèce la responsabilité de la rupture des négociations qui se poursuivaient depuis cinq mois et qui rapproche le pays d'un défaut de paiement et d'une sortie de la zone euro. Nous avons vraiment remué des montagnes jusqu'à la dernière minute, jusqu'à ce que les Grecs ferment la porte, a regretté M. Juncker, estimant qu'il ne fallait pas jouer sur les divisions au sein de la zone euro. Jouer une démocratie contre 18 n'est pas une attitude qui convient à la Grèce, a-t-il dit. En Europe, aucune démocratie ne vaut plus qu'une autre et dans la zone euro il y a 19 démocraties, non une contre 18 et non 18 contre une, a-t-il insisté. La proposition faite à la Grèce par ses créanciers et qui sera soumise à référendum n'est pas un paquet d'austérité stupide, a-t-il aussi affirmé. C'est la Commission qui insistait sur davantage de justice sociale de certaines mesures dans les négociations avec Athènes, a martelé M. Juncker. Il n'y a pas de coupes dans les salaires dans ce paquet, il n'y a pas de coupes dans les retraites, a-t-il dit.
La proposition n'est pas "un paquet d'austérité stupide" La proposition faite à la Grèce par ses créanciers "n'est pas un paquet d'austérité stupide", a dit le président de la Commission européenne. Il s'en est pris aux autorités grecques, priant de ne pas jouer sur les divisions dans la zone euro. "Il n'y a pas de coupes dans les salaires dans ce paquet, il n'y a pas de coupes dans les retraites", a déclaré M. Juncker devant la presse. Il a affirmé que la Commission européenne avait "insisté pour davantage de justice sociale dans certaines mesures" discutées entre Athènes et ses créanciers. Il s'est dit "affligé" et "trahi" par l'échec des négociations entre la Grèce et ses créanciers, dans une déclaration extrêmement critique à l'encontre des dirigeants grecs. "Je demanderai aux Grecs de voter 'oui', indépendamment de la question posée", a-t-il dit, ajoutant qu'il fallait "voter oui parce que les Grecs fiers d'eux-mêmes et de leur pays doivent dire oui à l'Europe". "Il ne faut pas se suicider parce que l'on a peur de la mort", a-t-il lancé dans une adresse directe aux Grecs.
Un accord peut encore être trouvé Le ministre espagnol de l'Economie Luis de Guindos a estimé hier que la Grèce et ses créanciers pouvaient encore parvenir à un accord d'ici à ce soir, date à laquelle expire le programme d'aide actuel à Athènes. Il reste encore du temps, le deuxième programme de la Grèce expire mardi soir, ce qui signifie qu'il nous reste 48 heures et je pense qu'il peut toujours y avoir des négociations, a déclaré le ministre à la radio nationale RNE. Je n'exclurais pas qu'il puisse y avoir un accord d'ici à l'échéance, c'est-à-dire à minuit mardi, a ajouté Luis de Guindos. Si après cette échéance, il fallait s'entendre sur un nouveau programme d'aide à la Grèce, tout serait beaucoup plus compliqué, a averti le ministre à la mi-journée, à la sortie d'une réunion extraordinaire du comité des affaires économiques convoquée par le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy. Pour la Grèce le mieux est de continuer à faire partie de la zone euro et l'alternative d'une sortie de la monnaie unique est bien pire, surtout pour la société grecque, a insisté Luis de Guindos. Athènes a instauré dimanche un contrôle des capitaux dans le pays, au bord du gouffre financier, après l'échec des négociations avec ses créanciers pour prolonger ses prêts, ouvrant la voie à une sortie de la Grèce de la zone euro. Ceci a entraîné le décrochage des principales places boursières lundi matin, l'indice Ibex 35 à Madrid perdant 3,93% à 09H51 (07H51 GMT), et une envolée des taux d'emprunt de l'Espagne et des autres pays du sud de la zone euro, les plus exposés à la crise grecque. Le ministre de l'Economie, dont le pays est sorti en 2014 de cinq années de récession et de croissance nulle et qui se débat toujours avec les conséquences de cette crise profonde, s'est pourtant voulu rassurant. La situation de l'Espagne est très différente de celle de la Grèce, a-t-il assuré à l'antenne de RNE, avec un taux de croissance économique parmi les plus forts des grandes économies de la zone euro. La situation de nos banques n'a rien à voir avec celle que nous avions il y a trois ans et notre déficit budgétaire non plus, a poursuivi le ministre, pour qui l'Espagne est bien préparée. Madrid pourrait d'ailleurs d'ailleurs revoir ses prévisions de croissance, a indiqué Luis de Guindos. Le gouvernement table pour l'instant sur une croissance de 2,9% pour 2015 et 2016. La Banque d'Espagne est plus optimiste pour l'année en cours et table sur 3,1% puis 2,7% en 2016.
Le FMI reste prêt à apporter son assistance Le FMI va surveiller attentivement l'évolution de la situation en Grèce et dans les pays voisins, et se tient prêt à apporter son assistance en cas de nécessité, a déclaré sa directrice générale Christine Lagarde. La dirigeante a par ailleurs estimé que la zone euro était en position de force pour faire face aux répercussions la crise grecque et maintenir la stabilité de la région. Les prochains jours vont être importants (...) Le FMI va (...) continuer à surveiller la situation en Grèce et dans les pays voisins et se tient prêt à apporter son assistance en cas de nécessité, a déclaré la dirigeante, sans préciser exactement la nature de cette aide (technique, financière). Les ministres des Finances de la zone euro ont refusé samedi d'étendre le programme d'aide en cours, qui expire mardi alors que le gouvernement grec va organiser le 5 juillet un référendum sur la proposition de ses créanciers (BCE, FMI et Commission européenne) qui préconise des coupes budgétaires en échange d'argent frais. La directrice du FMI s'est par ailleurs dite déçue de l'échec de ces négociations avec Athènes mais a réaffirmé sa volonté de continuer à engager le dialogue avec les autorités grecques. Athènes devrait toutefois avoir bien du mal à honorer le remboursement de 1,5 milliard d'euros qu'elle doit verser au FMI d'ici à mardi sous peine d'être immédiatement déclarée en arriérés de paiement et d'être privée d'accès aux ressources de l'institution. La zone euro est aujourd'hui en position de force pour répondre efficacement et en temps utile à l'évolution de la situation, a par ailleurs déclaré Mme Lagarde, estimant que les autorités européennes s'étaient engagées à faire usage de tous les instruments disponibles pour contenir la crise grecque. La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé dimanche qu'elle maintenait à leur niveau actuel les prêts d'urgence accordés aux banques grecques, laissant de facto la porte ouverte à une solution politique in extremis. De leur côté, les dirigeants de l'Eurogroupe ont affirmé qu'ils restaient ouverts à la reprise du dialogue avec Athènes.
Niveau des fonds d'urgence maintenu La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le maintien du plafond des liquidités d'urgence (ELA) pour les banques grecques à son niveau actuel. Elle a assuré travailler à la Banque de Grèce pour assurer la stabilité financière. "Etant donné les circonstances actuelles, le conseil des gouverneurs a décidé de maintenir le plafond des provisions des liquidités d'assistance d'urgence (ELA) pour les banques grecques à celui décidé vendredi", précise la BCE dans un communiqué. Il est toutefois "prêt à reconsidérer sa décision" à tout moment, ajoute le communiqué. Vendredi, ce plafond avait déjà été laissé inchangé à 89 milliards d'euros. Avant la décision du conseil des gouverneurs, Lorenzo Bini Smaghi, ancien membre du directoire de la BCE, avait déclaré que celle-ci ne pouvait plus fournir de liquidités d'urgence aux banques grecques à partir du moment où les négociations entre Athènes et ses créanciers avaient été rompues. Le Premier ministre français Manuel Valls avait au contraire dit dimanche ne pas envisager que la Banque centrale européenne puisse "couper les vivres à la Grèce", après la rupture des négociations.
Stabilité financière La BCE va "travailler étroitement avec la Banque de Grèce pour maintenir la stabilité financière", assure également le communiqué. Le gouverneur de la Banque de Grèce Yanis Stournaras, membre du conseil des gouverneurs, a assuré dans le communiqué que son institution allait "prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la stabilité financière des citoyens grecs dans ces circonstances difficiles". Réunis à Bruxelles avec, puis sans leur collègue grec Yanis Varoufakis, les ministres des Finances de la zone euro ont regretté samedi que les autorités grecques aient "rompu les négociations de manière unilatérale" et ont refusé de prolonger l'actuel programme de renflouement, qui expire mardi, le jour où la Grèce, à court de liquidités, est censée rembourser 1,6 milliard d'euros au FMI.