Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé ce vendredi que les baisses d'impôts promises la veille par le président Hollande seraient inscrites dès le projet de budget pour 2016 que Bercy doit boucler d'ici un mois en vue d'un vote à l'automne. Alors que Michel Sapin refusait encore vendredi dernier de se prononcer sur la possibilité de redistribuer dès 2016 aux Français les fruits de la croissance attendue, les deux têtes de l'exécutif ont précipité les choses en quelques jours, tranchant avec la prudence du ministre des Finances. "La loi de finances 2016 organisera une nouvelle baisse de la fiscalité pour les ménages pour la troisième année consécutive", a affirmé vendredi le Premier ministre, en déplacement à la gare de Bercy à Paris. Il s'exprimait une semaine jour pour jour après l'annonce par l'Insee d'une stagnation inattendue de l'activité économique française au deuxième trimestre, marquant un à-coup décevant dans la reprise tant attendue. La plupart des prévisionnistes et l'Insee en premier lieu avaient en effet anticipé une croissance de 0,3% au deuxième trimestre qui aurait permis d'espérer aller confortablement au delà d'une croissance moyenne annuelle de 1% cette année. Puis en quelques jours, à trois mois du scrutin des régionales, tout s'est accéléré. M. Hollande a annoncé dans un entretien à plusieurs quotidiens régionaux des baisses d'impôts "si la croissance s'amplifie en 2016". Jeudi, le président a déclaré que des mesures de baisses d'impôts interviendraient finalement "quoi qu'il arrive en 2016" et vendredi M. Valls a encore accéléré le calendrier en les inscrivant au programme du projet de loi de finances que le ministre des Finances doit présenter fin septembre, en vue d'une adoption au Parlement avant Noël.
- Un pari sur la croissance - "Ce n'est pas une promesse, c'est un engagement que nous tiendrons !", a souligné le chef du gouvernement. "Nous sommes en train de rendre les arbitrages pour la préparation du projet de loi de finances", a-t-il ensuite rappelé sans donner néanmoins aucun détail sur l'ampleur de cette baisse d'impôts. A Bercy, on reconnaît de la part de l'exécutif "une volonté de parier sur la croissance", tout en relevant qu'"on parle plus de la croissance de 2016 que de celle de 2015". Or il est vrai que si la croissance 2015 pourrait être freinée par le mauvais résultat du deuxième trimestre, celle de 2016 est donnée bien meilleure tant par le gouvernement (1,5%) que par le consensus des économistes (1,6%). En ce sens, le pari du président de la République d'accélérer la mise en oeuvre de ses promesses - augmentation des impôts pour réduire le déficit en début de quinquennat, baisse des impôts pour redistribuer les fruits de la croissance en fin de quinquennat- ne semble pas si risqué. Même si pour le député européen Les Républicains Philippe Juvin, "le chef de l?Etat fait preuve d'une incroyable légèreté" en promettant de "distribuer des richesses que nous n'avons pas". Bercy comptait par ailleurs déjà sur les bénéfices induits par une meilleure croissance (qui se traduit par de meilleures rentrées fiscales pour l'Etat) pour adoucir ses coupes dans la dépense publique notamment. En 2016, la France doit en effet dégager 10 milliards d'euros pour ramener son déficit à 3,3% du Produit intérieur brut (PIB). Mais elle doit aussi poursuivre son effort de réduction de la dépense publique de 19 milliards d'euros, ce qui entraîne des économies de plus en plus douloureuses année après année. Le gouvernement s'est enfin engagé à poursuivre le versement d'aides aux entreprises, pour près de 10 milliards supplémentaires l'année prochaine. Reste une inconnue: le montant de cette remise fiscale. "Plus la reprise sera forte, plus la baisse sera forte en 2016", a assuré le Premier ministre. Mais tant que la reprise n'est pas effectivement constatée, difficile de savoir quelle marge de manoeuvre elle ouvrira.