Le lourd contentieux hérité de l'époque coloniale plane toujours sur les relations bilatérales entre Alger et Paris. Aujourd'hui, il est plus qu'évident qu'aucun rapprochement effectif ne peut atteindre le stade de concrétisation sans le règlement définitif de ce volet qui continue de susciter des passions tant en Algérie qu'en France. Ceci s'est confirmé au premier jour de la visite d'Etat qu'effectue le président Sarkozy depuis lundi en Algérie. Lors de la rencontre qu'il a eue avec les chefs d'entreprise algériens et français affiliés respectivement au Forum des chefs d'entreprises (FCE) et au Medef international, le président français a prononcé un discours où il ne pouvait aborder les horizons et perspectives de la coopération bilatérale dans les divers secteurs économiques sans évoquer l'épineuse question liée au devoir de mémoire et les crimes contre l'humanité commis durant la période coloniale. Sachant pertinemment à quel point l'émotion que suscite encore cette époque, combien éprouvante, pèse sur l'avenir de la coopération bilatérale, le président Sarkozy ne pouvait évoquer les questions d'actualité, telles que les IDE, les échanges commerciaux et autres, sans entamer sa communication par cette déclaration : "Parler d'avenir, ce n'est pas ignorer le passé. Je suis convaincu depuis toujours que pour bâtir un avenir meilleur on doit au contraire regarder le passé en face. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait en Europe. C'est le travail de mémoire que je suis venu proposer au peuple algérien. Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité". Au-delà de tout constat qui puisse être fait de la manière d'appréhender l'histoire, en Algérie autant qu'en France, il y a lieu de conclure que l'accomplissement de ce travail de mémoire nécessite encore un débat approfondi et, surtout, une volonté réelle d'en finir avec toutes les équivoques et les sous-entendus. Du côté algérien, en tout cas, le discours à lui seul ne peut être la réponse attendue aux revendications que formule habituellement l'ancienne colonie à son ancien colonisateur. Sans tarder d'ailleurs, les intentions du gouvernement algérien quant à cette question ont été formulées par le ministre d'Etat ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nourdine Yazid Zerhouni, hier matin, alors qu'il accompagnait le président français pour une visite au site antique de Tipaza, en déclarant que "chacun de nous (Algériens et Français) connaît les problèmes et les limites de son partenaire (…) L'important est qu'il y a une volonté d'avancer et de construire de part et d'autre". Mais pour parvenir à cet objectif, Yazid Zerhouni a estimé que "la condamnation par Nicolas Sarkozy du système colonial va dans le bon sens, mais ce n'est pas assez quand nous plaçons ces paroles dans leur contexte". C'est dire que sans la reconnaissance officielle et publique des exactions commises tout au long de l'époque coloniale le discours n'est là que pour raviver les passions, les frustrations et susciter, parfois la déception. Il ne suffit pas que le président Sarkozy reconnaisse que le colonialisme a été néfaste pour dire que la page est tournée ; il faut aller, plutôt, de l'avant pour que l'objectif assigné à cette coopération bilatérale puisse être atteint. Lequel objectif que Sarkozy résume dans cette déclaration : "Le passé existe, l'avenir est à construire. Moi, je suis venu pour construire. Je ne suis pas venu pour la nostalgie. Je suis venu pour l'avenir, pour l'amitié et pour la confiance entre l'Algérie et la France".