La vague notion de devoir de mémoire développée par l'UMP cache mal les arrière-pensées du gouvernement français quant à son refus de condamner le fait colonial. Alger tient beaucoup à cet aspect dans l'assainissement de ses relations avec l'Hexagone. Quant à la libre circulation des personnes, les conditions jugées draconiennes dans l'octroi de visas et la question du Sahara Occidental, les divergences restent insurmontables. C'est l'échec des retrouvailles entre Alger et Paris. La visite du ministre français des Affaires étrangères destinée à relancer le projet de signature du traité d'amitié entre les deux pays n'a pas abouti à l'objectif escompté. Les raisons sont multiples, et les divergences sont légion aussi bien sur les questions bilatérales d'intérêt commun que sur des dossiers de grande importance régionale et internationale. Pour le gouvernement algérien, les perspectives d'une conclusion du traité d'amitié entre l'Algérie et la France s'éloignent tant que des mesures ne sont pas prises par rapport à la condamnation du fait colonial. Des sources diplomatiques à Alger estiment que “le traité d'amitié ne fait pas partie de l'avenir prévisible des relations algéro-françaises” La sentence est assez lourde. Mais pour Alger, elle est justifiée. En effet, malgré l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février, les arrière-pensées, quant à la glorification de la présence française en Afrique du Nord et dans les territoires d'outre-mer ne sont pas pour autant dissipées au niveau du parti de l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) de Nicolas Sarkozy, actuel ministre français de l'Intérieur. C'est du moins la profonde conviction des autorités algériennes qui voient dans l'attitude des responsables de l'UMP une manière de gagner du temps en jouant sur la fibre nationaliste de l'extrême droite française. “Evoquer la vague notion de devoir de mémoire est une façon de continuer à nous berner, alors que cette notion est développée par l'UMP en vue de courtiser l'électorat du Front national, notamment en prévision de la présidentielle de 2007”, affirme-t-on à Alger comme pour signifier que le projet du traité d'amitié revêt un enjeu beaucoup plus important aussi bien pour les acteurs politiques français que pour les Algériens. Au fait, au-delà des doutes qui subsistent aujourd'hui sur les prétendues retombées de la conclusion d'un partenariat d'exception entre la France et l'Algérie sur notre pays, il faudrait d'abord assainir certains contentieux liés à la circulation des personnes, même si sur cette question bien précise les autorités de l'Hexagone évoquent l'argument de mise en conformité avec la politique européenne en la matière. Mais comment peut-on prétendre construire un partenariat d'exception, alors que les conditions d'octroi de visas sont souvent difficiles et parfois même humiliantes ? Alger ne cache pas ainsi sa colère sur la question. Le volet lié à la circulation des personnes ainsi que le traitement réservé à nos ressortissants sont à déplorer, et les Algériens souhaitent que les autorités françaises accordent un peu plus d'attention à ce dossier sensible. Ce qui ne semble pas être le cas, du moins dans les circonstances actuelles, la France étant engagée dans une période de précampagne électorale pour l'échéance de 2007. Et s'il y a lieu d'espérer un changement de stratégie, il faut attendre l'issue de la prochaine présidentielle pour pouvoir savoir avec exactitude quel chemin prendront les relations bilatérales. Autre point d'achoppement, le Sahara Occidental. Les mêmes sources parlent de “divergences de fond” sur ce dossier qui revêt un caractère de décolonisation et vont jusqu'à reprocher à Paris son soutien inconditionnel au royaume du Maroc et le fait que ce dernier a renoncé à ses engagements pris dans le cadre des accords de Houston et son rejet du plan Baker. Ainsi, au-delà de la mise en coma profond du pacte d'exception, les observateurs assistent à une nouvelle période de brouille des relations algéro-françaises qui ont évolué en dents de scie depuis l'indépendance en 1962. La visite d'Etat en mars 2003 du président Jacques Chirac à Alger avait allumé une flamme qui laissait présager une normalisation définitive des relations bilatérales. Le processus de refondation entrepris à l'époque visait comme objectif et finalité l'instauration de rapports privilégiés et d'un partenariat d'exception ayant vocation à se poser comme modèle de coopération dans la région et dans les relations internationales. “Ce partenariat d'exception relève fondamentalement de l'action des deux gouvernements qui en fixent les contours et le contenu. Il s'enrichit également de l'apport essentiel des sociétés civiles française et algérienne dont la contribution et le dynamisme constituent un atout précieux dans les liens sans équivalent établis entre les deux peuples”. Telles étaient les intentions proclamées par la Déclaration d'Alger. Trois ans plus tard, non seulement on en est encore à la case départ, mais il semble qu'il faudra tout recommencer à zéro. Salim Tamani