La crise des stocks, qui menace la pêche au thon dans le Pacifique, plus grande zone de pêche thonière au monde, est au centre d'une conférence régionale qui s'est ouverte lundi dernier à Guam en présence d'une quarantaine de pays. La réunion de la Commission des pêches du Pacifique central et occidental, qui durera toute la semaine, va notamment tenter d'améliorer les mesures de conservations des stocks. Les pays insulaires du Pacifique ainsi que les grands pays pêcheurs participent à cette conférence. L'appétit du Japon pour le sashimi, confectionné avec un thon de haute qualité, ainsi que la consommation de thon en boîte, qui constitue un apport en protéines bon marché, ont entraîné une chute des stocks dans la plupart des océans de la planète. C'est dans le Pacifique central et occidental que la situation est cependant la moins dramatique. Dans cette zone, la pêche thonière représente pour de nombreux pays la seule source de revenus ainsi que la plus importante ressource alimentaire des populations. Actuellement, les licences de pêche ne rapportent cependant à ces petites nations que 5 à 6% des 3 milliards de dollars annuels, que représentent les prises de la région. Le Japon, Taïwan, la Corée du Sud et d'autres grands pays éloignés de cette zone du Pacifique, qui sont les principaux pêcheurs de thon rouge, utilisent des navires sophistiqués dont la capacité peut atteindre 10 000 tonnes par an. Mais ces navires, qui ont représenté l'an dernier 72% des prises de la région, capturent indistinctement de nombreux jeunes thons albacore ou bigeye. Selon certains professionnels, le maintien des stocks nécessiterait une réduction de moitié des prises de thon dans le Pacifique occidental et central. De son côté , l'Union européenne, a décidé de durcir un plan de sauvegarde du thon rouge, en introduisant l'obligation pour chaque Etat de présenter des plans de pêche très détaillés avant chaque campagne dans l'espoir de prévenir des dérapages. Réunis à Bruxelles fin novembre, les ministres européens de la Pêche ont formalisé un engagement déjà pris sur le principe en juin sur ce plan de sauvegarde, qui court sur 15 années. Il est le fruit d'efforts déployés au niveau international dans le cadre de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA). Comme cela avait été annoncé il y a cinq mois, il est prévu au sein de l'UE de réduire progressivement les quotas de pêche, de limiter les sorties en mer à six mois dans l'année, d'augmenter de 10 à 30 kg la taille minimale des prises, afin de laisser aux thons le temps de se reproduire, et de renforcer les contrôles. L'objectif est de tenter de freiner la baisse rapide en Méditerranée et dans l'Atlantique des stocks de cette espèce très prisée des consommateurs avec la mode des "sushis" en particulier. Les ministres de la Pêche y ont ajouté une mesure supplémentaire, qui avait été proposée récemment par le Parlement européen : l'obligation dès le début de l'année prochaine pour tous les Etats de l'UE de présenter à la Commission européenne avant le début de la saison des "plans de pêche". "Concrètement, ils devront dire d'ici fin janvier comment ils comptent répartir les quotas nationaux qui leur sont alloués, bateau par bateau pour les gros navires de plus de 24 mètres, et par groupes de chalutiers pour les plus petits", a précisé un diplomate européen ayant participé aux discussions. "L'objectif est de permettre à la Commission de vérifier si les plans sont réalistes" pour prévenir la surpêche en fin de saison, a-t-il ajouté. L'Union européenne a en effet une nouvelle fois dépassé cette année son quota, d'environ 4 000 tonnes, la France étant le principal responsable. La pêche a dû être prématurément fermée. Lors de sa dernière conférence annuelle, qui s'est terminée le 18 novembre, la CICTA a fait preuve de fermeté en demandant à l'Union européenne de "rembourser" intégralement sa surpêche de 2007, alors que dans le passé elle avait souvent passé l'éponge. Les pays européens le feront sur trois ans à partir de 2009, période pendant laquelle leurs quotas seront donc amputés de ces mêmes 4 000 tonnes. Il reviendra à la Commission de faire la répartition par pays, sans doute en début d'année prochaine, ce qui promet des discussions délicates. "Les pays européens sont sous pression pour serrer les boulons car sinon la pression en faveur d'un moratoire total sur la pêche au thon va grandir", a souligné le diplomate européen. "Le thon rouge pourrait en effet finir par être inscrit à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,) ce qui imposerait de très fortes restrictions", a-t-il ajouté.