L'Arabie saoudite fourbit ses armes avant le retour de l'Iran sur le marché pétrolier, bien décidée à ne céder aucun terrain à un rival avec qui les tensions s'exacerbent, au moment où les cours du pétrole atteignent de nouveaux planchers. Même si l'escalade des tensions entre Ryad et Téhéran, après l'exécution samedi d'un dignitaire religieux chiite, a brièvement bénéficié aux cours du pétrole, faisant craindre un temps pour l'approvisionnement mondial en brut, les investisseurs se sont rapidement ravisés. Les tensions actuelles entre l'Arabie saoudite et l'Iran pourraient ajouter une importante prime de risque géopolitique mais seulement si l'inimitié entre les deux rivaux pétroliers s'intensifie davantage jusqu'à perturber l'approvisionnement dans la région, a déclaré Abhishek Deshpande, analyste chez Natixis. Or, selon ce dernier, Téhéran et Ryad, qui contribuent respectivement à hauteur de 2,8 et 10,4 millions de barils par jour (mbj) à l'offre mondiale de brut, prendront particulièrement garde à ne pas perturber ces flux d'or noir dont leurs revenus dépendent largement. Ainsi, la plupart des analystes estimaient que la crise irano-saoudienne risquait au contraire d'ajouter une pression supplémentaire à des prix du pétrole déjà au plus bas, en compromettant davantage tout espoir d'accord sur des réductions de production au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), dont Ryad et Téhéran sont deux membres éminents. Le Brent, le baril de pétrole échangé à Londres, est d'ailleurs passé mercredi sous la barre des 35 dollars pour la première fois en onze ans et demi tandis que le WTI, qui se négocie à New York, a franchi ce seuil à la baisse mi-décembre, ce qui constituait une première depuis la mi-février 2009. Selon David Hufton, analyste chez PVM, la rupture complète des relations entre l'Iran et l'Arabie saoudite réduit les chances de toute coopération sur la production à zéro et fait de la bataille féroce pour les parts de marché une certitude.
Guerre des prix sans merci La guerre tarifaire est déjà déclarée du côté de Ryad qui, non content d'avoir imposé aux autres membres de l'Opep un maintien de la production du cartel à son niveau actuel, vient de baisser les prix de son pétrole à destination de l'Europe pour mieux couper l'herbe sous le pied à la concurrence tant russe qu'iranienne. Le Vieux Continent constituait en effet le marché traditionnel de Téhéran avant l'imposition en 2012 de sanctions internationales à la République islamique pour son programme nucléaire, et reste un débouché privilégié pour Moscou, l'autre bête noire de Ryad, dont la production a atteint un record en 2015, à 10,73 mbj en moyenne. L'Arabie saoudite fera tout ce qu'il faut pour protéger ses parts de marché et a décidé de poursuivre une politique (consistant à) ne pas réduire sa production lors de la dernière réunion de l'Opep (en décembre). L'Iran et la Russie resteront ses principales cibles, a poursuivi M. Deshpande. Il est logique que l'Arabie saoudite cherche à laisser le moins d'espace possible au retour du pétrole iranien. La décision de modifier sa politique de prix était certainement en partie actée depuis plusieurs mois puisque l'accroissement des exportations iraniennes était prévisible en ce début d'année, a observé de son côté Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. Certains analystes jugeaient toutefois que le bond des exportations iraniennes anticipé pour cette année, sous l'effet de la levée des sanctions occidentales, pourrait être compromis et relevaient une certaine inflexion dans le discours jusqu'alors particulièrement offensif de Téhéran à ce sujet. Alors que l'Iran n'a eu de cesse de répéter, au cours des derniers mois, qu'il n'accepterait aucunement de voir sa production bridée, en dépit de la chute des cours du brut, il semble désormais davantage disposé à accepter une augmentation progressive de celle-ci pour limiter la pression sur les prix, comme l'a laissé entendre récemment le président de la National Iranian Oil Compagny (NIOC). Que ce soit vraiment parce que l'Iran ne veut pas d'une +guerre des prix+ comme il le prétend ou qu'il reconnaisse de la sorte que la croissance de sa production sera plus lente qu'anticipé précédemment, c'est à chacun de trancher, notait M. Hufton. Téhéran avait prédit jusqu'alors une augmentation de sa production de 500.000 barils par jour dès la levée des sanctions puis d'un million de barils par jour par la suite.