Les ministres de l'Opep, réunis, aujourd'hui, à Vienne, devraient laisser inchangés leurs quotas de production, en dépit de perspectives économiques moroses et du redémarrage de la production libyenne, sur fond de tensions géopolitiques autour de l'Iran, estiment les analystes. Secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), Abdallah El Badri, a donné le ton, mercredi dernier, depuis le Qatar, estimant que le marché était suffisamment approvisionné et que les récents cours de l'or noir, entre 100 et 120 dollars, était satisfaisants. Face à la reprise rapide de la production en Libye, l'Opep est soucieuse de ne pas sur-approvisionner le marché en or noir, et les ministres ne vont probablement pas se prononcer pour un changement formel de leurs quotas, confirme Harry Tchillinguirian, analyste de BNP Paribas. Les douze pays de l'Opep avaient échoué à trouver un accord lors leur dernière réunion en juin: les Etats du Golfe emmenés par l'Arabie saoudite souhaitaient relever les quotas pour mieux compenser la pénurie du brut libyen depuis le début de la guerre civile, mais s'étaient heurtés à l'intransigeance des membres les plus conservateurs, Iran en tête. L'Arabie saoudite, forte de capacités excédentaires importante, avait alors décidé unilatéralement d'augmenter sa production. Mais entre-temps, le conflit en Libye s'est terminé et le pays, membre de l'Opep, a repris mi-septembre sa production de brut après une quasi interruption de sept mois: la Libye a repassé le cap des 600 000 barils par jour et espère retrouver le niveau d'avant-guerre (1,6 million de barils/jour) d'ici la fin 2012. Le redémarrage en fanfare de la production libyenne accroît les risques d'affrontement lors de la réunion de l'Opep, cela peut encourager l'Iran et le Venezuela à demander un abaissement des quotas, a estimé Eugen Weinberg, analyste de Commerzbank. Mais les Saoudiens devraient faire la sourde oreille, s'inquiétant toujours de la morosité des perspectives de croissance des pays consommateurs. L'Opep est confrontée à un dilemme: s'ils ne réduisent pas leur offre, le risque de surproduction s'accroît ; mais s'ils le font, alors les prix monteront encore, menaçant un environnement économique déjà fragile, a résumé M. Weinberg, tablant lui aussi sur un statu quo. D'un autre côté, les " faucons" du cartel peuvent aussi se montrer rassurés par les prix actuels du baril, stabilisés autour de 100 dollars, et ils pourraient accepter de ne pas bouleverser les quotas jusqu'à l'an prochain, observait David Hufton, du courtier PVM. Les quotas de production du cartel, fixés à 24,84 millions de barils par jour (mbj) depuis janvier 2009, pourraient donc être reconduits pour la neuvième fois, même si en réalité, les onze membres de l'Opep soumis aux quotas (l'Irak en est exclu) pompent plus de 27 mbj, selon l'Agence internationale de l'Energie (AIE). L'Opep, si l'on inclue l'Irak, produit au total 30,01 mbj, un tiers de l'offre mondiale. Plus qu'un changement de quotas, les Etats pourraient donc s'entendre pour une meilleure discipline et un plus grand respect des quotas, afin d'adapter leur production au retour de la Libye, a indiqué Manouchehr Takin, analyste du Centre d'études énergétiques mondiales (CGES), basé à Londres. Selon lui, le spectre de la crise iranienne, après le récent durcissement des sanctions occidentales contre Téhéran, devrait planer sur la réunion de Vienne, d'autant que l'Iran assure cette année la présidence tournante de l'organisation. En cas d'embargo, il sera très difficile pour les Européens de remplacer les 450 000 barils qu'ils importent chaque jour d'Iran, a déjà averti M. El Badri. De son côté, l'influent ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, a assuré que le Royaume était prêt à compenser toute pénurie sur le marché, avec une production de brut montée en octobre à 9,45 mbj, contre 8,80 mbj il y a six mois selon l'AIE.