Les Européens doivent attendre pour intervenir contre le groupe terroriste autoproclamé "Etat islamique" (EI/Daech) en Libye qu'un gouvernement libyen constitué et légitime leur en fasse la demande, a estimé dimanche la chef de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini. "Défaire Daech efficacement ne peut se faire qu'en passant par un gouvernement libyen légitime et en charge de sa propre sécurité", a déclaré Mme Mogherini dans un entretien au quotidien français le Journal du Dimanche. "En Libye, c'est aux Libyens d'affronter cette menace par eux-mêmes, alors que le peuple libyen est épuisé, et il faut mettre fin à ce chaos", a-t-elle ajouté. "Nous soutenons depuis de longs mois les efforts pour la mise en place d'un gouvernement d'accord national. Les prochains jours seront cruciaux, avec le vote du parlement pour approuver le futur gouvernement. Si on veut les aider, c'est en leur faisant confiance car ils connaissent leur pays mieux que nous-mêmes. Le choix de demander un éventuel soutien pour combattre Daech leur reviendra", a-t-elle précisé. Le Premier ministre libyen désigné Fayez al-Sarraj a pré- senté samedi au Parlement de Tobrouk (est) reconnu par la communauté internationale le programme de travail du nouveau gouvernement d'union nationale pour convaincre les députés de lui accorder leur confiance mardi. "L'Europe, a encore déclaré Mme Mogherini, est prête à fournir une aide technique pour l'aménagement des institutions, notamment les forces de police et de sécurité, le renforcement des municipalités libyennes qui constituent le plus grand réseau d'élus dans le pays, si le futur gouvernement le requiert". Ces déclarations interviennent au lendemain du raid effectu é par les Etats-Unis "sur des sites précis" à Sabrata à 70 km à l'ouest de Tripoli, qui a fait au moins 49 morts. Le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a condamné ce raid aérien américain, estimant qu'il s'agissait d'une violation de la souveraineté de la Libye. QUATORZE MORT À BENGHAZI Toujours dans ce pays mais cette fois-ci qui ne cesse de nager dans les affrontements, ou quatorze membres des forces loyales aux autorités libyennes reconnues par la communauté internationale ont été tués samedi dans des affrontements avec des groupes rivaux à Benghazi, dans l'est du pays, selon l'agence de presse proche de ces autorités. Deux autorités principales se disputent le pouvoir en Libye, celle reconnue par la communaut é internationale installée dans l'est, et une autre basée à Tripoli, sous le contrôle d'une coalition de milices, en partie islamistes. Les quatre martyrs des forces armées arabes libyennes de la région de Benghazi ont été tués au cours d'une opération militaire baptisée 'le sang du martyr' et transportés à l'hôpital de la ville proche d'al-Marj (1.000 km à l'est de Tripoli), a indiqué l'agence Lana, sans pré- ciser quels groupes étaient visés par l'opération. Plus tard dans la soirée, Lana a ajouté que deux hôpitaux de Benghazi avaient accueilli dix cadavres de soldats tombés au cours de cette opération. En outre, 34 blessés ont été admis dans différents établissements, selon Lana citant des sources médicales à Benghazi et al-Marj. Depuis un an et demi, Benghazi est le théâtre de combats sanglants entre d'une part des formations armées, dont certains sont extrémistes comme les groupes Etat islamique (EI) et Ansar Asharia, proche d'Al- Qaïda, et d'autres part les forces loyales au gouvernement reconnu par la communauté internationale. La semaine derni ère, un avion de combat du gouvernement reconnu a été abattu au-dessus de Benghazi alors qu'il visait des positions d'un groupe opposé aux autorit és, selon des sources militaires. Le pays est livré à des groupes politiques et armés rivaux depuis que Mouammar Kadhafi a été renversé et tué en 2011 à la suite d'une rébellion soutenue par une intervention militaire occidentale. Cette situation de profonde instabilité a favorisé l'implantation de l'EI, qui contrôle la ville portuaire de Syrte et ses environs. LE GOUVERNEMENT RECONNU CONDAMNE LE RAID AMERICAIN D'un autre côté, le gouvernement libyen reconnu par la communaut é internationale a condamné samedi un raid aérien américain mené la veille contre des jihadistes à l'ouest de Tripoli, estimant qu'il s'agissait d'une violation de la souveraineté de la Libye. Dans un communiqué publié sur son compte Facebook, le gouvernement condamne et réprouve les frappes menées par l'aviation des Etats-Unis (...) sur des sites précis à Sabrata à 70 km à l'ouest de la capitale. Selon le gouvernement installé dans la ville d'Al-Bayda dans l'est du pays, les frappes américaines ont eu lieu sans coordination ou discussion avec les autorités et représentent une violation flagrante de la souveraineté de l'Etat libyen et des conventions internationales. Les forces loyales au gouvernement reconnu contrôlent la majorité des villes situées dans l'est de la Libye tandis que la partie occidentale du pays, dont Sabrata et Tripoli, est tenue par la coalition de milices Fajr Libya depuis plus d'un an et demi. A Washington, un responsable militaire américain a par ailleurs affirmé que le raid avait probablement provoqué la mort du cadre opérationnel de l'EI Noureddine Chouchane. DEUX SERBES ENLEVES TUES DANS LA FRAPPE Deux ressortissants serbes qui avaient été enlevés en novembre dernier en Libye ont péri vendredi lors de la frappe aérienne américaine contre un camp d'entra înement du groupe Etat islamique, a annoncé samedi le ministre serbe des Affaires étrang ères Ivica Dacic. Malheureusement, la consé- quence de cette frappe contre l'Etat islamique est qu'ils ont péri, a déclaré M. Dacic lors d'une conférence de presse à Belgrade. M. Dacic a reçu cette information de plusieurs sources, y compris de services de renseignement qui collaborent avec les services serbes, sur le décès des deux fonctionnaires de l'ambassade de Serbie en Libye. Cette information doit encore être officiellement confirmée par les autorités libyennes, a-t-il pré- cisé. Le ministre a présenté ses plus sincères condoléances aux familles des victimes, qu'il a informées personnellement et ajouté que le rapatriement des corps serait organisé dans les prochains jours. L'identification officielle des corps est attendue dans les prochaines heures, a-t-il dit. Nous allons demander une information officielle des autorit és libyennes et aux Etats-Unis sur la manière dont les objectifs ont été choisies, mais cela est en ce moment moins important que l'information la plus importante à savoir celle que nos citoyens, nos fonctionnaires ont perdu la vie. Les deux fonctionnaires, Sladjana Stankovic, chargée des communications et son chauffeur, Jovica Stepic, avaient été enlevés le 8 novembre dans la ville côtière de Sabratha, un bastion islamiste, à environ 70 km à l'ouest de la capitale, Tripoli. Ils voyageaient dans un convoi de véhicules de la mission diplomatique serbe se dirigeant vers la Tunisie, qui a essuyé des tirs avant que les deux fonctionnaires ne soient enlevés. C'est la deuxième fois en trois mois que les Etats-Unis mènent des frappes ciblées contre l'EI en Libye, pays plongé dans le chaos depuis 2011. Sabratha est considérée comme un bastion des extrémistes, un point de regroupement des militants radicaux qui y ont mis en place un camp d'entrainement de jihadistes. Des ressortissants serbes, médecins, infirmiers, ingé- nieurs et ouvriers du bâtiment, arrivés à l'époque où les relations entre Belgrade et le régime de Mouammar Kadhafi étaient étroites, travaillent en Libye depuis des dizaines d'années. Beaucoup d'entre eux, surtout ceux travaillant dans des hôpitaux, ont refusé de quitter la Libye au moment de la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. Selon des estimations du Pentagone, le groupe EI dispose de 5.000 combattants en Libye.