Le Parlement vénézuélien, dominé par l'opposition au président socialiste Nicolas Maduro, a demandé jeudi la médiation de l'Organisation des Etats Américains (OEA) dans la profonde crise institutionnelle que traverse le pays depuis les élections législatives de décembre. Dans un texte adopté jeudi, l'Assemblée nationale, où la coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD) est majoritaire, demande à l'OEA d'examiner l'application de l'article 20 de la charte démocratique interaméricaine, considérant qu'il y a eu une atteinte à l'ordre constitutionnel qui entache gravement la démocratie. Cet article de la charte adoptée en 2011 prévoit la convocation du Conseil permanent de l'OEA pour évaluer de possibles atteintes graves à l'ordre démocratique au sein des pays membres de l'organisation qui regroupe tous les Etats du continent américain. Cet appel à la communauté internationale intervient après la décision mardi du Tribunal suprême de justice (TSJ), la plus haute autorité judiciaire du pays, de limiter fortement les pouvoirs du Parlement. Les parlementaires ne peuvent désormais contrôler que l'exécutif, et perdent notamment leur droit de regard sur le pouvoir judiciaire et électoral, poussant certains analystes à évoquer un coup d'Etat. De cette façon, le TSJ contrecarre notamment une révocation éventuelle des nouveaux juges proches du président Maduro, nommés précipitamment fin décembre par les chavistes (du nom du défunt ex-président Hugo Chavez, 1999-2013), quelques jours avant de rendre les clés du Parlement à l'opposition. L'opposition avait aussitôt mis en place début janvier une commission pour enquêter sur ces nominations de magistrats. Le pays d'Amérique du sud connaît une féroce bataille politique depuis la victoire de l'opposition aux législatives, une première depuis 1999. Ces blocages institutionnels à répétition, entre un gouvernement mené par le socialiste Nicolas Maduro et un Parlement dominé par l'opposition, se doublent d'une profonde crise économique, dans cette nation pétrolière asphyxiée par la chute des cours du brut, rendant la situation explosive. Deux mois après avoir pris les manettes du Parlement, l'opposition antichaviste devait dévoiler jeudi la méthode choisie pour hâter le départ du président Maduro, élu en 2013 pour six ans.
Référendum révocatoire ? Mais après la décision du TSJ, la coalition d'opposition a finalement reporté sine die son annonce. Aujourd'hui, il n'y aura pas d'annonce en raison de la situation créée par la décision du Tribunal Suprême, a déclaré le secrétaire de la MUD Jesus Chuo Torrealba. Parmi les moyens dont disposent les antichavistes figure une modification de la Constitution, pour réduire de six à quatre ans le mandat du président. Une telle disposition devrait néanmoins être approuvée par le TSJ, ce qui rend ce scenario peu envisageable. L'autre option que pourrait privilégier l'opposition est l'organisation d'un référendum révocatoire, mais cette procédure doit être validée par le Conseil national électoral (CNE), autre organisme proche du gouvernement. Le dirigeant de l'opposition, ex-candidat à la présidentielle, Henrique Capriles a fait savoir mercredi qu'il était en faveur de cette option. Signe de la tension croissante au Venezuela, des étudiants qui protestaient contre la décision du TSJ limitant les pouvoirs du Parlement ont affronté mercredi la police dans la ville de San Cristobal (ouest), faisant au moins deux blessés, selon les autorités. Côté économique, tous les voyants du Venezuela sont au rouge. Au point que mi-janvier, Nicolas Maduro a décrété l'état d'urgence économique qui lui accorde des pouvoirs étendus pour 60 jours renouvelables. Le décret, rejeté une semaine plus tard par le Parlement, a malgré tout été validé par le Tribunal suprême de justice. Confirmant le désastre économique, la Banque centrale du Venezuela a dévoilé mi-février des chiffres catastrophiques pour 2015 : le pays a enregistré une inflation de 180,9%, une des plus élevées au monde, et un recul du PIB de 5,7%, pour la deuxième année consécutive. Le pays sud-américain, autrefois riche producteur pétrolier grâce à ses réserves les plus importantes au monde, est plongé dans une grave crise avec la chute des cours du brut, qui apporte 96% de ses devises.