Hassan al-Tourabi, influente figure de l'opposition islamiste au Soudan, est décédé samedi, à 84 ans, des suites d'un infarctus. Il fut longtemps l'éminence grise du président Omar el-Béchir, avant d'en devenir un des plus farouches détracteurs. La télévision d'Etat a interrompu ses programmes pour annoncer que "l'intellectuel musulman Hassan al-Tourabi était décédé". Elle a ensuite diffusé des versets du Coran. Turban blanc et courte barbe grise, cet homme volontiers volubile né en 1932 à Kassala dans le nord-est du Soudan, avait plusieurs fois été arrêté depuis 1999. Il n'avait cependant jamais cessé ses critiques acerbes contre le pouvoir. Il avait notamment été arrêté en janvier 2009, après avoir été le seul responsable politique soudanais à juger le président Béchir "politiquement coupable" de crimes au Darfour. Il avait soutenu les poursuites engagées par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président soudanais. M. Béchir est recherché par la CPI pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide dans cette région de l'ouest du Soudan. La guerre et les violences y ont fait plus de 300'000 morts et 2,5 millions de déplacés depuis 2003 selon l'ONU. Diplômé des facultés de droit de Khartoum, Londres et Paris-La Sorbonne, il parlait couramment l'anglais, le français et l'allemand, outre l'arabe. Ses connaissances linguistiques lui donnaient un accès facile aux médias étrangers qu'il a plusieurs fois utilisés pour appeler à une révolution islamique internationale. Figure de proue de l'islam politique, Tourabi accompagna, et même inspira selon certains, le coup d'Etat militaro-islamiste qui conduisit en 1989 le général Omar el-Béchir à la tête du plus vaste pays d'Afrique. Fondateur des Frères musulmans soudanais et chantre d'un panarabisme islamiste, il fut aussi proche d'Oussama Ben Laden qui a vécu au Soudan de 1992 à 1996. Il fut aussi président du Parlement et secrétaire général du Congrès national, le parti du président Béchir. Une lutte de pouvoir entre MM. Béchir et Tourabi avait toutefois abouti au limogeage en 1999, dix ans après le coup d'Etat. L'islamiste avait alors fondé le Congrès populaire, devenant un virulent adversaire du président Béchir. Les relations entre "Béchir le militaire" et "Tourabi l'islamiste" vont se détériorer. Le divorce entre les hommes aboutit à son incarcération de 2001 à 2003, l'homme étant accusé de vouloir renverser le régime. Il sera à nouveau arrêté en 2004. Il est alors suspecté de liens avec le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), un des groupes rebelles du Darfour qui venait d'engager une épreuve de force militaire avec le régime dans cette immense et déshéritée région de l'ouest du pays. Après avoir été placé en résidence surveillée, il avait repris à l'été 2005 du service politique à la tête de son parti le Congrès national populaire (CNP). Il avait accusé le régime de corruption. En mars 2014, il avait été reçu officiellement par le président Béchir, une première depuis quatorze ans. Le gouvernement avait tendu la main aux opposants après des appels à des réformes dans un pays miné par des rébellions, une profonde crise économique et un isolement international.