Présenté comme le nouveau commandant de la branche libyenne de l'Etat islamique (EI), un djihadiste affirme que l'organisation extrémiste devient "de plus en plus forte chaque jour" en Libye. Abdoul Kader al Najdi, décrit dans une interview repérée par le service SITE de surveillance des sites islamistes comme "l'émir chargé d'administrer les provinces libyennes", dit prier pour que le pays nord-africain devienne "l'avant-garde du califat". Il menace également les pays voisins de la Libye en assurant qu'ils ne seront pas en mesure de se défendre contre les attaques djihadistes: "Vous vous protégez des détonateurs avec des boucliers de bambou, et des flots avec une bouée en bois." La Tunisie, où une attaque islamiste a fait plus de cinquante morts lundi à Ben Guerdane, près de la frontière libyenne, vient d'achever une tranchée et une barrière à sa frontière sud pour tenter d'empêcher les infiltrations de combattants djihadistes. L'EI a profité du chaos politique et militaire pour s'implanter en Libye, établissant une présence dans plusieurs villes. Les responsables occidentaux s'en alarment, estimant que le nombre de combattants djihadistes dans le pays pourrait s'élever à 6.000 environ. L'an dernier, le groupe a pris le contrôle de Syrte, dans le centre de la Libye, et de la région côtière environnante. Son expansion est en revanche plus limitée dans les autres régions du pays en raison "du nombre de factions et de leurs querelles", déclare Najdi dans cet entretien diffusé par la publication islamiste Al Naba. Les djihadistes ont été pour la plupart chassés de la ville de Derna (est) en juin dernier par des groupes islamistes concurrents et ils ont été la cible d'attaques des forces de sécurité locales à Sabratha (ouest), à la suite d'un raid aérien américain sur un camp d'entraînement présumé en février.
L'Etat islamique est "encore jeune" Najdi déclare que l'Etat islamique en Libye est "encore jeune" mais ajoute qu'il parvient de mieux en mieux à imposer ses règles religieuses dans les zones qu'il contrôle et que "les provinces de Libye sont devenues la destination des moudjahidine et un sanctuaire pour les opprimés". "Le nombre d'immigrants se multiplie en provenance de toutes les régions malgré les tentatives acharnées de l'Occident pour empêcher leur venue", affirme-t-il. L'émir autoproclamé ajoute que la province libyenne est en "communication constante" avec l'EI en Syrie et en Irak.
Les djihadistes de l'EI ont étendu leur emprise sur la Libye D'un autre côté et dans le même sens un rapport d'expert de l'ONU publié jeudi vient assurer que l'EI est en position de force, car selon ce rapport les djihadistes de l'Etat islamique "ont nettement étendu leur contrôle sur le territoire" de la Libye. Le groupe extrémiste "est actuellement l'acteur politique et militaire le plus important dans la région" de Syrte. Dans cette ville, la principale tête de pont en Libye de l'EI, le groupe "a recruté avec succès parmi les communautés marginalisées depuis le renversement du régime de Mouammar Kadhafi", poursuit le rapport. "La montée en puissance de l'EI à Syrte a été importante en 2015", note le document. La formation djihadiste a aussi "accru sa capacité opérationnelle à Tripoli et Sabratha" en recrutant des combattants locaux et étrangers. L'EI ne tire pas pour l'instant de revenus directs de l'exploitation pétrolière en Libye, mais "ses attaques contre les installations pétrolières compromettent gravement la stabilité économique du pays".
Maintenir l'embargo Même si un gouvernement d'union nationale est finalement formé en Libye, "le risque de détournement et de mauvais usage de matériel (militaire) restera très élevé", affirment aussi les experts. Ils recommandent ainsi de "maintenir les dispositions actuelles de l'embargo" en vigueur, qui prévoit des exemptions pour les besoins du gouvernement internationalement reconnu. Celui-ci réclame depuis longtemps un assouplissement de cet embargo afin, dit-il, d'équiper l'armée régulière et de lui permettre de mieux combattre l'EI. L'ONU s'efforce depuis de nombreux mois de favoriser la formation d'un gouvernement d'union en Libye, divisée entre deux gouvernements et deux parlements. Selon les experts, "le futur gouvernement d'union nationale devra mettre en place un canal unique pour les appels d'offres et des mesures de contrôle strictes et vérifiables pour éviter les détournements", en particulier un inventaire du matériel, "y compris des armes chimiques". Le rapport cite plusieurs cas de contournement de l'embargo, avec des équipements et des armes provenant d'Egypte, des Emirats arabes unis, de Turquie et du Soudan ou des munitions produites en Russie et en Chine.
Des sanctions européennes contre des responsables libyens La France va proposer lundi à l'UE de décréter des sanctions contre les responsables politiques qui bloquent la formation d'un gouvernement d'union nationale en Libye, a déclaré jeudi son ministre français des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. Je n'exclus pas qu'on puisse les menacer de sanctions. En tout cas c'est que je proposerai à mes collègues des Affaires étrangères lundi à Bruxelles, a déclaré M. Ayrault sur la chaîne d'information en continu iTELE. Maintenant on ne peut plus attendre, cela suffit, a-t-il ajouté en dénonçant ceux qui se mettent en travers (du processus politique) pour des raisons individuelles d'intérêt. Les sanctions, qui pourraient comprendre des gels d'avoirs et des interdictions de voyager dans l'UE, visent les présidents des Parlements de Tobrouk, Aguila Saleh, et de Tripoli Nouri Abou Sahmein ainsi que le chef du gouvernement de Tripoli Khalifa al-Ghweil, a-t-on indiqué de source européenne. Cela n'aurait pas de sens d'imposer des interdictions de voyager et des gels d'avoirs à plus de deux ou trois personnes, parce qu'après vous n'auriez plus assez de personnes à qui parler, a expliqué un diplomate européen à Bruxelles. Mais cela serait efficace parce que les responsables politiques libyens aiment voyager à Malte ou en Italie pour faire du shopping ou se faire soigner, a-t-il fait remarquer. Un premier gouvernement d'union nationale, dirigé par Fayez al-Sarraj, a été rejeté le 25 janvier par le Parlement de Tobrouk (est) reconnu par la communauté internationale. En février, un nouveau vote de confiance n'a pu avoir lieu, faute de quorum, et une centaine de parlementaires ont affirmé être empêchés de voter. Il y a un Premier ministre, M. Sarraj, qui est tout à fait apte à diriger (ce gouvernement). Une majorité de parlementaires ont dit qu'ils y étaient favorables mais le Parlement ne se réunit pas parce qu'il y a des entraves, a déploré Jean-Marc Ayrault. On ne peut pas continuer avec cette situation qui est un danger pour les Libyens, pour toute la région (..) et pour l'Europe, a martelé le ministre. Les Occidentaux, inquiets de l'implantation de l'EI, se disent prêts à contribuer au rétablissement de la sécurité en Libye à condition qu'un gouvernement d'union nationale en fasse la demande. Il faut combattre Daech (acronyme de l'EI) là où il est en train de se développer en Libye mais le préalable c'est la constitution d'un gouvernement d'union national libyen, a souligné M. Ayrault. La France, soutenue par la Grande-Bretagne, doit rallier l'ensemble des pays de l'UE à l'idée des sanctions. Plusieurs d'entre eux sont réticents à les voter sans demande expresse en ce sens de l'ONU, qui chapeaute depuis plus d'un an les difficiles pourparlers en vue de la formation d'un gouvernement d'unité. M. Ayrault abordera cette question dimanche à Paris avec ses homologues américain John Kerry, allemand Frank-Walter Steinmeier, britannique Philip Hammond, italien Paolo Gentiloni et la chef de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini.