Le président du Venezuela Nicolas Maduro a décrété dans la nuit de vendredi à samedi l'état d'exception, faisant état de menaces extérieures, quelques heures avant une nouvelle journée de mobilisation de l'opposition qui exige la tenue d'un référendum pour le révoquer. Le décret d'état d'exception et d'urgence économique vise à neutraliser et mettre en échec l'agression extérieure qui pèse sur le pays, a déclaré le chef de l'Etat socialiste dans une allocution radiotélévisée depuis le Palais du gouvernement. Il étend et proroge pour les mois de mai, juin, juillet un précédent décret d'urgence économique, en vigueur depuis la mi-janvier et qui expirait samedi. Il sera étendu constitutionnellement pendant l'année 2016 et certainement pendant l'année 2017, afin de récupérer la capacité de production du pays, a ajouté le chef de l'Etat qui n'a pas précisé si l'état d'exception impliquait une restriction des droits civils. Dans son intervention, M. Maduro a critiqué une rencontre vendredi à Miami (Etats-Unis) entre des dirigeants de l'opposition vénézuélienne et le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro. Au cours de cette rencontre, M. Almagro a estimé que le référendum, réclamé par l'opposition, devait être organisé avant la fin de l'année pour permettre au peuple de s'exprimer, et envisagé de convoquer les instances de l'OEA pour discuter de la crise politique au Venezuela. L'OEA est une cible récurrente des attaques du président Nicolas Maduro, qui accuse l'organisation régionale d'être au service des Etats-Unis.
Le Brésil en exemple L'opposition n'a pas tardé à réagir à l'annonce de l'état d'exception, le député d'opposition Tomás Guanipa accusant le président de vouloir destabiliser le pays et empêcher le référendum. De son côté, le chef de l'Etat accuse l'opposition de vouloir perpétrer un coup d'Etat, à l'image de ce qui, selon lui, s'est produit au Brésil, où la présidente de gauche Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir par le parlement dans l'attente de son procès en destitution. Alors que l'opposition a prévu de manifester samedi à Caracas, M. Maduro tiendra un meeting au cours duquel il devrait annoncer de nouvelles mesures anti-crise. Le Venezuela, autrefois riche producteur pétrolier grâce à ses réserves, les plus importantes au monde, est plongé dans une grave crise avec la chute des cours du brut, qui apporte 96% de ses devises. Le pays a subi en 2015 une inflation de 180,9%, une des plus élevées au monde, et un recul du PIB de 5,7%, pour la deuxième année consécutive. Outre l'effondrement économique, le Venezuela connaît une profonde crise politique entre un gouvernement chaviste (du nom de l'ex-président, le défunt Hugo Chavez, 1999-2013) et un Parlement d'opposition. Le bras de fer entre les deux institutions s'est accentué depuis que l'opposition a rassemblé début mai 1,8 million de signatures en faveur du référendum pour révoquer le président Maduro, qu'elle souhaite organiser d'ici fin 2016. Mais le Conseil national électoral (CNE), organisme proche du gouvernement, a indiqué qu'il lui faudrait jusqu'au 2 juin pour vérifier les signatures recueillies. Une fois les signatures vérifiées, le CNE appellera 200.000 signataires à valider leur choix en personne, avant de passer à la deuxième étape, qui exige de l'opposition de rassembler quatre millions de signatures pour avoir, finalement, le droit d'organiser le référendum révocatoire. La question du calendrier est cruciale, d'où l'empressement de l'opposition: si le référendum survient avant le 10 janvier 2017 et que le oui l'emporte, le Venezuela irait vers de nouvelles élections. Mais à partir du 10 janvier, tout référendum couronné de succès ne mènerait qu'à une chose: le remplacement de M. Maduro par son vice-président Aristobulo Isturiz, du même parti. Elu en 2013 pour un mandat de six ans, Nicolas Maduro est aujourd'hui largement impopulaire : 68% des Vénézuéliens souhaitent son départ et l'organisation de nouvelles élections, selon un récent sondage.
L'opposition mobilise la rue pour un référendum Des milliers de personnes ont manifesté mercredi dans tout le Venezuela à l'appel de l'opposition. Ils réclament un référendum pour révoquer le président socialiste Nicolas Maduro, dans un climat de crise économique. Confrontés à des coupures électriques quotidiennes, lassés des rayons vides des supermarchés, désabusés face à des services publics ouverts seulement deux jours par semaine, les habitants du pays sud-américain expriment depuis des mois leur mécontentement. Brandissant des drapeaux ou portant des casquettes aux couleurs du Venezuela - rouge, jaune et bleu - des milliers d'entre eux ont défilé mercredi en direction des bureaux du Conseil national électoral (CNE) dans chaque région. L'opération a été organisée par la Table pour l'unité démocratique (MUD), coalition majoritaire au Parlement. A Caracas et dans d'autres régions, comme à Zulia (nord-ouest), les forces de l'ordre ont bloqué des rues pour empêcher le passage des manifestants. "Même si on nous a empêchés de passer, le référendum va aller de l'avant parce qu'on n'en peut plus de cette situation", a déclaré dans la manifestation de Caracas Mariela Olivar, une étudiante.
Changement demandé "Je suis fonctionnaire", pouvait-on lire sur le panneau que portait Roger Sierra sur la poitrine. Il a protesté "en pensant à l'avenir du Venezuela". "Nous avons besoin d'un changement", a-t-il affirmé tout en assurant ne pas craindre de représailles du gouvernement. Entouré de sympathisants, le président de l'Assemblée nationale Henry Ramos Allup a expliqué que la mobilisation visait à "faire respecter sans délai la volonté populaire". Le CNE, réputé proche du gouvernement, vérifie actuellement les près de deux millions de signatures remises par l'opposition en faveur de ce référendum. Il est accusé par l'opposition de retarder le processus. Il avait jusqu'à lundi pour compter ces signatures et constater officiellement que leur nombre dépasse le minimum requis de 200 000 (1% de l'électorat), avant d'appeler les signataires à valider leur choix en personne. "Nous demandons une réponse du CNE", a affirmé de son côté l'un des chefs de l'opposition, Henrique Capriles, candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2013. Il défend "une mobilisation pacifique, constitutionnelle, démocratique". "Le peuple veut un changement et leurs magouilles ne font que renforcer notre détermination", a assuré Henrique Capriles, lui-même touché par les gaz lacrymogènes. Alors que le Venezuela, autrefois riche producteur pétrolier, a vu son économie dévastée par la chute des cours du brut, les habitants concentrent leur exaspération sur leur président, élu en 2013 pour un mandat de six ans. Quelque 68% d'entre eux souhaitent son départ et l'organisation de nouvelles élections, selon un récent sondage.
"Fraudes" Le gouvernement a dénoncé l'existence de "fraudes" sur la liste des signatures. Il a prévenu qu'il demanderait au CNE d'arrêter le processus si des actes de violence ou de désordre survenaient. Il avait appelé ses partisans à défiler également mercredi contre une loi sur le logement votée au Parlement. "Aucune des stratégies annoncées ou lancées par la droite oligarchique et fasciste n'a de viabilité politique, ni ne va atteindre son objectif de révoquer ou renverser la révolution bolivarienne", a lancé le président Nicolas Maduro. Il a été élu après la mort de son mentor Hugo Chavez. Signe de la tension existante, une foule a pillé mercredi un marché de gros dans la ville de Maracay (ouest), après avoir attendu en vain la vente de produits subventionnés par l'Etat.
Opération policière Ces protestations surviennent alors qu'une vaste opération policière et militaire est en cours depuis mardi à Caracas et sa banlieue. Des centaines d'effectifs sont mobilisés pour lutter contre la délinquance. Neuf personnes ont été abattues, des membres de bandes criminelles selon l'armée. Elles faisaient partie d'après le président Nicolas Maduro d'une organisation "paramilitaire" dirigée par des criminels colombiens cherchant à le déstabiliser.