Rien ne va plus pour la gauche latino-américaine et particulièrement pour la gauche vénézuélienne. Après la suspension de Dilma Rousseff, la présidente brésilienne, c'est au tour du sémillant chef de l'Etat vénézuélien, Nicolas Maduro, de sentir son fauteuil vaciller. C'est que le Venezuela, en crise politique, est aussi au bord de l'explosion sociale. Mis en grande difficulté par l'effondrement des prix du pétrole, Nicolas Maduro — dont le pays a subi en 2015 une inflation de 180,9% et un recul du PIB de 5,7 %, — fait face depuis des semaines à une importante grogne sociale. Une grogne alimentée en partie, il est vrai, par la droite vénézuélienne majoritaire au Parlement (Table pour l'unité démocratique), qui n'hésite plus à réclamer un référendum pour le révoquer. Pour tenter d'enrayer la crise économique, le successeur de Chavez avait d'abord promulgué en janvier dernier un «décret d'urgence économique». Mais eu égard aux faibles résultats générés par cette mesure, le chef de l'Etat vénézuélien a décidé dans la nuit de vendredi à samedi de décréter «l'état d'exception». Cette décision intervient, faut-il le souligner, au lendemain d'importantes manifestations au cours desquelles des dizaines de milliers de vénézuéliens ont battu le pavé et crié leur ras-le-bol. Des milliers de Vénézuéliens ont défilé mercredi particulièrement devant les bureaux du Conseil national électoral (CNE) pour réclamer le départ du chef de l'Etat. Inutile de dire que l'opération a été organisée par la Table pour l'unité démocratique (MUD). Pour maintenir la pression sur le «pouvoir», tout ce beau monde avait décidé hier de redescendre dans la rue. Beaucoup de gens, entièrement acquis du temps de Chavez aux idéaux de la Révolution bolivarienne, ont fini ces derniers mois par soutenir les mots d'ordre de l'opposition. C'est que les motifs de mécontentement sont nombreux et bien réels. La vie des Vénézuéliens est devenue insupportable. Ils sont confrontés à des coupures électriques quotidiennes. Beaucoup se disent en outre fatigués des rayons vides des supermarchés et désabusés face à des services publics ouverts seulement deux jours par semaine alors que leur pouvoir d'achat baisse semaine après semaine. Résolu toutefois à «résister», vendredi, Nicolas Maduro a attaqué de front ses détracteurs. Aussi a-t-il justifié l'instauration d'un «état d'exception et d'urgence économique» par l'urgence justement de «neutraliser et mettre en échec l'agression extérieure». Le président vénézuélien faisait allusion bien évidemment à la rencontre, le jour même à Miami, entre des dirigeants de l'opposition vénézuélienne et le secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA), Luis Almagro. Au cours de cette rencontre, M. Almagro avait estimé que le référendum réclamé par l'opposition devait être organisé avant la fin de l'année pour permettre «au peuple de s'exprimer», et envisagé de convoquer les instances de l'OEA pour discuter de la crise politique au Venezuela. Menace extérieure De son côté, le chef de l'Etat a accusé l'opposition de vouloir perpétrer un «coup d'Etat», à l'image de ce qui, selon lui, s'est produit au Brésil. Même s'il parvient à tenir en respect l'opposition, Nicolas Maduro ne sera pas pour autant tiré d'affaire. Certains chercheraient aussi dans son propre camp à lui «faire la peau». C'est ce que soutiennent, du moins, les Renseignements américains, qui pensent que le président du Venezuela pourrait être destitué avant l'expiration de son mandat, en 2019, par les membres de son propre parti. «Selon eux, le scénario le plus probable est une ‘révolution de palais', notamment un vote sur la destitution organisé l'année prochaine et soutenu par les socialistes qui reprochent à Maduro de détruire le patrimoine d'Hugo Chavez en matière de lutte contre la pauvreté», écrit l'agence Associated Press se référant à des analystes «anonymes. Selon le Renseignement américain, les autorités vénézuéliennes tentent de retarder le vote en faisant traîner en longueur la vérification des signatures d'environ deux millions de Vénézuéliens favorables au départ de Nicolas Maduro. Pour organiser une nouvelle élection présidentielle, le vote sur la destitution doit avoir lieu cette année, sans quoi les fonctions du président écarté seront assumées par le vice-président. Selon l'AP, les positions de Nicolas Maduro pourraient être renforcées soit grâce à une hausse du prix du pétrole, soit grâce à de nouveaux emprunts auprès du principal créancier du pays, la Chine. Le Venezuela, autrefois riche producteur pétrolier grâce à ses réserves les plus importantes au monde, est en effet plongé dans une grave crise avec la chute des cours du brut qui apporte 96% de ses devises. Le pire est que le Venezuela n'exporte presque rien d'autre que son or noir. A l'inverse, il importe tout ce qu'il consomme. C'est ce qui, aujourd'hui, risque de le perdre.