La transition politique, mais aussi, probablement, le processus de sortie de l'Union européenne (UE) ont connu un brusque coup d'accélérateur, lundi 11 juillet à Londres, au point que Theresa May, 59 ans, l'actuelle ministre de l'intérieur, devrait succéder à David Cameron à la tête du Royaume-Uni dès mercredi soir, comme l'a annoncé le premier ministre. "Nous aurons un nouveau ministre dans ce bâtiment derrière moi mercredi soir ", a déclaré M. Cameron devant le 10, Downing Street, ajoutant qu'il présenterait sa démission à la reine mercredi après les questions au Parlement. A la mi-journée, Andrea Leadsom, 53 ans, secrétaire d'Etat à l'énergie et unique concurrente de Mme May pour la direction du parti conservateur, avait annoncé qu'elle se retirait de la course pour la direction du Parti conservateur. Le futur chef des tories, qui deviendra automatiquement premier ministre, puisque le parti a la majorité au Parlement, devait être désigné le 9 septembre à l'issue d'un duel entre Mmes May et Leadsom. Farouche militante du Brexit, soutenue par le parti d'extrême droite UKIP, Andrea Leadsom soutenait jusque-là que seule une " Brexiter " comme elle pouvait diriger le pays après le résultat du référendum du 23 juin. Elle a soudain changé d'avis et estimé lundi que Theresa May, qui, elle, avait pris discrètement parti pour le maintien dans l'UE, est " idéalement placée pour mettre en œuvre le Brexit, dans les meilleures conditions pour les Britanniques ".
" Brexit veut dire Brexit " Mme Leadsom a souligné que la ministre de l'intérieur avait obtenu le soutien de 60 % des députés conservateurs, alors qu'elle-même n'en avait rassemblé que 25 %. " Les intérêts de notre pays, a concédé Mme Leadsom, sont mieux servis par la nomination immédiate d'un premier ministre fort et solidement soutenu ". Immédiatement après cette annonce, le groupe parlementaire des conservateurs, en charge du processus de sélection, a fait savoir qu'il n'y avait plus lieu de poursuivre l'élection et que la nomination de Mme May comme nouvelle leader du parti, en remplacement de David Cameron, allait intervenir après consultation de la direction du parti. Dès lors, sa désignation comme première ministre fera l'objet de consultations entre elle-même, les instances des tories, Downing Street et la reine, chef de l'Etat. L'accélération du processus semble presque avoir pris de court Mme May, qui prononçait ce lundi matin, à Birmingham, son premier discours de campagne, où elle insistait sur la justice sociale et la lutte contre les inégalités. " Brexit veut dire Brexit. Nous allons en faire un succès ", a aussi proclamé la future première ministre, dont la dureté dans les négociations est proverbiale. Lundi après-midi, elle a souligné que sa campagne pour devenir chef du gouvernement était basée sur le " besoin de négocier le meilleur accord pour le Royaume-Uni qui sort de l'UE et l'établissement d'un nouveau rôle pour le pays dans le monde ". Ancienne responsable dans un organisme financier, ministre de l'intérieur depuis six ans et chargée notamment des questions d'immigration, elle allie les compétences dans ces deux domaines-clés pour la négociation avec Bruxelles et les 27 pays de l'UE.
Impréparation des partisans du Brexit Ces derniers développements confirment l'incroyable niveau d'impréparation et d'irresponsabilité des partisans du Brexit. Après le retrait de Boris Johnson et de Michael Gove, les deux têtes de la campagne du " Leave ", après la démission de Nigel Farage de la direction du UKIP, le parti fer de lance du référendum, Andrea Leadsom n'a pas résisté longtemps. La pauvreté de sa rhétorique - " Le Brexit est une immense chance pour notre grand pays " -, son CV dans la finance gonflé et surtout le lien qu'elle avait fait entre sa qualité de mère de famille et son aptitude à diriger le pays ont refroidi le parti. Conséquence : moins de trois semaines après avoir décidé à 52 % de sortir de l'UE, le Royaume-Uni va être dirigé par une première ministre qui était partisane d'y rester. Boris Johnson, qui a déserté le terrain du Brexit, souhaiterait-il entrer au gouvernement May ? L'ancien maire de Londres a été l'un des premiers à " encourager " la ministre de l'intérieur, alors que leurs relations sont détestables de notoriété publique. " Theresa fera une excellente première ministre ", a-t-il tweeté. Dans le quotidien The Times de samedi, Andrea Leadsom, qui est mariée et mère de trois enfants, avait déclaré que Theresa May, sa concurrente, qui n'a pas d'enfant, " a peut-être des nièces, des neveux ", mais qu'elle-même avait " des enfants qui vont avoir des enfants qui prendront directement part à ce qui va se passer plus tard ". Et celle qui briguait alors les fonctions de chef de gouvernement avait ajouté : " Je pense réellement qu'être une mère signifie que vous avez un intérêt réel dans l'avenir de notre pays. " Ces propos, qu'elle avait maladroitement démentis, avaient indigné de nombreux responsables politiques, y compris chez les tories. " Le meilleur cadeau qu'elle puisse faire à son pays et à son parti, serait de se retirer ", avait déclaré Lord Patrick Cormack, un ancien député conservateur, avant l'annonce de l'intéressée. Mme Leadsom a présenté ses excuses à Mme May.
L'Eurogroupe appelle Londres à agir rapidement Les ministres des Finances de la zone euro ont évalué lundi l'impact de la décision britannique de quitter l'Union européenne, mettant en garde le Royaume-Uni contre le risque de devenir en conséquence Little Britain. Réunis pour la première fois depuis le référendum britannique du 23 juin, les grands argentiers des 19 pays qui utilisent la monnaie unique ont pressé Londres d'agir rapidement pour résoudre une situation qui cause des problèmes à l'économie européenne. Lors de cette réunion, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a présenté ses premières analyses des effets du Brexit sur l'économie européenne. Ce n'est pas une prévision, c'est une première analyse, a-t-il précisé. Il a présenté deux scénarios, l'un optimiste et l'autre moins. Pour la zone euro et l'UE (sans la Grande-Bretagne), il a évoqué une possible baisse de 0,2 à 0,5 point de pourcentage de croissance pour l'an prochain. Lors de ces dernières prévisions de printemps, le 3 mai dernier, la Commission européenne avait tablé sur une croissance de 1,8% en 2017 pour la zone euro et 1,9% pour les 28 pays de l'UE (avec la Grande-Bretagne). Par ailleurs, avant la réunion des grands argentiers de la zone euro, le ministre autrichien des Finances Hans Joerg Schelling s'était félicité du fait que Theresa May devienne la prochaine Première ministre britannique, mais il avait demandé une décision rapide quant à la tenue éventuelle de nouvelles élections pour sortir les marchés de l'incertitude. Je pense qu'il y aura un +Brexit light+, que l'Ecosse ne quittera pas (l'UE), que l'Irlande du Nord restera probablement dans l'UE et que la Grande-Bretagne deviendra sans doute la +Petite-Bretagne+ (Little Britain), avait prédit M. Schelling. Le président de l'Eurogroupe, le ministre néerlandais des Finances Jeroen Dijsselbloem, avait également plaidé en faveur d'un règlement rapide: Le plus tôt, on pourra résoudre cette situation problématique, mieux ce sera avait confié M. Dijsselbloem aux journalistes. Nous nous réjouissons de travailler avec quiconque sort de ce processus démocratique. Et il nous faudra trouver des solutions au Brexit qui cause de nombreux problèmes, non seulement au Royaume-Uni mais aussi à l'Europe, avait expliqué le président de l'Eurogroupe. Le Premier ministre britannique David Cameron a laissé à son successeur la responsabilité d'officialiser le divorce de son pays avec l'UE et de démarrer les pourparlers sur une future relation commerciale, un processus que les Européens veulent voir enclenché le plus vite possible. Les marchés financiers ont été sujets à une grande volatilité depuis le référendum britannique, et la livre a atteint la semaine dernière un plus bas face au dollar depuis 31 ans.