A l'heure où le baril de pétrole vient de franchir le seuil psychologique des 100 dollars, Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies-Europ'Energies, désigne le responsable de la hausse comme étant un changement dans la législation américaine qui a fait le lit d'une spéculation effrénée. En effet, les Etats-Unis ont voté une loi qui permet, selon lui, l'opacité des transactions financières en ligne sur les marchés du pétrole. C'est la fameuse loi dite "Enron Loophole" . Sur n'importe quelle Bourse, il y a un régulateur. Mais cette loi a suspendu les régulations sur les transactions électroniques du pétrole. Résultat, les hedge funds, qui représentaient à peine 0,2% des transactions avant 2003, réalisent aujourd'hui 35% des transactions. Pour le directeur de Pétrostratégies-Europ'Energies, le prix de 100 dollars le baril ne reflète pas les fondamentaux. "A 60 dollars le baril, on couvre largement les coûts de production des pétroles les plus chers, la rémunération des différents acteurs et la prime de risque". Il ajoute qu'au-delà de 60 dollars, "c'est de la pure spéculation". Pour preuve, il indique que "le baril a augmenté de 35 dollars en quelques semaines et a doublé en un an" sans que rien de significatif qui le justifie ne se passe, ni révolution dans un pays producteur ni bouleversements dans la production. Par ailleurs, dire que la consommation chinoise est à l'origine de la flambée des prix, est réducteur, estime M. Terzian. Les cours ont commencé à s'envoler avec la guerre en Irak. Sauf en cas de crise très grave dans un grand pays exportateur, M. Terzian écarte le risque que la demande dépasse l'offre. "Il n'y a aucun manque de pétrole. Le marché est parfaitement approvisionné", souligne-t-il, ajoutant que "l'Arabie Saoudite, par exemple, n'a pas refusé de livrer un seul acheteur". Plus explicite, il précise qu'"il y a aujourd'hui une capacité de production excédentaire de 3 millions de barils/jour. Cette capacité était de seulement 0,5 million de barils/jour en 2005. Selon l'AIE (Agence internationale de l'énergie), elle sera de 5 millions de barils/jour fin 2008. La demande mondiale n'a pas baissé, mais elle a cessé d'augmenter aussi vite. Dans le même temps, la capacité de production a augmenté, essentiellement en Angola et en Arabie Saoudite". Par ailleurs, il considère que la baisse des stocks de pétrole n'a rien à voir avec la capacité de production. "Personne ne va stocker une matière première dont la courbe des prix est en baisse sur les marchés à terme. Et plus l'écart se creuse entre le court terme et les échéances, moins on fait de stocks. Mais la baisse des stocks alimente les inquiétudes, ce qui contribue à maintenir des prix élevés". Cependant, M. Terzian garde la tête froide et pense qu'un jour ou l'autre, la bulle va se dégonfler et le prix redescendra à un niveau raisonnable. Mais cela reste tributaire de la conjonction de trois facteurs. "D'abord, il faut savoir si l'activité économique continue de croître. Ensuite, il faut voir si la demande de pétrole dans les pays où le pétrole n'est pas subventionné baisse. Et enfin, il faut que l'Opep indique clairement sa volonté de faire baisser les prix. Pour le moment, ces facteurs ne sont pas réunis".