Le cours du pétrole a franchi, mercredi soir, pour la première fois de son histoire, la barre symbolique des 100 dollars le baril à New York. Une combinaison favorable de stocks déclinants, billet vert faible, demande croissante en provenance de l'Asie et risques géopolitiques a aidé les prix du brut à se propulser à 100 dollars, un gain de plus de 70% par rapport à l'an dernier. Le cours du "light sweet crude" a ainsi atteint, jeudi, les 100,09 dollars. Les cours ont, toutefois, marqué une pause, vendredi, en baissant légèrement. A New York, le "light sweet crude" s'échangeait à 98,78 dollars vers 11H30 GMT, en baisse de 40 cents par rapport à la clôture de la veille. A Londres, le Brent de la mer du Nord pour livraison, en février, s'échangeait à 97,38 dollars, en baisse de 22 cents à la même heure. Jeudi, il avait battu un nouveau record en se hissant jusqu'à 98,50 dollars le baril. "Nous supposons qu'après l'escalade spectaculaire de mercredi, les marchés peuvent faire une pause, sachant que les chiffres de jeudi sur les réserves américaines n'ont pas fourni l'étincelle suffisante pour catapulter les prix au-dessus du seuil des 100 dollars", a commenté Ed Meir, analyste de MF Global. Le rapport sur les réserves américaines publié jeudi par le département américain à l'Energie (DoE) a, certes, contribué à la hausse, mais les données étaient, à bien observer, mitigées : alors que les stocks de brut accusaient une chute de 4 millions de barils, bien plus prononcée que les attentes, les réserves de produits distillés se sont reconstituées de 600 000 barils à la surprise générale. Le marché, qui avait choisi jeudi de ne s'attacher qu'à la baisse des stocks de brut, semblait vendredi digérer le rapport et prendre en compte la reconstitution des stocks de distillats. Malgré ce petit pas en arrière, "les prix du pétrole demeurent très soutenus et la plupart des analystes prédisent de nouveaux records cette année, au-delà des 100 dollars", ont rappelé les analystes de la maison de courtage Sucden. Dans ce contexte. Peut-on parler d'une forme de choc pétrolier ? Selon, Jean-Pierre Favennec, économiste à l'Institut français du pétrole, les spécialistes réservent plutôt ce terme à un choc d'offre. Là, nous sommes plus sur un choc de demande, puisque c'est l'augmentation rapide de la demande depuis un certain nombre d'années, qui a progressivement érodé toutes les marges de production dont on disposait. Ce qui fait que maintenant on produit un peu partout au maximum, et donc le prix, assez logiquement, augmente régulièrement et assez rapidement.Le monde, qui a connu depuis cinq ans une très forte croissance, a généré une consommation pétrolière effrénée. Ce bond de la demande a entraîné une tension sur les stocks avec des craintes de pénurie récurrentes, d'autant plus que la capacité de raffinage mondiale est insuffisante. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le nouveau record du prix du pétrole n'est que l'effet passager d'une bulle spéculative ou le symptôme d'un déséquilibre durable entre l'offre et la demande. Le sujet fait débat. "Il n'y a pas de pénurie. Je viens de consulter un vendeur saoudien, il m'affirme qu'il ne refuse aucun client", assure Pierre Terzian, rédacteur en chef de Pétrostratégies. "La production en Irak a dépassé le niveau d'avant la guerre alors que les attaques ont diminué de 62 % selon les statistiques du Pentagone", confie le spécialiste. Aujourd'hui, les capacités excédentaires de l'Opep se montent à 3 millions de barils/jour et devraient atteindre à 5 millions fin 2008 selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). C'est plutôt rassurant comparé à l'année 2005, pendant laquelle la capacité excédentaire était tombée à un demi-million de barils/jour pour un cours du brent deux fois moins élevé qu'aujourd'hui. L'équilibre physique du marché, au demeurant parfaitement assuré, ne suffit plus à fixer les prix. Le pétrole attire les spéculateurs. Désormais ce sont des acteurs financiers qui jouent un rôle prédominant. Sur l'Intercontinental Exchange (ICE), qui représente 51 % du marché à terme mondial du pétrole, les transactions sont assurées à 35 % par des Hedge Funds et à plus 20 % par des banques et des fonds. Les pétroliers représentent donc moins de la moitié. Cette nouvelle configuration du marché pétrolier confirme que l'époque du pétrole bon marché est bel et bien finie. Selon des observateurs, si baisse il y a, le pétrole n'ira plus en dessous des 60 dollars.