Le gouvernement japonais a validé mardi un plan de relance massif de 28 000 milliards de yens (240 milliards d'euros), mais un quart du montant seulement correspond à de nouvelles dépenses, pas de quoi ranimer une économie atone selon des analystes. "Nous avons pu assembler un plan solide qui comprend d'audacieux investissements pour l'avenir", s'est félicités le Premier ministre Shinzo Abe. Il avait annoncé le principe et le montant de ce programme la semaine dernière, sans livrer plus de détails, espérant à travers cette initiative revigorer la troisième économie mondiale. Comme le pronostiquaient les observateurs, les investissements directs de l'Etat et des collectivités locales sont finalement très réduits: ils se limitent à 7 500 milliards (65 milliards d'euros), dont 4 600 milliards de yens de rallonge budgétaire pour l'exercice en cours qui s'achèvera en avril 2017. Les grandes lignes ont été approuvées par l'équipe gouvernementale mardi, mais il restera à les faire avaliser via une loi de finances au Parlement courant septembre. Une formalité a priori, la coalition réunie autour de M. Abe ayant encore consolidé sa majorité lors des élections sénatoriales du 10 juillet. Cette nouvelle offensive, qui s'étend sur plusieurs années, a pour objectif de lutter contre le déclin démographique en facilitant notamment la garde d'enfants au pays de la dénatalité, où les plus de 65 ans représentent près de 27% de la population. Autres priorités, favoriser le tourisme et l'agriculture ou encore aider les régions sinistrées par les séismes de mars 2011 (nord-est) et d'avril (sud-ouest). Un autre volet est dédié au soutien des entreprises affectées par le vote sur le Brexit, alors que la décision des Britanniques de quitter l'Union européenne a provoqué un raffermissement du yen préjudiciable aux sociétés exportatrices. Le plan, qui comprend en outre 6 000 milliards de prêts à bas coûts, entend aussi promouvoir de grands projets d'infrastructures (ports, aéroports...). Il s'agit par exemple d'accélérer la construction de la ligne Maglev, futur train japonais à sustentation électromagnétique devant relier Tokyo à Osaka via Nagoya, à une vitesse de 500 km/heure.
26 plans de relance Ces largesses budgétaires, énièmes d'une longue série dans un pays surendetté (près de 250% du PIB), s'inscrivent dans un contexte international difficile, entre Brexit et ralentissement des pays émergents, qui compromet une reprise déjà fragile. Parallèlement, la Banque du Japon (BoJ) a procédé vendredi à des ajustements de sa politique monétaire ultra-accommodante. Plus de trois ans après le lancement de la stratégie "abenomics", articulée autour de trois flèches (budgétaire, monétaire et structurelle), Shinzo Abe et le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, n'ont toujours pas réussi à vaincre la déflation et à accroître le potentiel de croissance de l'archipel. "On peut attendre un certain effet d'impulsion", a commenté pour l'agence Bloomberg Masaki Kuwahara, économiste chez Nomura Securities, mais "ce dont le Japon a besoin, c'est de doper la demande et d'augmenter la productivité via la dérégulation", autrement dit via des réformes structurelles. "Il n'y a rien de révolutionnaire", ont renchéri des analystes de Mizuho dans une note. Depuis l'explosion de la bulle en 1990, "quelque 26 plans de relance ont été recensés", ont-ils rappelé, avec des effets très limités sur la croissance. Dans un récent document publié à l'issue d'une mission dans l'archipel, le Fonds monétaire international (FMI), qui anticipe une modeste croissance de 0,3% en 2016, s'inquiétait d'un "dynamisme économique qui flanche après les succès initiaux des abenomics". Ses préconisations: pousser les salaires à la hausse et réduire les inégalités du marché du travail pour agir sur la consommation des ménages, dans les limbes depuis des mois. Le gouvernement doit par ailleurs annoncer mercredi un remaniement de petite ampleur, mais les hommes forts devraient rester à leur poste, selon des informations de presse, à l'image du ministre de la Revitalisation économique Nobuteru Ishahara, de son collègue des Finances Taro Aso ou encore du chef de la diplomatie Fumio Kishida.
La confiance des consommateurs régresse La confiance des consommateurs japonais est retombée en juillet, en raison d'un petit regain d'inquiétudes concernant les revenus et l'emploi, selon les chiffres publiés mardi par le gouvernement. Le mois dernier, ce thermomètre du moral des Japonais est descendu de 0,5 point à 41,3 points, après deux mois consécutifs d'amélioration. Son niveau avait chuté en février au plus bas depuis janvier 2015 (40,1 points). Trois des quatre sous-indicateurs intégrés dans le calcul ont évolué négativement. Seul celui du bien-être dans son ensemble a gagné un peu de terrain (+0,1 point à 40,5 points). Les perspectives de croissance des revenus, qui étaient montées à 41,1 points en juin, ont reflué à 40,4 points. Le sous-indicateur de l'emploi a décliné à 43,0 points (-0,7 point), même si le taux de chômage est des plus bas (autour de 3,1% de la population active), et les conditions d'emploi de plus en plus favorables, avec en juin 137 offres pour 100 demandes, du jamais vu en près d'un quart de siècle. Enfin, les intentions d'achat de biens durables ont baissé de 0,8 point à 41,3 points. Les particuliers, notamment les couples avec enfants, rechignent à dépenser, craignant de ne tomber ultérieurement dans une situation difficile. Pour chacun des indices mentionnés, un résultat inférieur à 50 indique que ceux qui redoutent une dégradation sont plus nombreux que ceux qui entrevoient une amélioration. L'étude a été conduite auprès de 8.400 foyers (dont 5.712 composés de deux personnes ou plus). Devant ce manque de vigueur et une conjoncture internationale incertaine, le Premier ministre Shinzo Abe a décidé de reporter pour la deuxième fois une hausse de TVA et promis un plan de relance massif de plus de 28.000 milliards de yens (240 milliards d'euros) dont la répartition doit être présentée mardi. Il s'agit d'inciter les entreprises et particuliers à plus dépenser pour réduire l'écart offre-demande jugé responsable d'une déflation persistante qui freine l'activité.