La Banque du Japon a maintenu, avant-hier, inchangée sa politique d'assouplissement monétaire et relevé son estimation sur la reprise japonaise, à l'issue d'une réunion de deux jours de son instance de direction. Les neuf membres du comité de politique monétaire de l'institut d'émission (BoJ) ont voté à l'unanimité pour le maintien du rythme d'achat actuel de divers titres financiers, notamment des obligations d'Etat, afin de doubler la masse monétaire en deux ans. Entamée en avril sous la pression du Premier ministre de droite Shinzo Abe, cette politique a pour but de sortir le Japon d'une déflation d'une quinzaine d'années qui dissuade les entreprises d'investir et incite les consommateurs à repousser leurs achats pour bénéficier plus tard de meilleurs tarifs. "L'économie du Japon se reprend de façon modérée", a estimé la BoJ dans son communiqué de politique monétaire. Lors du texte diffusé à la fin de sa réunion précédente, le 8 août, elle avait jugé que l'économie nippone "commençait à se reprendre de façon modérée". Entre-temps, le gouvernement a fait état d'une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,6% en rythme trimestriel pour la période avril-juin. Ce taux est certes en repli par rapport à celui de janvier-mars (0,9%), mais devrait être relevé lundi lors de la publication des statistiques révisées, d'après la plupart des économistes. Pour le reste, la déclaration de l'institut gouverné par Haruhiko Kuroda constitue un copier-coller quasi intégral de son communiqué précédent. La BoJ a notamment conservé intact son objectif d'élever son stock d'obligations d'Etat de 50 000 milliards de yens par an (385 milliards d'euros), dans le but de parvenir à une inflation annuelle de 2% vers 2015. Une telle hausse des prix sur fond de taux très bas doit inciter les entreprises et particuliers à emprunter pour investir et consommer, ce qui doit donner du tonus à la troisième puissance économique mondiale. En juillet, les prix à la consommation au Japon, hors produits périssables, ont grimpé de 0,7% sur un an, un rythme inédit depuis novembre 2008 qui constitue à première vue un bon signe pour la politique inflationniste des autorités nippones. La BoJ s'est félicitée du fait que le niveau d'inflation attendu par les acteurs économiques augmentait, ce qui pourrait les pousser à investir davantage. Jusqu'à présent, l'essentiel de la hausse des prix est dû toutefois à l'augmentation des tarifs de l'électricité et de l'essence, provoquée par une dépréciation du yen qui élève la facture énergétique de l'archipel. Des économistes mettent en garde contre les risques d'une inflation "importée" qui ne serait pas générée par un surcroît de demande intérieure. Or les consommateurs pourraient peiner à dépenser davantage si les salaires n'augmentaient pas dans ce contexte nouveau de hausse des prix. La BoJ a répété qu'elle allait "surveiller les facteurs qui pourraient doper ou ralentir l'activité économique et la hausse des prix, et effectuer les ajustements nécessaires". Elle n'a pas évoqué clairement la possibilité d'assouplir encore davantage sa politique, une éventualité sur laquelle spéculent les investisseurs pour la fin d'année ou le début d'année prochaine. L'assouplissement monétaire actuel, qui a entraîné une forte baisse du yen favorable aux groupes exportateurs nippons, ne constitue qu'un pan de la politique économique de M. Abe. Ses "Abenomics", comme les surnomment les médias, consistent aussi en des dépenses budgétaires de relance et en des changements structurels destinés à doper le potentiel de croissance (réforme fiscale et de la législation du travail, accords de libre-échange, restructuration du secteur agricole, etc.). Lancée en début d'année, la nouvelle politique japonaise a été saluée au début par quelques responsables européens, notamment français, comme une bouffée d'air frais en pleine période d'austérité. Mais elle suscite aussi quelques grognements, du côté allemand et américain entre autres, qui pourraient se faire entendre lors du sommet des pays du G20 hier et la veille à Saint-Petersbourg (Russie). Certains partenaires de l'archipel voient d'un mauvais œil le renforcement de la compétitivité des produits "made in Japan", entraînée par la faiblesse du yen. L'endettement public colossal du Japon inquiète en outre jusqu'au FMI qui conseille à Tokyo d'augmenter sans attendre sa taxe sur la consommation, une réforme fortement envisagée mais pas encore confirmée par M. Abe.