L'économie russe, en grave crise depuis un an et demi, semble se stabiliser mais c'est désormais le risque d'une longue stagnation qui inquiète le pays à cinq semaines des législatives et à moins de deux ans de la présidentielle. Selon une première estimation de l'agence fédérale des statistiques Rosstat publiée jeudi, le produit intérieur brut de la Russie s'est contracté de 0,6% sur un an au deuxième trimestre, contre -1,2% au premier. Conforme à la prévision du gouvernement, ce chiffre confirme que la contraction de l'économie russe, provoquée depuis un an et demi par l'effondrement des cours du pétrole et les sanctions économiques imposées par les Occidentaux à cause de la crise ukrainienne, perd nettement en intensité. Il ne permet pas de trancher le débat en cours sur une possible fin de la récession la plus longue depuis l'arrivée au Kremlin de Vladimir Poutine il y a 16 ans. L'estimation de Rosstat est en effet publiée en comparaison avec le deuxième trimestre de l'an dernier et non par rapport au premier trimestre, référence habituelle pour mesurer les récessions. Dans un rapport publié en début de semaine, la banque centrale a estimé que le PIB avait augmenté de 0,2%-0,3% au deuxième trimestre par rapport au premier. Autrement dit: "la récession est derrière nous", a écrit la Banque de Russie, précisant cependant qu'une "période de faible croissance" s'ouvrait désormais. Le chiffre de Rosstat "est cohérent avec une hausse modeste de l'activité d'un trimestre sur l'autre", a estimé Wiliam Jackson, expert du cabinet Capital Economics, prévoyant "une reprise graduelle lors des trimestres à venir".
"Réformes structurelles" Sur 2016, le ministère de l'Economie table sur une contraction de 0,2% après -3,7% en 2015. La crise a été caractérisée par une envolée des prix et par conséquent une baisse brutale du pouvoir d'achat des ménages russes et de leur consommation. La stabilisation en cours est menée par l'industrie et l'agriculture, mais la consommation des ménages reste en berne, comme la construction. Si la stabilisation de l'économie constitue un soulagement pour Moscou à cinq semaines des législatives du 18 septembre, les autorités se gardent bien de tout triomphalisme. Elles reconnaissent que la reprise s'annonce très lente, à l'inverse du rebond vigoureux qui avait suivi la crise de 2008-2009. L'activité économique et le pouvoir d'achat ne sont donc pas près de regagner le terrain perdu depuis près de deux ans. Le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev a jugé en juin l'économie russe "en état de stagnation". Quelques jours plus tôt, c'est Vladimir Poutine qui avait averti que faute de "réformes structurelles", la croissance resterait proche de zéro et que les marges de manoeuvre seraient réduites pour les dépenses sociales et militaires. L'homme fort du Kremlin, dont le mandat s'achève en mars 2018, a bénéficié de taux de croissance spectaculaires dans les années suivant son arrivée au pouvoir. Après un passage comme Premier ministre, il avait promis à son retour au Kremlin en 2012 des mesures sociales pour augmenter les revenus des fonctionnaires et retraités. Ces deux catégories, au faible niveau de vie, ont été particulièrement affectées par l'envolée des prix de l'an dernier.
Rigueur "Le principal problème est le faible potentiel de croissance", s'est alarmée Natalia Orlova, économiste de la banque Alfa. "Les facteurs structurels et cycliques de la reprise économique en Russie sont extrêmement faibles", a-t-elle ajouté. D'un point de vue structurel, les organisations comme le Fonds monétaire international mettent en garde depuis longtemps Moscou sur les risques liés au vieillissement de la population ou aux freins aux investissements (bureaucratie, corruption, manque d'indépendance de la justice...). De manière plus conjoncturelle, le contexte reste difficile pour la Russie avec des sanctions qui continuent d'entraver l'accès aux financements sur les marchés de pans entiers de l'économie (énergie, banques, défense). Les prix du pétrole restent coincés sous les 50 dollars le baril, alors que les hydrocarbures constituaient en période faste plus de la moitié des rentrées budgétaires. Le gouvernement a déjà prévenu qu'il allait accentuer ses efforts de rigueur l'année prochaine, au risque d'entraver la reprise.