Après une croissance de 0,5% au premier trimestre, l'économie japonaise a fait du surplace au printemps sur fond de frilosité des entreprises à investir, un résultat inférieur aux attentes qui pousse le Premier ministre Shinzo Abe et la Banque du Japon dans leurs retranchements. Le Produit intérieur brut (PIB) a affiché un zéro pointé entre avril et juin (par rapport à janvier-mars), alors que les analystes interrogés par l'agence financière Bloomberg News tablaient sur une hausse de 0,2%. En rythme annualisé - c'est-à-dire si l'évolution du trimestre se prolongeait sur une année -, le PIB ressort cependant en progression, modeste (+0,2%). "Les données d'aujourd'hui sont très décevantes. La situation devient de plus en plus compliquée en raison de l'appréciation du yen et d'incertitudes grandissantes à l'étranger", où la croissance est poussive, a commenté Junko Nishioka, économiste chez Sumitomo Mitsui Banking Corporation. Déjà réticentes à investir et à augmenter les salaires de leurs employés quand la donne leur était plus favorable, "les compagnies sont aujourd'hui gagnées par le pessimisme", souligne-t-elle. Elles ont de fait encore réduit leurs investissements non résidentiels au deuxième trimestre (-0,4%). Or ces statistiques ne prennent quasiment pas en compte l'impact négatif du Brexit. La décision des Britanniques de quitter l'Union européenne, lors d'un référendum en juin, a accéléré le renforcement du yen, valeur refuge qui a les faveurs des cambistes en période tourmentée. Les ménages ne sont guère plus enthousiastes, même si la consommation, très faible depuis un relèvement de la TVA en avril 2014, est ressortie en petite hausse de 0,1%. Là aussi, les perspectives sont peu encourageantes "au vu de la timide évolution des salaires", prévient Toru Suehiro, de Mizuho Securities. Enfin, le Japon ne peut plus compter sur son moteur de croissance historique, les exportations, qui ont chuté de 1,5% sur la période passée en revue dans un contexte de ralentissement de la Chine et autres marchés émergents d'Asie avec lesquels le Japon entretient des liens économiques étroits. 'En finir avec la déflation' Depuis plus de trois ans, c'est un casse-tête pour le Premier ministre conservateur Shinzo Abe: comment redonner du tonus à une économie en plein déclin démographique? Sa stratégie "abenomics", qui mêle largesses budgétaires, politique monétaire ultra-accommodante et promesse de réformes structurelles, bat de l'aile, et au fil des trimestres, le PIB oscille entre contractions ou modeste croissance. Un léger mieux avait été enregistré entre janvier et mars, un premier trimestre dopé par l'effet année bissextile qui avait offert aux Japonais un jour de shopping supplémentaire en février. Dans une nouvelle tentative de relancer une machine grippée, le gouvernement a approuvé début août un massif plan de 28 000 milliards de yens (240 milliards d'euros). "Nous allons affronter les risques internationaux et employer toutes nos forces pour en finir avec la déflation", avait alors déclaré M. Abe, répétant ses grandes ambitions en matière de croissance, d'indice de fécondité ou encore d'emploi des femmes notamment. Mais un quart du montant seulement correspond à de nouvelles dépenses, ont déploré des analystes de plus en plus sceptiques, qui réclament des réformes en profondeur. La Banque du Japon (BoJ) est elle aussi en première ligne. Elle a procédé le mois dernier à des ajustements de sa politique monétaire, bien que mineurs. Parallèlement elle a annoncé une évaluation de sa vaste offensive mise en branle au printemps 2013, et qui n'a toujours pas réussi à stopper la déflation qui handicape l'économie japonaise depuis des années. Les résultats de cet examen sont attendus lors de sa prochaine réunion de septembre, et de nombreux économistes jugent que cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles mesures. Pas de révolution à l'horizon cependant, pronostique Tobias Harris, vice-président du cabinet d'études Teneo Intelligence. "Au mieux, la BoJ apportera-t-elle des retouches à son programme", juge l'analyste qui n'anticipe pas d'annonce particulière dès le mois prochain. "La banque centrale pourrait préférer attendre le verdict de la Réserve fédérale américaine", qui tombera quelques heures après la fin de la réunion de l'institution japonaise. La production industrielle a rebondi La production industrielle au Japon a progressé de 2,3% en juin sur un mois, mieux que ce qui avait été annoncé fin juillet (+1,9%), après avoir chuté de 2,6% en mai, selon les chiffres révisés du ministère de l'Industrie (Meti). Ce rebond n'est pas pour autant le signe d'un dynamisme retrouvé de la troisième économie mondiale, dont le PIB a stagné au deuxième trimestre par rapport au premier, miné par un nouveau recul des investissements des compagnies, d'après des données préliminaires publiées lundi par le gouvernement. La confiance des entrepreneurs a été passablement minée ces derniers temps par les incertitudes internationales et l'appréciation du yen. Cet indicateur de la production industrielle évolue en dents de scie au gré des ajustements en temps réel des firmes. Les livraisons ont augmenté de 1,7% en juin (au lieu de +1,2% en première estimation), tandis que les stocks stagnaient. Un sondage mené en juillet auprès des entreprises manufacturières laisse espérer une nouvelle hausse de 2,4% pour le même mois et une autre de 2,3% en août, mais il faut prendre avec prudence ces estimations qui ont tendance à être trop optimistes.