Une vingtaine de leaders de l'opposition et de la société civile gabonaise étaient toujours retenus vendredi au quartier général de Jean Ping, rival du président Ali Bongo déclaré vainqueur de l'élection présidentielle de samedi, a indiqu é l'un d'eux. Nous sommes toujours au même endroit, en plein air dans l'enceinte du QG. Nous avons dormi à même le sol, avec les moustiques et le crépitement des armes dans la quartier, a expliqué Paul-Marie Gondjout, le repré- sentant de Jean Ping à la commission électorale. Les 27 opposants sont sous la surveillance de la gendarmerie gabonaise depuis l'assaut donné dans la nuit de mercredi à jeudi au QG de campagne de Jean Ping à la suite des émeutes qui ont éclaté à la proclamation de la victoire, volée selon l'opposition, du président sortant Ali Bongo. Le procureur est venu pour constater s'il y avait eu des morts durant l'assaut, et a dit qu'il n'y avait aucune information judiciaire contre nous, a ajouté Paul- Marie Gondjout. Nos avocats sont passés hier, ils ont rencontré le procureur qui leur a confirmé, a-t-il ajouté. Les 27 personnalités ont lancé, par l'entremise de leur avocat en France Me Eric Moutet, un appel à la communauté internationale dénonçant leurs conditions de séquestration et le hold-up électoral commis par le régime. Nous sommes parqu és à l'extérieur comme du bétail (et) nourris de façon sommaire, affirment les 27 dans cet appel adressé au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, aux pré- sidents américain et français Barack Obama et François Hollande et à la repré- sentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères Federica Mogherini. Nous considérons cette attaque frontale et ces humiliations des principaux leaders de l'opposition comme une volonté du régime de masquer le hold-up électoral qui vient d'être commmis, assure l'appel. Les 27 opposants demandent à la communaut é international d'intervenir de toute urgence pour les sortir de là, leur seul crime étant d'être des opposants à un régime qui ne dispose plus d'aucune légitimit é. Parmi les personnes retenues au QG de l'opposant Jean Ping - qui a de son côté trouvé refuge dans un endroit indéterminé -, se trouvent notamment l'ancien vicepr ésident de la République Didjob Ding Duvungui et les anciens ministres d'Omar Bongo, père et prédécesseur d'Ali Bongo à la tête du Gabon, Zacharie Myboto et René Ndemezo. La commission électorale a annoncé mercredi la réélection d'Ali Bongo 49,80% des suffrages contre 48,23% à Jean Ping, déclenchant la colère des partisans de l'opposant qui conteste les résultats et réclame la publication détaillée des scrutins par bureaux de vote. Le Conseil de sécurité de l'ONU se penche sur les violences Le Conseil de sécurité de l'ONU doit se pencher jeudi, à la demande de la France, sur la crise politique et les émeutes meurtri ères au Gabon après l'annonce de la réélection du président Ali Bongo pour un troisième mandat. L'envoyé spécial de l'ONU en Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, doit présenter un rapport sur la situation aux membres du Conseil lors d'une réunion à huis clos prévue dans l'après-midi, a indiqué l'ambassadeur français auprès des Nations unies, François Delattre. Notre objectif est de condamner les violences et les pillages, d'appeler toutes les parties, tous les côtés au Gabon à faire preuve de modération et de retenue, a-t-il précisé à des journalistes. Le Conseil devrait rappeler à nouveau l'importance critique d'une proc édure garantissant la transparence des résultats des élections, a ajouté l'ambassadeur français. Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon s'était dit plus tôt jeudi vivement préoccupé et attristé par les violences au Gabon, appelant à une vérification transparente des résultats. La crise électorale, en particulier les incendies volontaires et la réponse disproportionnée des agences de sécurité, a mené à de regrettables pertes en vies humaines et à la destruction de biens, a indiqué M. Ban dans un communiqué, disant entendre la frustration du peuple gabonais, et des jeunes en particulier. L'annonce de la réélection de M. Bongo mercredi en fin de journée par la commission électorale a déclenché une nuit d'émeutes meurtrières et de pillages à Libreville et dans d'autres villes du pays. Au moins trois personnes sont mortes et un millier de personnes arrêtées. M. Ban a réclamé, à l'instar de la communauté internationale, une vérification transparente des résultats et appelé les autorités compétentes à régler rapidement, de façon transparente et juste, tous les griefs découlant de l'élection. Le secrétaire général, qui doit quitter ses fonctions à la fin de l'année, a aussi demandé au gouvernement gabonais de rétablir immédiatement les moyens de communication (internet, SMS, radios et télévisions indé- pendantes) et aux forces de sécurité de respecter les droits de l'homme et de faire preuve de la plus grande retenue. Les individus responsables d'actes ou incitations à la violence en seront tenus responsables, a-t-il prévenu, exhortant les autorit és à libérer immédiatement et sans conditions les détenus politiques. Selon lui, le nouveau gouvernement devra prendre en compte la frustration de citoyens aspirant à de meilleures conditions de vie et à des réformes démocratiques. Les Nations unies seront là pour soutenir ses efforts, s'est-il engagé. Il a également appelé les responsables politiques et la population gabonaise à surmonte(r) leurs différences par des moyens pacifiques, dans l'intérêt de l'unité nationale.