L'essor de la consommation des produits transformés et les attentes fortes des agriculteurs pour des cultures plus résistantes et plus respectueuses de l'environnement ont enclenché une forte dynamique d'innovation dans l'univers de la pomme de terre, rappellent les professionnels présents au salon spécialisé PotatoEurope. Depuis trois ans, 44 nouvelles variétés de pommes de terre ont été inscrites au Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France. S'il peut paraître élevé, ce chiffre est en réalité normal."Une dizaine de nouvelles variétés voient le jour chaque année. Elles proviennent des quatre obtenteurs français, mais aussi de quelques obtenteurs étrangers qui souhaitent s'implanter en France ou bénéficier de la catégorie "Pomme de terre de consommation à chair ferme", une spécificité française", confirme Jean-Michel Gravoueille, ingénieur chez Arvalis-Institut du végétal. L'institut de recherche en grandes cultures organisait, les 14 et 15 septembre à Villers Saint-Christophe (Aisne), l'édition 2016 du salon de la pomme de terre PotatoEurope, organisé alternativement en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. Avec le Royaume-Uni, ces pays représentent 60% de la production européenne de pommes de terre et 80% du marché. "La Pologne est le premier pays producteur européen de pommes de terre, mais en auto-consomme beaucoup", explique François-Xavier Broutin, chargé de mission à l'Union nationale des producteurs de pomme de terre. Davantage de produits transformés L'évolution des modes de consommation (prise de repas hors-foyer, baisse du temps passé à cuisiner…) induit de nouveaux besoins exprimés par les industriels. "Non seulement le marché des produits transformés se développe, mais l'Europe prend des parts de marché. Depuis une dizaine d'années, il y a une très forte augmentation des capacités de transformation en Belgique, un peu en Allemagne et aux Pays-Bas, mais une stagnation en France", poursuit François-Xavier Broutin. En 2015, la France a produit 5,2 millions de tonnes de pommes de terre de conservation, en repli de 13,8% sur un an. "La pomme de terre, il faut que ce soit bon à manger, rappelle Jean-Michel Gravoueille. Depuis une vingtaine d'années, les obtenteurs insistent sur les critères de résistance aux maladies, mais s'intéressent aussi davantage à la texture et au fait que les produits ne noircissent pas après cuisson". "Nous allons vers une meilleure segmentation qualitative avec des variétés pour faire des frites, des chips… On note une prise en compte de la qualité du produit fini dans le choix de la variété. C'est un atout français", abonde Jean-Paul Bordes, chef du département Recherche et développement d'Arvalis. La coopérative bretonne Triskalia met ainsi en avant des variétés à chair ferme "qui ne colorent pas à la friture, en restant jaune clair", insiste Erell Cann, assistante commerciale. Pour répondre à la demande des pays du Sud, notamment au Moyen-Orient, l'entreprise développe par ailleurs des semences de pommes de terre à gros calibre. "La France exporte principalement vers l'Espagne, l'Italie, le Portugal et les pays de l'Est", ajoute Christophe Mallet, directeur de Fedepom, la Fédération des négociants en pommes de terre. La France transforme environ 1,5 Mt de pommes de terre en produits surgelés (frites), et 1 Mt en fécule.
Un travail plus simple dans les champs L'innovation n'a cependant pas qu'un objectif qualitatif pour le consommateur final : elle doit aussi profiter à l'agriculteur. "Des produits permettent de réduire l'utilisation de fongicides pour lutter contre le mildiou. Nous testons également des produits de bio contrôle pour lutter contre les ravageurs… Il y a de l'innovation, aussi, dans l'aide à la décision. Nous travaillons sur un capteur qui permet de connaître précisément le besoin en azote de la culture. Le géopositionnement est quant à lui couplé au guidage du tracteur", énumère Jean-Paul Bordes. Pour répondre aux nouvelles attentes de la filière, Arvalis a lancé, avec plusieurs partenaires (Inra, universités…) DefiPom 2020, un programme de recherche divisé en quatre projets (nutrition de précision, protection du champ au stockage, stockage à faible impact environnemental et qualité). "Ce projet coûtera 3,7 millions d'euros sur quatre ans, et rapportera 8 millions d'euros par an", se félicite Jean-Paul Bordes. Le Comité national interprofessionnel de la pomme de terre (CNIPT) souhaite quant à lui faciliter le commerce des produits entre producteurs et négociants avec une échelle rénovée d'évaluation de la présentation des pommes de terre, lancée à l'occasion de PotatoEurope. Il aspire à ce que cet outil, crée en 1998 et déjà rénové en 2002, se développe à l'échelle européenne."L'aspect visuel des pommes de terre n'a pas de conséquences intrinsèques sur la qualité des tubercules, mais fait partie des contrats", souligne Stéphane Turpin, chargé de qualité au CNIPT.
Le bio reste en retrait Malgré l'essor de la demande, le segment biologique reste, pour sa part, en retrait dans l'univers de la pomme de terre. "Le bio ne représente que 1% ou 2% du marché, mais on sent qu'il y a une demande. Malheureusement, ce n'est pas une production qui se prête facilement au bio, car elle est très sensible aux bio-agresseurs. Nous travaillons sur la résistance aux maladies et aux ravageurs", indique Jean-Paul Bordes. Pas de doute, si la pomme de terre n'est pas toujours nouvelle, elle est toujours renouvelée.