Le prix Nobel 2016 de la paix a été attribué hier au président colombien Juan Manuel Santos pour ses "efforts déterminés" en faveur de la paix dans son pays, en dépit de l'échec du référendum sur l'accord avec la guérilla Farc. M. Santos s'est dit bouleversé. Le comité Nobel a souligné, lors de son annonce vendredi en fin de matinée à Oslo, que "ce prix doit aussi être vu comme un hommage au peuple colombien qui, malgré de grandes difficultés et de grandes souffrances, n'a pas renoncé à l'espoir d'une paix juste, et à toutes les parties qui ont contribué au processus de paix". Selon le secrétaire du comité Nobel, M. Santos s'est dit "bouleversé" et "reconnaissant" lorsqu'il a appris que le prix lui avait été décerné. "Il a ajouté que ce prix était d'une importance inestimable pour faire avancer le processus de paix en Colombie", a poursuivi sur la chaîne publique NRK Olav Njoelstad, qui s'est entretenu avec le président colombien par téléphone. "C'est un message d'espoir pour mon pays et pour la paix en Colombie", a observé de son côté l'ambassadeur de Colombie en Norvège, Alvaro Sandoval Bernal, interrogé par la chaîne de télévision norvégienne TV2. Non à l'accord, pas à la paix L'accord de paix a été négocié pendant plus de quatre ans et signé fin septembre à Carthagène par Juan Manuel Santos et Rodrigo Londoño, le chef des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) - qui ne partagera pas le Nobel avec lui -. Il devait mettre un terme à 52 ans d'un conflit armé qui a fait 220'000 morts et déplacé des millions de personnes. Mais, jugé trop favorable aux ex-guérilléros par ses détracteurs, l'accord a été rejeté dimanche par référendum par 50,21% des voix contre 49,78%. "L'issue de ce scrutin n'a pas été celle que souhaitait le président Santos: une courte majorité des plus de 13 millions de Colombiens qui ont voté ont dit non à cet accord", note le comité Nobel. Le comité estime que le référendum n'a pas été marqué par une victoire du refus de la paix. "Ce que le camp du 'non' a rejeté, ce n'était pas le désir de paix, mais un accord spécifique", poursuit-il. Et de souligner "l'importance du fait que le président Santos invite désormais toutes les parties à participer à un dialogue national élargi visant à faire progresser le processus de paix". Après Gabriel Garcia Marquez Le président colombien succède au Dialogue national tunisien, récompensé l'an dernier pour sa contribution à la transition démocratique depuis la révolution de 2011. M. Santos est le premier Latino-Américain à recevoir le prix Nobel de la paix depuis la Guatémaltèque Rigoberta Menchu, militante du droits des communautés indigènes, distinguée en 1992. Il n'est que le deuxième Colombien à recevoir un Nobel. L'écrivain Gabriel Garcia Marquez avait remporté en 1982 le prestigieux prix pour la littérature. Les FARC se dispersent suite au rejet de l'accord de paix Les membres des FARC, rassemblés pour la conférence de la guérilla dans le sud de la Colombie avant le référendum sur l'accord de paix rejeté dimanche, ont regagné jeudi leurs bases. Les guérilleros "sont partis sans armes et en civil", selon le CICR. Ils s'étaient réunis à El Diamante pour la Xe conférence des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), a expliqué le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). La réunion, qui s'est achevée le 23 septembre, a avalisé l'accord de paix signé avec le gouvernement pour mettre fin à 52 ans de guerre. Ce repli des guérilleros sur leurs positions suit le rejet par la majorité des électeurs colombiens de l'accord signé le 26 septembre par le président Juan Manuel Santos et le chef des FARC, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre Timoleon Jiménez ou Timochenko, à l'issue de près de quatre années de pourparlers de paix délocalisés à Cuba. Eviter les provocations Avant le référendum, les FARC avaient commencé à regrouper leurs troupes pour gagner les zones de concentration, où les rebelles devaient déposer leurs armes et entamer leur démobilisation, selon un processus prévu sur six mois sous supervision de l'ONU. D'après l'accord, les 5765 combattants de la principale guérilla de Colombie devaient se rassembler dans 27 zones réparties à travers le pays. Mais après le rejet du texte, la direction des FARC leur a ordonné de gagner des "sites sûrs pour éviter des provocations de ceux qui s'opposent à l'accord de paix". Ces déplacements de guérilleros se font sous couvert du cessez-le-feu bilatéral décrété le 25 août, au lendemain de la conclusion de l'accord, pour entrer en vigueur le 29 et qui reste maintenu. Les représentants du gouvernement et de l'opposition en Colombie ont entamé jeudi les discussions pour parvenir à un accord de paix avec les FARC, après l'échec du référendum. "Nous sommes satisfaits de cette réunion. L'ambiance fut cordiale, la parole pleine de respect et la nécessité de trouver une issue à la paix, un objectif commun", a déclaré le ministre de la défense, au terme de sa rencontre avec des membres du parti de droite Centre démocratique, une formation dirigée par l'ancien président Álvaro Uribe, le plus farouche des opposants à l'accord de paix. Les deux parties ont fixé une nouvelle réunion lundi, pour laisser au gouvernement le temps de prendre connaissance des documents dans lesquels les opposants détaillent leurs désaccords. La guérilla de l'ELN libère un otage civil L'ELN, deuxième guérilla de Colombie, a libéré jeudi un otage civil qui a été remis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans l'est du pays, a annoncé l'organisme humanitaire. Un civil qui était aux mains de l'Armée de libération nationale (ELN) a été remis aujourd'hui au CICR dans la zone rurale de Saravena, dans le département d'Arauca, a annoncé le CICR dans un communiqué. Il est actuellement en chemin pour se retrouver avec sa famille, a-t-il ajouté. Il s'agit du deuxième otage libéré en une semaine sur les quatre que l'ELN détenait auparavant, selon les estimations officielles. L'ELN, issue comme les Farc - première guérilla du pays - d'une insurrection paysanne en 1964, et le gouvernement colombien ont convenu en mars dernier d'entamer des pourparlers officiels. Mais aucune date n'a encore été arrêtée, le président Juan Manuel Santos ayant fixé comme condition que l'ELN libère au préalable ses otages, qui seraient donc désormais au nombre de deux. Ce type d'action (les libérations d'otages) ont lieu grâce à des échanges discrets, au désir de ne pas impliquer des civils dans le conflit et de se préparer à la phase publique de discussions, a déclaré Victor de Currea, un politologue expert du conflit armé colombien, auteur de plusieurs ouvrages sur l'ELN. Une source proche de la guérilla a affirmé que l'état-major de l'ELN et des délégués du gouvernement s'étaient réunis ces jours-ci à Caracas en vue d'installer prochainement une table de négociations. D'inspiration guévariste, l'ELN, seconde rébellion de Colombie avec 1.500 combattants, avait décidé de cesser temporairement ses attaques afin de favoriser le bon déroulement du référendum sur l'accord de paix avec les Farc, qui s'est soldé par la victoire du non dimanche. Peu après l'annonce de ce résultat qui en a surpris plus d'un, l'ELN avait réagi en appelant la société colombienne à continuer à chercher une issue négociée au conflit armé. Nawal Z.