Les Européens ont nettement durci le ton vendredi face à un gouvernement britannique soucieux de négocier le Brexit à son avantage. L'Union européenne (UE) a averti Londres qu'elle se montrerait "intransigeante" face aux "manœuvres de la Grande-Bretagne. L'escalade verbale de part et d'autre de la Manche autour des conditions de la sortie annoncée du Royaume-Uni de l'UE a contribué à provoquer un plongeon-éclair de la livre vendredi matin. La monnaie britannique redressait toutefois la tête dans l'après-midi, revenant à 1,238 dollar après avoir chuté à 1,184 dollar, un nouveau plus bas depuis 1985. L'euro valait 89,3 pence. "On ne peut pas être un pied dehors et un pied dedans", a sèchement lancé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors d'un colloque à Paris. Egalement présent, le premier ministre français Manuel Valls a soutenu ses propos. "Sur ce point, nous devons être intransigeants. Je vois les manœuvres", a averti le dirigeant européen. "Si nous commençons à détricoter le marché intérieur en (nous) mettant à disposition (...) du bon vouloir d'un Etat qui a décidé de (partir), nous inaugurerons la fin de l'Europe", a averti Jean-Claude Juncker. Raidissement de Mme May guère apprécié Ce coup de semonce de Bruxelles intervient alors que les principaux pays européens n'ont guère goûté le récent raidissement de la première ministre Theresa May. "Nous n'allons pas quitter l'UE pour abandonner de nouveau le contrôle de l'immigration", a-t-elle martelé mercredi, en clôturant le congrès des Tories à Birmingham, dans le centre de l'Angleterre. Ses propos ont fait réagir à Paris, où le président français François Hollande a lui aussi plaidé jeudi la "fermeté" dans les futures négociations avec Londres. "Il faut qu'il y ait une menace, il faut qu'il y ait un risque, il faut qu'il y ait un prix", a lancé M. Hollande. "Le Royaume-Uni a décidé de faire un Brexit, je crois même un Brexit dur, eh bien, il faut aller jusqu'au bout de la volonté des Britanniques de sortir de l'UE". Depuis le début du congrès de son parti conservateur dimanche, Theresa May et ses ministres ont multiplié les gages aux partisans d'une sortie claire et nette de l'UE, laissant entrevoir la perspective d'un Brexit sans concessions. La ministre de l'Intérieur, Amber Rudd, a ainsi dévoilé un plan pour encourager les entreprises à publier une liste de leurs employés non britanniques et privilégier la main-d'œuvre nationale. Avec l'objectif de ramener le solde migratoire, actuellement de 330 000 par an, sous la barre des 100 000. Eviter le "chacun fait ce qu'il veut" Mais pour M. Juncker, "si le Royaume-Uni veut avoir un libre accès au marché intérieur, (il faut) que toutes les règles et que toutes les libertés qui entourent le marché intérieur soient intégralement respectées". En clair, le gouvernement britannique ne peut limiter la libre circulation ou les droits des citoyens de l'UE sur son territoire s'il veut préserver son accès au marché unique. La chancelière allemande Angela Merkel a elle aussi réitéré jeudi cette condition sine qua non. "Si nous ne disons pas que le plein accès au marché intérieur (européen) est lié à la pleine et entière liberté de circulation, alors nous déclencherons un mouvement qui s'étendra dans toute l'Europe où chacun fera juste ce qu'il voudra". "Cela ne sera pas des négociations aisées", a-t-elle reconnu devant les patrons de l'industrie allemande, en demandant leur soutien. En filigrane, les dirigeants européens laissent transparaître la crainte que les milieux économiques s'engagent dans des négociations parallèles, au risque d'affaiblir la position de Bruxelles. "Il ne faudrait pas que des pans entiers de l'industrie européenne s'engagent dans des pourparlers secrets, dans des chambres noires, rideaux tirés avec les envoyés du gouvernement britannique", a encore tenu à mettre en garde Jean-Claude Juncker.