Au moins trois civils ont été tués mardi dans un attentat à la bombe contre une voiture de l'ambassade des Etats-Unis près de Beyrouth, le dernier en date d'une vague d'attaques qui menace encore davantage la stabilité du Liban plongé dans une grave crise politique. Cet attentat, qui coïncide avec la tournée du président américain George W. Bush au Moyen-Orient, a été condamné par la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice et l'ambassade des Etats-Unis à Beyrouth, par plusieurs forces politiques libanaises ainsi que par Londres et Paris. Il s'est produit à la lisière nord de Beyrouth, entre les localités de Dora et de la Quarantaine. “Une bombe de 15 kg a été actionnée au passage du véhicule américain qui se trouvait en compagnie d'un autre véhicule transportant des civils”, selon un haut responsable de la sécurité libanaise. Deux civils à bord de cet autre véhicule ont été tués, ainsi qu'un motocycliste syrien, a-t-il ajouté sous couvert d'anonymat. Vingt-six personnes ont été blessées, dont un pasteur américain légèrement atteint. Selon un autre haut responsable des services de sécurité, la bombe a été actionnée à distance. A Washington, le département d'Etat a indiqué que l'attentat avait tué quatre Libanais qui n'étaient pas dans la voiture américaine. Il n'y avait pas d'Américains à bord mais seulement un employé non américain de la chancellerie, qui est indemne. Le chauffeur libanais du véhicule a été “légèrement blessé”. La route côtière où s'est produit l'attentat était couverte de sang, et les vitres des immeubles avoisinants ont été soufflées. Un cadavre sans tête gisait près d'une des voitures endommagées. Mme Rice, qui s'exprimait à Ryad où elle accompagnait M. Bush dans l'avant-dernière étape de sa tournée, a dit son “indignation” après l'attentat qualifié de “terroriste”. Elle a affirmé que son pays continuerait d'aider les forces démocratiques au Liban à “résister aux ingérences étrangères”. L'ambassade américaine a estimé que l'attentat visait à saper la stabilité du Liban à travers “le meurtre et l'intimidation”. Une cérémonie prévue en soirée à l'occasion du départ prochain de l'ambassadeur Jeffrey Feltman a été annulée. Côté libanais, le ministre de l'Information Ghazi Aridi a jugé que “l'attaque terroriste” visait “à déstabiliser le pays”. La “meilleure réponse à ces attaques est d'adopter le plan arabe” destiné à tenter de mettre fin à l'impasse politique au Liban, privé de président depuis le 24 novembre. Pour Saad Hariri, chef de la majorité parlementaire antisyrienne appuyée par l'Occident dont les Etats-Unis, l'attaque “s'inscrit dans le cadre de la série de crimes qui vise à empêcher le Liban de se relever”. Et le chef du Hezbollah chiite qui dirige l'opposition soutenue par Damas et Téhéran, Hassan Nasrallah, a déclaré que son mouvement, notoirement hostile aux Etats-Unis, “condamne toute attaque de ce genre en territoire libanais, indépendamment de la cible visée”. L'attentat survient à la veille d'une nouvelle médiation du chef de la Ligue arabe, Amr Moussa, pour qui l'attaque “démontre la nécessité de trouver une solution” à la crise politique. Un conflit sur le partage du pouvoir et une crise de confiance entre la majorité, dont est issu le gouvernement de Fouad Siniora, et l'opposition font perdurer le blocage politique au Liban qui empêche l'élection d'un président. M. Bush a récemment accusé la Syrie, ancienne puissance de tutelle au Liban, d'être à l'origine de ce blocage. Plusieurs attentats ont visé des personnalités antisyriennes au Liban depuis 2004, le dernier en date étant l'assassinat de François el-Hajj, chef des opérations à l'armée, le 12 décembre 2007. La Syrie, qui dément, a été montrée du doigt par la majorité. Un attentat a aussi visé le 8 janvier la Force intérimaire de l'ONU au Liban (Finul) faisant deux blessés, alors qu'un groupe réputé proche d'Al-Qaïda a menacé récemment l'armée libanaise.