La Banque du Japon (BoJ) a repoussé une nouvelle fois l'échéance pour atteindre son objectif d'inflation de 2%, à mars 2019, aveu d'échec de la stratégie "abenomics" qui n'a pas réussi à vaincre la déflation près de quatre ans après son lancement. La BoJ, qui a par ailleurs reconduit sa politique monétaire à l'identique à l'issue d'une réunion de deux jours, espérait jusqu'ici parvenir à ses fins d'ici à mars 2018. "L'évolution des prix devrait rester légèrement négative ou autour de zéro pour l'heure", a souligné la banque centrale dans un communiqué. "L'élan est plus faible" qu'estimé auparavant, et la cible ne sera donc pas atteinte "avant la fin de l'exercice budgétaire 2018-2019" qui s'achève en mars 2019. Son gouverneur, Haruhiko Kuroda, dont le mandat prendra fin au printemps 2018, n'aura donc pas remporté son pari en cinq ans à la tête de l'institution. Si le discours officiel reste positif, la désillusion est grande pour celui qui voulait initialement toucher sa cible en seulement deux petites années, ainsi que pour le Premier ministre Shinzo Abe. En lançant fin 2012 son ambitieuse stratégie "abenomics", mêlant assouplissement monétaire, largesses budgétaires et réformes structurelles, M. Abe avait promis de terrasser la déflation qui ronge l'archipel, un mal pernicieux qui décourage achats et investissements dans l'espoir de prix toujours plus bas. Mais, après des débuts pleins d'enthousiasme, mois après mois, les statistiques médiocres se succèdent et la croissance patine. La BoJ préfère parler de "reprise modérée" et, si elle reconnaît que "les exportations et la production sont atones", c'est pour blâmer "les effets du ralentissement dans les économies émergentes". Et de s'en prendre aussi à la chute des cours du pétrole qui ont tiré les prix à la baisse. "Rien de ce qu'avait pronostiqué la banque centrale ne s'est réalisé. Aujourd'hui elle n'a d'autre choix que de dire qu'elle a été gênée dans sa tâche par l'environnement défavorable à l'étranger", a réagi Tsuyoshi Ueno, de l'institut de recherche NLI. Combat de longue haleine Sur le volet de la politique monétaire, les membres de la BoJ ont opté sans surprise pour le statu quo, la priorité étant à l'évaluation de la nouvelle stratégie adoptée en septembre afin de limiter les répercussions négatives de ses mesures ultra-accommodantes. La BoJ cible désormais mieux son action pour que le taux des obligations d'Etat à 10 ans se situe à zéro. Objectif: éviter une dévalorisation continue des placements à long terme qui inquiète le secteur financier et les consommateurs. Pour y parvenir, elle module ses achats d'actifs avec plus de flexibilité autour d'un montant annuel de 80.000 milliards de yens (690 milliards d'euros). Dans le même temps, la banque centrale agit via les taux négatifs, une pénalité imposée aux banques qui déposent trop d'argent auprès de la banque centrale. Le but est de les inciter à prêter aux entreprises et aux particuliers. Ce taux de dépôt est resté inchangé à -0,1%. "La notion d'urgence s'est dissipée", estimaient dans une récente note les analystes de Natixis. Après avoir pendant trois ans sorti de son chapeau toutes sortes de mesures audacieuses, la BoJ se prépare dans ce cadre remanié à une bataille "de long terme", estime M. Ueno. "Autrement dit, elle déclare en avoir suffisamment fait. Tout en adoptant un profil bas, elle table sur une amélioration des conditions à la fois au Japon et à l'extérieur". "Elle attend de voir se manifester progressivement les effets positifs de l'assouplissement monétaire, plutôt que de se livrer à une stimulation à marche forcée. D'une certaine manière, on assiste à un retour au régime de Masaaki Shirakawa", nom du précédent gouverneur critiqué pour son immobilisme, renchérit pour l'agence Bloomberg News Takeshi Minami, économiste en chef du cabinet d'études Norinchukin. Pour l'aider dans son combat, la BoJ place beaucoup d'espoirs dans la Réserve fédérale américaine (Fed) qui pourrait relever ses taux en décembre, ce qui doperait le billet vert face au yen et profiterait donc aux firmes exportatrices japonaises. La Fed livrera peut-être des indices à ce sujet dans le communiqué qu'elle publiera mercredi.