Le gouvernement a décidé dans son projet de budget rectificatif d'abaisser légèrement sa prévision de croissance pour 2016, afin de tenir compte des mauvais résultats économiques des derniers mois, sans toutefois modifier son objectif de réduction du déficit public. Selon Bercy, qui a détaillé vendredi son projet de loi de finances rectificative (PLFR) en Conseil des ministres, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait ainsi atteindre cette année 1,4%, au lieu des 1,5% initialement prévus. Cette révision à la baisse "s'explique essentiellement par les chocs exceptionnels et temporaires subis" au printemps et à l'été, comme les grèves et les répercussions des attentats sur le tourisme, assure le ministère des Finances L'objectif de 1,5% était jugé inatteignable depuis le repli de l'activité au deuxième trimestre (PIB en baisse de 0,1%) et la reprise décevante du troisième trimestre (0,2%). Cette cible sera "difficile à atteindre", avait d'ailleurs reconnu début novembre le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin. Le gouvernement, avec 1,4%, reste toutefois plus optimiste que la Commission européenne, l'OCDE ou même l'Insee, qui tablent tous sur une hausse du PIB de 1,3% cette année. D'après Bercy, cette révision ne remet par ailleurs pas en cause la cible de déficit public, maintenue dans le budget rectificatif à 3,3% du PIB. "Les informations comptables disponibles" à ce stade "confirment que cet objectif sera tenu", assure le ministère, qui fait état de recettes fiscales pratiquement conformes aux prévisions. "Réaliste" et "atteignable" Dans un avis rendu public vendredi, le Haut conseil des finances publiques (HCFP), organe indépendant chargé d'évaluer la crédibilité des prévisions budgétaires du gouvernement, a donné des arguments à Bercy, en jugeant "atteignable" son nouvel objectif de croissance. Le Haut conseil, présidé par le patron de la Cour des Comptes Didier Migaud, a par ailleurs qualifié de "réaliste" l'objectif de déficit public à 3,3%. Il faudra pour cela "une stricte gestion des dépenses en fin d'année", a-t-il néanmoins mis en garde. Dans une déclaration transmise, Michel Sapin s'est félicité de cet avis, conforme à celui émis la semaine dernière par Bruxelles. Cela "démontre une nouvelle fois la crédibilité et le sérieux de notre action en matière de maîtrise des comptes publics", a-t-il estimé. Le ministre a par ailleurs minimisé l'effet de la faible croissance sur le chômage, dont le taux est pourtant reparti en légère hausse au 3e trimestre. "Ce qui compte, c'est de savoir +est-ce que ça a une conséquence en termes de chômage?+ Non, la preuve c'est qu'on n'a jamais créé autant d'emplois (...) depuis la crise", a-t-il assuré sur Europe 1. Mesures fiscales hétéroclites Pour tenir sa trajectoire budgétaire tout en finançant les mesures nouvelles annoncées depuis le début de l'année (plan pour l'emploi, aides aux agriculteurs, hausses salariales pour les fonctionnaires...), le gouvernement a prévu plusieurs redéploiements de crédits. Près de 2,8 milliards d'euros vont ainsi être réaffectés aux ministères prioritaires, dont l'Education nationale et la Défense, très sollicité depuis les attentats. Des sommes qui seront compensées selon Bercy par des annulations de crédit, notamment pour l'Economie et les Finances, et de moindres prélèvements au profit de l'UE. Le projet de loi de finances rectificative, qui sera débattu à l'Assemblée nationale à partir du 5 décembre, entérine par ailleurs une série de mesures fiscales hétéroclites, touchant à la lutte contre la fraude fiscale mais aussi au financement des jeunes entreprises innovantes. Le texte précise ainsi la notion de "bien professionnel" pour éviter que certains contribuables n'échappent à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en utilisant des mécanismes abusifs, et prévoit la mise en place de nouvelles modalités de contrôle fiscal, pour lutter notamment contre la fraude à la TVA. Pour tenir compte d'une décision du Conseil constitutionnel, le projet de budget rectificatif propose par ailleurs une pénalité unique de 80% pour les détenteurs d'un compte caché à l'étranger n'ayant pas déclaré à l'administration les sommes qui y sont déposées. Il entérine enfin la création du "compte PME innovation", héritier du "compte entrepreneur investisseur" imaginé par Emmanuel Macron. Ce dispositif, réclamé de longue date, permettra aux entrepreneurs ayant vendu les titres de leur société de bénéficier d'un avantage fiscal s'ils investissent ces capitaux dans une start-up.