Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, se prépare à vivre aujourd'hui l'un des moments les plus importants de sa fulgurante carrière politique, avec un référendum constitutionnel dont l'issue, incertaine, décidera en partie de son avenir. Vendredi soir, les deux principales forces politiques du pays, le Parti démocrate (PD, centre-gauche) de M. Renzi et le Mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo, ont lancé leurs dernières forces avec de grands meetings, à Florence pour le premier, à Turin pour le second. "Moi je dis non"... Avec ce slogan placardé sur l'estrade et décliné en T-shirts, pins et mot-clé sur les réseaux sociaux, M. Grillo a appelé les Italiens à "se réveiller" et à voter non au référendum "avec les tripes". "Il suffit d'un oui", proclamaient en revanche les écrans géants et les drapeaux autour de M. Renzi, qui a estimé que l'Italie avait l'occasion de "changer le monde" en mettant fin à une vague de résultats électoraux liés à "la peur de l'autre et du lendemain". Les derniers sondages qui remontent à deux semaines, car ils sont interdits pendant les quinze jours précédant le scrutin, donnaient 5 à 8 points d'avance au non. M. Renzi a pressé ses partisans de venir à bout des réticences des indécis, pour qu'ils votent en faveur du référendum. "Ils sont si nombreux, nous devons aller les chercher, un par un, parce que tout se joue dans ces 48 heures", a-t-il martelé. Le vote est clos depuis jeudi soir pour les quatre millions d'Italiens à l'étranger et selon les médias italiens, la participation a été forte parmi ces expatriés plutôt favorables au oui. Une erreur "Si je perds le référendum constitutionnel, j'abandonnerai la politique", affirmait il y a un an M. Renzi, 41 ans, arrivé au pouvoir en février 2014 avec la volonté de tout changer en Italie. Il a depuis expliqué que cela avait été une erreur de trop personnaliser le scrutin. Il s'est efforcé depuis, à grand renfort d'interviews, de meetings ou d'interventions sur les réseaux sociaux, de convaincre du bien-fondé de "sa" réforme, censée simplifier la vie politique dans un pays qui a vu défiler 60 gouvernements depuis 1948. Cette réforme prévoit une réduction drastique des pouvoirs du Sénat, qui ne votera plus la confiance au gouvernement et la majeure partie des lois, une limitation du pouvoir des régions et la suppression des provinces, l'équivalent des départements français. Mais la vaste majorité de la classe politique, de l'extrême-gauche à l'extrême-droite en passant par les populistes du Mouvement 5 Etoiles (M5S) ou de la Ligue du Nord, le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi et même des "frondeurs" du PD, appellent à voter non. Outre une volonté commune de renvoyer M. Renzi "a casa", chez lui, ils estiment que cette réforme, associée à une loi électorale offrant une forte prime majoritaire, crée une concentration des pouvoirs trop forte pour un pays où le traumatisme du fascisme a laissé des traces. "Allez voter pour que Renzi ne devienne pas votre patron et le patron de l'Italie", a lancé vendredi soir M. Berlusconi, qui avait pourtant négocié la réforme avec M. Renzi. L'incertitude quant au résultat de ce scrutin provoque en tout cas des sueurs froides en Europe et sur les marchés, où l'on redoute une nouvelle phase d'instabilité dans la troisième économie de la zone euro. Obama et Merkel appellent à dire oui Le président américain Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker ont ouvertement appelé à voter oui. Du petit lait pour le M5S et la Ligue du Nord qui, galvanisés par le Brexit et l'élection de Donald Trump à la Maison Blanche, espèrent, chacun de leur côté, être les prochains portés par cette vague populiste. Le M5S réclame des élections anticipées en cas de victoire du non, mais le président Sergio Mattarella ne dissoudra pas le Parlement avant une réforme de la loi élisant les députés. Et même si une démission de M. Renzi en cas d'échec semble inévitable, rien n'empêche qu'il soit reconduit à son poste, avec la mission de réformer la loi électorale en vue d'élections anticipées. Encore faudra-t-il qu'il revienne sur sa promesse de ne jamais prendre la tête d'un tel gouvernement "technique". Le oui pour changer l'Europe Le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, a défendu jusqu'au bout vendredi le projet de réforme constitutionnelle auquel il a lié son destin politique. Il a pressé ses partisans de convaincre les indécis de voter en faveur du référendum, dimanche. "Ils sont si nombreux. Nous devons aller les chercher, un par un, parce que tout se joue dans ces 48 heures", a appuyé M. Renzi lors de son dernier discours de campagne. Il s'exprimait devant quelques milliers de personnes réunies dans une ambiance festive sur la majestueuse place de la Signoria à Florence, la ville dont il a été maire. "Notre oui ne doit pas servir seulement à changer l'Italie, mais à changer l'Europe, à changer le monde", a déclaré M. Renzi. Les derniers sondages remontent à quinze jours, car ils sont interdits dans les deux semaines précédant le scrutin. Ils donnaient 5 à 8 points d'avance au non. Marchés financiers et dirigeants européens redoutent qu'une victoire du "non" au référendum organisé dimanche ne plonge l'Italie dans de nouvelles turbulences et fragilise son système bancaire, précipitant la zone euro dans une nouvelle crise. "Guider l'Europe" Alors que la France et l'Allemagne connaîtront des élections primordiales en 2017 et que "la peur de l'autre, la peur du lendemain conduisent à des résultats électoraux qui surprennent le monde entier", "c'est à nous de guider l'Europe, de la faire rêver", a-t-il insisté. Face à lui, les militants agitaient des drapeaux avec le slogan: "Il suffit d'un oui". Les Italiens sont appelés à se prononcer dimanche sur une réforme constitutionnelle qui prévoit une simplification des procédures législatives et des collectivités territoriales. Le texte propose notamment de limiter les pouvoirs législatifs du Sénat en lui retirant celui de renverser l'exécutif. Matteo Renzi le juge indispensable pour mettre fin à une instabilité chronique. Depuis 1948, l'Italie a connu 63 gouvernements. Les opposants redoutent au contraire qu'elle ne conduise à une concentration trop forte des pouvoirs aux mains du chef du gouvernement pour un pays, où le traumatisme du fascisme a laissé des traces.