La Première ministre britannique Theresa May a pour objectif un divorce dans les règles mais "dur" avec l'UE, expliquera-t-elle dans un grand discours demain dans lequel elle présentera ses plans pour le Brexit, écrivaient hier plusieurs journaux britanniques. May entend lancer la procédure de divorce d'avec l'UE d'ici fin mars, en activant l'article 50 du Traité de Lisbonne, ce qui déclenchera un processus de négociations de deux ans. Mais elle devra compter sur la décision de la Cour suprême qui doit se prononcer sur la nécessité ou non de consulter le parlement avant. Sa décision est attendue d'ici la fin de ce mois. Depuis des mois, Mme May est pressée de révéler sa stratégie sur les négociations qui définiront la relation future entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Dans son discours de mardi, elle appellera le Royaume-Uni à s'unir et soutenir le Brexit, plaidant pour la fin des "insultes" et de la rancœur entre les pro- et anti-Brexit, ont indiqué ses services de Downing Street. Mais selon les journaux britanniques, elle posera les jalons d'un "Brexit dur" - retrait du marché unique, de l'union douanière européenne et de la Cour européenne de justice, dans le but de reprendre le contrôle de l'immigration européenne. Citant ces trois points, le Sunday Times écrit ainsi que Mme May annoncera vouloir un "Brexit dur et dans les règles". The Sun titre sur "La triple onde de choc de May sur le Brexit", indiquant que la Première ministre va "montrer qu'elle est sérieuse en annonçant une sortie en trois coups de l'UE". Le Sunday Telegraph cite une source gouvernementale qui affirme que "les gens sauront que quand elle a dit +Le Brexit signifie le Brexit+, elle le pensait vraiment". Downing Street s'est contenté de dire que le discours appellera le pays à "mettre de côté les vieilles divisions et s'unir pour faire du Brexit un succès". Alors que le référendum de juin sur le Brexit avait laissé le pays divisé (les pro-Brexit ont gagné à 52% seulement), la plupart des Britanniques partagent la vision d'un Royaume-Uni "sûr, prospère, tourné vers l'extérieur et tolérant", affirme Downing Street. "En présentant le plan du gouvernement pour les négociations du Brexit, la Première ministre soulignera l'importance de bâtir sur des buts communs - comme la protection et l'amélioration des droits des travailleurs - et de se concentrer sur une vision positive de la Grande-Bretagne hors de l'UE". Mme May n'a pas dévoilé grand-chose jusqu'ici sur sa stratégie pour les négociations, mais a déjà laissé clairement entendre qu'elle donnerait la priorité au contrôle de l'immigration européenne - un des thèmes majeurs lors du débat sur le référendum - sur l'accès au marché commun européen, alors que ses partenaires européens lui ont clairement signifié qu'elle ne pourrait pas avoir l'un et l'autre. La Première ministre, partisane timorée du maintien dans l'UE durant la campagne du référendum, devrait appeler toutes les parties à respecter le résultat du scrutin. Quel qu'ait été leur choix au moment de voter, les Britanniques et le parlement veulent que le gouvernement "aille de l'avant" sur le sujet, tandis que le monde économique prévoit de faire au mieux avec le Brexit, devrait déclarer Mme May, selon Downing Street. Parallèlement, le ministre chargé du Brexit, David Davis, a réitéré la proposition d'un accord de transition durant les négociations de sortie de l'UE. "Si nécessaire, nous avons dit que nous envisagerons un délai pour la mise en place des nouvelles dispositions", a-t-il écrit dans le Sunday Times. "Nous ne voulons pas l'échec de l'UE, nous voulons qu'elle prospère politiquement et économiquement, et nous devons persuader nos alliés qu'un nouveau partenariat fort avec le Royaume-Uni aidera l'UE à cela".
La stabilité financière de l'UE en danger Le négociateur en chef de l'UE sur le Brexit, le Français Michel Barnier, a prévenu samedi que les Européens devaient avoir conscience du risque qui pèsera sur la stabilité financière pendant les négociations du Brexit qui s'annoncent difficiles. Vendredi soir, le quotidien britannique The Guardian affirmait qu'il avait déclaré à des parlementaires européens qu'ils devaient conclure un accord "spécial" avec le secteur financier britannique afin que le crédit continue d'irriguer le continent. Dans un message sur son compte Twitter, le négociateur a précisé samedi qu'il ne parlait pas d'un accord avec la City de Londres, le quartier d'affaires de la capitale britannique. "L'UE doit avoir une vigilance particulière quant au risque sur la stabilité financière, pas un accord spécial pour avoir accès à la City", a-t-il tweeté. Selon un compte-rendu non publié de l'échange entre M. Barnier et les parlementaires européens, consulté par le Guardian, le Français aurait expliqué qu'il voulait garantir que les banques, les entreprises et les gouvernements des 27 autres membres de l'Union européenne auront toujours accès à la City après la sortie du Royaume-Uni du bloc. Un porte-parole de la Commission européenne a assuré samedi que le compte-rendu ne reflétait "pas correctement ce que M. Barnier a dit". Ce dernier a jusque-là maintenu une ligne dure sur les négociations du Brexit. Les dirigeants européens considèrent le secteur financier londonien comme une faiblesse potentielle dans les négociations pour les Britanniques, qui auront à coeur de défendre jusqu'au bout le joyau de leur économie et de maintenir des échanges transfrontaliers avec le continent. "Il va falloir faire un travail très spécifique dans ce domaine", aurait déclaré M. Barnier, selon le Guardian citant le compte-rendu non publié. "Il y aura une relation spéciale/spécifique. Il faudra travailler en-dehors du cadre des négociations (...) pour éviter l'instabilité financière". Le patron de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, avait prévenu mardi que l'Europe aussi avait beaucoup à perdre si aucun accord n'était conclu. M. Carney a déclaré à des parlementaires britanniques qu'il y avait "plus de risques d'instabilité financière sur le continent à court terme, pour la transition, que pour le Royaume-Uni". Il a souligné que les trois quarts des opérations de changes du continent, la moitié de ses prêts et la moitié de ses transactions boursières avaient lieu à Londres. Il a également prévenu que s'isoler de Londres pourrait renchérir le coût du capital et avoir de graves conséquences pour les banques, les entreprises et les gouvernements européens. De son côté, M. Barnier a répété que l'UE ne laisserait pas le Royaume-Uni se concocter un Brexit "à la carte" durant la procédure de divorce avec l'Union. De son côté, la commission parlementaire sur le Brexit a réclamé samedi que la Première ministre Theresa May publie d'ici mi-février son plan pour quitter l'UE. "Nous ne demandons pas au gouvernement de renoncer à ses lignes rouges ou à ses solutions de repli dans les négociations, mais nous voulons de la clarté sur ses objectifs globaux au vu de l'importance et de la complexité du processus de négociation", a déclaré le président de cette commission, Hilary Benn. "Le gouvernement doit rechercher des arrangements transitionnels adéquats dans l'intérêt des entreprises", à la fois pour le Royaume-Uni et l'UE, a-t-il estimé. Pour la commission parlementaire, le gouvernement doit essayer de maintenir l'accès de la finance britannique au marché européen, au bénéfice des deux parties. Un porte-parole du gouvernement a répété que les plans du gouvernement seraient présentés "d'ici la fin mars", date butoir que s'est fixée la Première ministre conservatrice Theresa May pour activer l'article 50 du Traité de Lisbonne.