Les proches de Chokri Belaïd ont de nouveau réclamé "la vérité" sur l'assassinat de l'ancien opposant de gauche, dont la Tunisie a marqué le 4e anniversaire lundi, réitérant leurs critiques sur la marche de la justice. Critique virulent du parti islamiste Ennahdha alors au pouvoir, Belaïd, 48 ans, a été assassiné par balles le 6 février 2013 devant son domicile du nord de Tunis, entraînant à l'époque une profonde crise politique. Ce meurtre a été revendiqué par des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI), au même titre que celui d'un autre opposant, le député Mohamed Brahmi, en juillet 2013. Après avoir elles-mêmes attribué l'assassinat de Chokri Belaïd à la mouvance jihadiste, les autorités tunisiennes ont annoncé début 2014 avoir abattu son meurtrier présumé, Kamel Gadhgadhi. Alors que le procès de 24 autres personnes suspectées d'implication va de report en report depuis plus d'un an et demi, les proches de l'opposant ont exprimé leur mécontentement lors des cérémonies de lundi. "Concernant le dossier judiciaire, on n'avance pas du tout. (...) Mais on continue le combat", a dit sa veuve, Basma Khalfaoui. "Nous savons que l'assassinat de Chokri Belaïd est un crime d'Etat, qu'il y a des institutions impliquées. Donc on essaie de pousser pour connaître la vérité", a-t-elle ajouté. Depuis sa mort, les proches de Belaïd évoquent des "zones d'ombres", une "volonté politique" et "des pressions" pour ne pas dévoiler la "vérité" sur les commanditaires. Tandis que la prochaine audience du procès Belaïd est fixée au 14 avril, une "cérémonie contre l'oubli" a été organisée sur les lieux du drame, en présence du Premier ministre Youssef Chahed. "Chokri Belaïd est mort pour défendre la liberté, la démocratie, l'Etat de droit en Tunisie. C'est une victime du terrorisme", a déclaré le porte-parole du gouvernement, Iyed Dahmani. Le président Béji Caïd Essebsi a par la suite inauguré en centre-ville de Tunis, dans le froid et la pluie, une place au nom de l'ancien opposant. "Ce que Chokri Belaïd a dit, et j'en suis fier, c'est que nous devons nous lever pour la Tunisie. (...) Il est devenu une grande figure du patriotisme" et de la révolution tunisienne, a affirmé le chef de l'Etat. Une composante du Front populaire (gauche et extrême gauche) --l'ancien mouvement de Belaïd-- a néanmoins boycotté la cérémonie, exhortant M. Caïd Essebsi à "tenir ses engagements". "Avant d'inaugurer une telle place, le président devrait révéler la vérité", a fait valoir Mohamed Jmour, un responsable du Parti des patriotes démocrates unifiés (PPDU). Les assassinats de Belaïd et de Mohamed Brahmi ont constitué l'apogée de la crise politique de l'après-révolution de 2011. Mené par un quartette, un "dialogue national" avait été mis sur pied pour sauver la transition démocratique. A son terme, Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates. En 2015, le prix Nobel de la paix a été attribué à ce "dialogue national" tunisien.