Rendez-vous crucial pour l'assurance chômage: huit mois après l'échec des négociations, syndicats et patronat se retrouveront mercredi pour décider de rouvrir, ou pas, cet épineux dossier suspendu à la question de la taxation des contrats courts. Leur choix dépendra du Medef, qui devrait trancher lundi lors d'un conseil exécutif entre les deux courants qui s'opposent en son sein sur cette taxation, condition sine qua non posée par les syndicats pour aboutir à un accord. C'est le refus patronal de toute forme de modulation de cotisation sur les contrats courts (CDD, intérim) qui avait fait capoter les négociations en juin 2016, dans un climat alors parasité par la loi travail. Après cet échec - une première depuis 1982 - le gouvernement avait dû prolonger la convention signée en 2014, mais n'a eu de cesse de pousser les partenaires sociaux à se remettre autour de la table, alors que le régime affiche un déficit de plus de 4 milliards d'euros et une dette record de 30 milliards. En novembre, la ministre du Travail, Myriam El Khomri, s'était montrée favorable à un système de bonus-malus sur les contrats courts "qui coûtent à l'Unédic 6,2 milliards d'euros et génèrent une précarité pour les demandeurs d'emploi". Syndicats et patronat ont repris langue en décembre, mais dans un cadre informel pour établir un "diagnostic partagé" sur le marché du travail et le régime d'assurance chômage. La dernière des réunions est prévue mercredi, et une décision devrait être prise à son issue. "On a senti quelques velléités patronales pour prolonger les discussions au-delà du 15 février, mais pour les syndicats il n'en n'est pas question: soit on rouvre les négociations, soit on arrête", a déclaré Denis Gravouil, négociateur de la CGT. Explosion des CDD de moins d'un mois Diverses études d'experts ont été présentées lors des réunions, dont plusieurs sur les contrats précaires, qui "ont montré que c'est bien le coeur du problème", selon Eric Courpotin, de la CFTC. Une étude de l'Unédic a notamment révélé que les CDD de moins d'un mois avaient explosé en 15 ans, passant d'un peu plus de 1,5 million par trimestre à plus de 4 millions. Les secteurs des arts et spectacles, l'édition et l'audiovisuel, le secteur de la santé, l'hôtellerie-restauration et l'immobilier sont parmi les plus gros utilisateurs de ces contrats de moins d'un mois, voire de quelques jours. Selon Le Figaro et L'Opinion, les négociateurs patronaux ont proposé d'expérimenter une taxation, temporaire, uniquement sur ces contrats très courts, afin d'obtenir de leur organisation le mandat pour négocier. Mais cette piste n'est "pas acceptable", a réagi Christian Nibourel, président du Groupement des professions de service (GPS), qui regroupe 25 fédérations patronales (hôtellerie-restauration, banque-assurance, services informatiques...). "Je ne suis pas pour rouvrir les négociations si c'est pour taxer les contrats courts. Ce serait contreproductif pour des secteurs dont les modèles économiques ne permettent pas de se passer de ces contrats", a estimé ce responsable patronal, membre du comité exécutif du Medef. Plusieurs syndicats ont dénoncé la volonté d'une partie du patronat de "jouer la montre" avant l'élection présidentielle, en espérant que la nouvelle majorité au pouvoir accède à leurs revendications, notamment la dégressivité des allocations chômage promise par François Fillon. Le candidat d'En Marche !, Emmanuel Macron, souhaite pour sa part confier la gestion de l'Unédic à l'Etat. "Nous, on a envie que les négociations repartent, ne serait-ce que pour envoyer un signe à nos politiques pendant cette campagne, dire +on est capables de gérer+", a commenté M. Courpotin. "Négocions ! Au vu des programmes des candidats à la présidentielle, il y a urgence à préserver le système paritaire de l'assurance chômage", a renchéri Michel Beaugas, pour FO, qui demande que l'organisation de Pierre Gattaz arrive avec un mandat de négociation: "si on repart en négociations et que le Medef essaie d'obtenir son mandat au cours des discussions, on court à un nouvel échec".