Le Parquet national financier (PNF) a annoncé vendredi avoir ouvert une information judiciaire visant François Fillon à deux mois du premier tour de la présidentielle, notamment pour les emplois présumés fictifs dont aurait bénéficié sa famille. L'enquête, désormais confiée à trois juges d'instruction, et non plus à la police, est ouverte des chefs de détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel, trafic d'influence et manquement aux obligations déclaratives. Dans un communiqué, les avocats du couple Fillon, qui avaient mis en cause la légitimité du PNF et qualifié son enquête d'"illégale", ont salué une décision "logique". En ouvrant une information judiciaire au lieu de le renvoyer directement en procès, "le PNF confirme (...) qu'il n'a pas pu démontrer la réalité des infractions poursuivies", écrivent-ils. "Nous ne doutons pas qu'à l'issue d'une procédure sereine, avec des juges indépendants, l'innocence de François et Penelope Fillon sera enfin reconnue", ajoutent-ils. Sur Twitter, l'un des soutiens du candidat de la droite, Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat, a également salué l'ouverture d'une information judiciaire comme la preuve que "le PNF n'a pas trouvé assez d'éléments pour saisir un tribunal". "C'est en réalité très rassurante." " François Fillon, qui est désormais éliminé du second tour dans tous les sondages au profit de la présidente du Front national Marine Le Pen et du candidat du mouvement En marche ! Emmanuel Macron, a fait savoir la semaine dernière qu'il serait candidat "jusqu'à la victoire", quelle que soit la suite donnée par la justice à cette affaire, y compris dans l'éventualité d'une mise en examen. "Si nos convictions déclenchent autant de fureur, si ma personne est attaquée avec tant d'acharnement, c'est parce qu'elles heurtent le consensus mou qui n'aime la droite que lorsqu'elle marche à l'ombre et lorsqu'elle réforme à minima", a déclaré le candidat de la droite lors d'un meeting à Maisons-Alfort (Val-de-Marne), sans faire directement référence à l'enquête. Les juges ont désormais la maîtrise du calendrier. En tout état de cause, d'éventuelles poursuites à son encontre seront suspendues pendant cinq ans s'il est élu président. Le 16 février dernier, le PNF avait fait savoir, après réception des premiers résultats de l'enquête préliminaire, qu'il écartait "en l'état" un classement sans suite de la procédure. Une source proche du dossier avait ajouté que le classement sans suite était "improbable" au terme de l'enquête. Mais deux options s'offraient à lui : l'ouverture d'une information judiciaire ou une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris d'un ou plusieurs protagonistes de l'affaire. Le PNF explique dans un communiqué avoir finalement opté pour l'information judiciaire afin d'éviter que certains faits anciens soient prescrits, en vertu d'une loi adoptée le 16 février dernier, et qui doit entrer en vigueur en début de semaine prochaine. Une citation directe devant le tribunal "aurait eu le même effet d'interruption de la prescription", soulignent dans un communiqué les avocats du couple Fillon. Mais pour faire ce choix, il fallait que tous les actes d'enquête soient prêts, "ce qui n'était pas le cas", a indiqué une source proche du dossier.
L'enquête s'est élargie L'enquête préliminaire, ouverte le 25 janvier, concernait initialement des détournements de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits, et visait notamment François Fillon et son épouse, Penelope. Penelope Fillon a été employée par son mari comme assistante parlementaire de 1988 à 1990 puis de 1998 à 2002 et de mai 2012 à novembre 2013. Elle a aussi travaillé auprès de son suppléant Marc Joulaud de mai 2002 au 31 août 2007. Penelope Fillon a par ailleurs été employée comme "conseiller littéraire" de la prestigieuse "Revue des deux mondes", propriété d'un "ami de la famille", l'homme d'affaires Marc Ladreit de Lacharrière, entre mai 2012 et décembre 2013. Des postes dont les enquêteurs doutent de la matérialité. L'enquête a par la suite été élargie aux activités des deux enfants aînés du couple, Marie et Charles, qui ont effectué des "missions" auprès de leur père au Sénat entre 2005 et 2007. Puis, au terme de celle-ci, le PNF a décidé d'ajouter plusieurs délits, dont celui de trafic d'influence, plongeant un peu plus dans la tourmente la campagne du candidat de la droite et du centre à l'élection présidentielle. Ce délit potentiel vise probablement les conditions d'attribution, sur rapport de François Fillon, du grade suprême de la Légion d'honneur (grand-croix) au propriétaire de la Revue des deux mondes, où son épouse Penelope est soupçonnée d'avoir eu un emploi fictif. Le Monde avait en effet révélé que les enquêteurs s'intéressaient de près à la remise de ce grade très rare à Marc Ladreit de Lacharrière le 31 décembre 2010, moins d'un an et demi avant qu'il embauche Penelope Fillon.