A l'unanimité, les sociaux-démocrates allemands ont porté dimanche à leur tête Martin Schulz pour tenter de détrôner Angela Merkel du pouvoir lors des élections en septembre. A 61 ans, celui qui fut président du Parlement européen pendant cinq ans, est porté par les sondages depuis plusieurs semaines et donné aujourd'hui au coude-à-coude dans les intentions de vote avec la chancelière conservatrice au pouvoir depuis 2005 : en début d'année le SPD accusait encore un retard de 15 points. Enthousiastes, les militants du SPD ont pris acte de ce nouvel élan en élisant Martin Schulz à la présidence du parti à l'unanimité. Du jamais-vu dans l'histoire du SPD, le dernier record pour un président remontant à 1948, avec 99,71%. Le combat commence "A partir de maintenant le combat commence pour devenir le premier parti du pays et conquérir la chancellerie", a lancé Martin Schulz lors du congrès à Berlin. Il remplace à ce poste Sigmar Gabriel, l'actuel chef de la diplomatie allemande, impopulaire et qui avait jeté l'éponge en début d'année. Avant les législatives du 24 septembre, pour lesquelles le SPD est actuellement donné à égalité avec la CDU d'Angela Merkel à un peu plus de 30% des intentions de vote, trois scrutins régionaux auront valeur de tests. Le premier aura lieu dans le petit Etat régional de Sarre (ouest) dans une semaine, où les sociaux-démocrates menacent la CDU, au pouvoir depuis 18 ans. Face à la "Schulzmania", la chancelière se veut sereine : "La concurrence stimule les affaires", a-t-elle assuré vendredi. Mais un membre de son entourage confie en privé : "La situation est difficile". L'hypothèse d'une défaite de Mme Merkel, en dépit des critiques contre l'arrivée de plus d'un million de réfugiés en Allemagne, paraissait impensable il y a encore quelques mois. Martin Schulz a bousculé la donne. Sa carrière quasi-exclusivement faite à Bruxelles au Parlement européen, qui pouvait apparaître comme un handicap au départ, se révèle un atout : il n'a pas à endosser la politique du gouvernement de coalition actuel, dont font partie les sociaux-démocrates, et apparaît comme un homme neuf. Robin des bois "Schulz est un visage nouveau sur le plan intérieur et sa candidature intervient à un moment où une forme de lassitude à l'égard de Merkel se répand", estime l'expert de la politique allemande Michael Spreng, dans le quotidien Südeutsche Zeitung. "Schulz parle clairement et de manière imagée. Merkel n'est pas bonne oratrice. Schulz est quelqu'un qui est émotif, Merkel ne montre aucune émotion", ajoute-t-il. Son parcours atypique et ses origines modestes - ce fils de policier a abandonné l'école avant le baccalauréat et fut alcoolique durant sa jeunesse - combiné à un franc-parler, lui permettent de se présenter comme un homme du peuple. Il entend notamment amender les réformes controversées du marché du travail menées par l'ex-chancelier SPD Gerhard Schröder entre 2003 et 2005. Si elles ont permis à l'Allemagne de faire baisser son chômage à un niveau historiquement bas, elles ont aussi créé une génération de "travailleurs pauvres" et précaires. Le parti de la chancelière l'accuse en retour de propager "un populisme" de gauche. Le tournant à gauche du SPD avec Martin Schulz, qui lui vaut d'être surnommé "Robin des bois" dans la presse, n'a pas empêché le parti dimanche de faire son choix concernant l'élection présidentielle française : le nom du centriste Emmanuel Macron a été longuement applaudi par les militants. "Imaginez-vous : Emmanuel Macron devient président en France et Martin Schulz chancelier (en Allemagne) : tout ce que nous pourrons changer dans cette Europe!", a lancé Sigmar Gabriel sous les ovations. L'ancien ministre du gouvernement socialiste de François Hollande est l'un des favoris de l'élection présidentielle française. Ce soutien constitue une rebuffade pour le candidat officiel du Parti socialiste français, pourtant parti frère du SPD, Benoît Hamon, qui fait campagne sur une ligne nettement plus à gauche que celle des sociaux-démocrates allemands.