Le gouvernement britannique déclenchera le 29 mars le processus historique de divorce avec l'Union européenne, coup d'envoi de deux années de négociations complexes qui mettront un terme à plus de quarante ans d'une relation tourmentée. Le Royaume-Uni devrait ainsi se retrouver en 2019 hors de l'UE, devenant le premier pays à quitter le club, après le référendum du 23 juin dernier qui a décidé du Brexit et a laissé le pays profondément divisé. Le représentant du Royaume-Uni auprès de l'UE a informé le bureau du président du conseil de l'UE Donald Tusk que son pays avait l'intention d'activer l'article 50 du Traité de Lisbonne le 29 mars, a annoncé lundi le porte-parole de Downing Street lors d'un point-presse. "Nous voulons que les négociations commencent rapidement", a-t-il souligné. "Il y a aura une lettre, elle (la Première ministre Theresa May) va notifier le président Tusk par écrit", a-t-il détaillé, rappelant que Mme May "fera également une déclaration devant le Parlement". Un sommet de dirigeants européens se tiendra dans les "quatre à six semaines" suivantes, a annoncé dans la foulée une source européenne, le déclenchement fin mars du divorce ne laissant pas "suffisamment temps" pour un sommet dans la première semaine d'avril comme initialement prévu. Les 27 devront fixer le cap et les "lignes rouges" dans les pourparlers, face à des Britanniques susceptibles d'exploiter les divisions au sein du bloc. "J'ai fixé mes objectifs. Il s'agira notamment d'obtenir un accord de libre-échange satisfaisant et de continuer à coopérer sur les questions telle que la sécurité", a affirmé lundi Theresa May, lors d'un déplacement au pays de Galles. Mme May veut mettre en œuvre un Brexit "clair et net" impliquant la sortie du marché unique, afin de pouvoir reprendre le contrôle de l'immigration. Tout est prêt Le ministre chargé du Brexit David Davis a évoqué dans un communiqué "la négociation la plus importante pour ce pays depuis une génération". A Bruxelles, un porte-parole de l'Union européenne a indiqué que "tout était prêt". "Dans les 48 heures de l'activation par le Royaume-Uni de l'article 50, je présenterai l'ébauche des lignes directrices du Brexit pour les Etats membres de l'UE à 27", a écrit sur Twitter Donald Tusk. Le président de l'eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a lui dit attendre "du réalisme" de la part du gouvernement britannique, sur le "prix" du Brexit et le "calendrier" des négociations notamment. Le déclenchement du Brexit ouvre la période de négociations de sortie de l'UE qui doit durer deux ans. Il interviendra après la date hautement symbolique du 25 mars, 60e anniversaire du traité de Rome qui a fondé la Communauté européenne, au moment où l'Union est en pleine réflexion sur son avenir. Les pourparlers ne devraient véritablement débuter que six à huit semaines après le déclenchement du Brexit, une fois que la Commission aura donné son vert et que son négociateur, le Français Michel Barnier, aura reçu un mandat des 27 autres pays de l'UE. Très sensibles politiquement, les négociations s'annoncent aussi ardues du point de vue légal au vu de l'étendue des dossiers qu'elles couvriront. Le Parlement britannique avait donné son feu vert au déclenchement du Brexit le 13 mars. Le même jour, la Première ministre d'Ecosse, Nicola Sturgeon avait ajouté à la complexité de la situation en annonçant son intention de demander pour fin 2018 ou début 2019 un nouveau référendum d'indépendance, mettant ainsi en jeu l'unité du pays. Le Parlement régional écossais doit se prononcer ce mercredi sur cette demande et devrait l'entériner. Le précédent référendum, en septembre 2014, s'était soldé par un maintien dans le Royaume avec 55% des voix. Mme Sturgeon a justifié sa demande par "le mur d'intransigeance" opposé par le gouvernement de Mme May alors que les Ecossais avaient voté à 62% pour rester dans l'UE et souhaitent au moins rester membres du marché unique européen. Theresa May a répondu que ce n'était "pas le bon moment" pour un tel référendum, impliquant qu'il ne pouvait avoir lieu au moment où le pays négocie sa sortie de l'UE, lui compliquant ainsi la tâche. Côté UE, "tout est prêt" "Tout est prêt côté UE" pour entamer les négociations après le déclenchement, annoncé pour le 29 mars par le Royaume-Uni, de la procédure de divorce d'avec l'Union, a affirmé lundi un porte-parole de la Commission européenne. "Nous sommes prêts à entamer les négociations", a réagi ce porte-parole, Margaritis Schinas, alors que Downing Street venait d'annoncer que la Première ministre Theresa May avait choisi d'activer le 29 mars prochain l'article 50 du Traité de Lisbonne. Les dirigeants européens ont toujours indiqué qu'ils agiraient avec célérité pour lancer les négociations avec Londres, prévues pour durer deux ans maximum, délai après lequel la séparation devient automatique si aucun accord n'est trouvé. Les 27 devront se réunir rapidement en sommet pour fixer le cap et les "lignes rouges" dans les pourparlers, probablement début mai. Les pourparlers ne devraient véritablement débuter que six à huit semaines après le déclenchement du Brexit, une fois que la Commission aura donné son vert et que son négociateur, le Français Michel Barnier, aura reçu un mandat de la part des 27 autres pays de l'UE. Un sommet européen "4 à 6 semaines" après la notification Le sommet de dirigeants européens qui suivra le déclenchement du Brexit par le Royaume-Uni se tiendra "quatre à six semaines" après la notification annoncée pour le 29 mars, a annoncé une source européenne. Le déclenchement fin mars du divorce, tel qu'il a été annoncé lundi par Downing Street, ne laisse pas "suffisamment temps" pour un sommet dans la première semaine d'avril comme initialement prévu. "On s'attend à ce qu'il faille environ 4 à 6 semaines pour préparer et mener les consultations entre les 27 Etats membres", a expliqué cette source. Aucune date n'est fixée pour l'instant, a-t-elle ajouté. Les 27 devront alors se réunir rapidement en sommet pour fixer le cap et les "lignes rouges" dans les pourparlers. Cette période de 4 à 6 semaines laisse présager d'un sommet dans la même période que l'élection présidentielle en France, qui se déroulera en deux tours, le 23 avril et le 7 mai. "Nous sommes prêts à entamer les négociations", a réagi de son côté le porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas. L'UE à 60 ans veut proclamer son unité C'est une Europe en pleine tempête qui va célébrer en fin de semaine à Rome le 60e anniversaire de son traité fondateur. En proclamant son unité et son "avenir commun" face aux vents de la discorde, du doute et de la défiance populiste. Une célébration romaine d'ores et déjà à l'ombre du Brexit, dont le Royaume-Uni lancera, presque immédiatement après, le 29 mars, le processus complexe et sans précédent. Brexit, mais encore vague migratoire, crise économique, terrorisme, repli identitaire: conçue à Six pour reconstruire l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, l'Union européenne à Vingt-Sept est-elle menacée de disparaître? Tout le monde - des fédéralistes aux nationalistes - s'accorde en tout cas à reconnaître que l'UE traverse le pire marasme depuis son acte de naissance le 25 mars 1957 à Rome. "L'heure n'est plus à s'imaginer que nous pourrions tous faire la même chose ensemble", a récemment admis le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui plaide pour "une Europe à plusieurs vitesses". Déclaration de Rome Il y a 60 ans, l'Allemagne, la France, l'Italie et les pays du Bénelux s'engageaient à "établir les fondements d'une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens". Samedi à Rome, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se retrouveront à 27 au Capitole, dans la salle des Horaces et des Curiaces où fut signé le traité historique (en fait deux traités: l'un économique, l'autre atomique). Sans la britannique Theresa May qui a décidé d'activer la procédure de séparation d'avec le bloc européen quatre jours après. Dans une déclaration solennelle, les 27 se diront "déterminés à rendre l'Union plus forte et plus résistante, grâce à une plus grande unité et solidarité entre nous". Une "Union indivisible", en réaction au Brexit. "Rome doit marquer le début d'un nouveau chapitre" pour une "Europe unie à 27", estime Jean-Claude Juncker. Mais au-delà de la profession de foi et des "belles paroles", les dirigeants européens savent bien que l'Union, si elle veut se sauver, doit "se rapprocher de ses citoyens", comme l'a souhaité le président du Parlement européen Antonio Tajani dans une tribune au journal Le Monde. Ce afin de répondre aux populistes qui, à l'instar de la française Marine Le Pen, présidente du parti Front national (FN), dénoncent au nom du "peuple" les "dérives totalitaires" de l'UE, et prônent la sortie de l'euro. Union à 'différentes allures Pour faire avancer le projet européen, le président de la Commission a dévoilé le 1er mars, dans un "Livre blanc" sur l'avenir post-Brexit, cinq pistes de réformes de l'UE. L'un des scénarios suggère que l'Union se "recentre" sur le marché unique, pour tenir compte du fait que les 27 "ne sont pas capables de trouver un terrain d'entente dans un nombre croissant de domaines". Un autre propose au contraire de "faire beaucoup plus ensemble", vers un Etat fédéral, en élargissant les partages de compétences entre les 27 et en accélérant les prises de décisions de l'UE. Entre les deux options, des voies intermédiaires sont tracées, comme celle d'une Europe "à plusieurs vitesses" - appuyée par Paris et Berlin - "où ceux qui veulent plus font plus ensemble", par exemple en matière de défense, de sécurité ou sur l'Union économique et monétaire (UEM). Au risque de renforcer l'impression "d'un système compliqué", rendant l'UE "encore plus incompréhensible qu'aujourd'hui" pour le demi-milliard de ses citoyens. "L'Europe différenciée est déjà une réalité - certains pays sont dans la zone euro, d'autres pas - sans que cela motive d?ailleurs les moins intégrés à accélérer", explique Charles de Marcilly, responsable à Bruxelles de la Fondation Schuman. L'Union à "différentes allures" se heurte toutefois au refus des pays d'Europe de l'Est et centrale, les derniers entrants, qui craignent d'être exclus du "club" en raison de leur hostilité récurrente aux projets de Bruxelles, comme l'a encore montré la fracture avec Varsovie lors du dernier sommet de l'UE. "En réalité ceux qui craignent cette mosaïque européenne ont peur d'être relégués en deuxième division", relève M. de Marcilly. "Aussi, l'équilibre sera subtil pour avancer sans exclure, progresser sans stigmatiser", prédit- il, en observant que "les élections de 2017 (en France et en Allemagne) ne permettent pas de grands engagements: on ne définit pas sa tactique sans connaître son capitaine sur le terrain et les forces de son équipe". Le référendum sur l'indépendance devant les députés écossais Le projet de référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, casse-tête pour le gouvernement britannique, va franchir une première étape cette semaine au Parlement régional, au moment où Londres s'apprête à déclencher le Brexit. Les députés écossais doivent examiner à partir de mardi une motion autorisant leur Première ministre Nicola Sturgeon à demander l'aval de Londres pour organiser cette consultation. Ils devraient l'adopter sans problème mercredi, le Parti national écossais SNP y disposant d'une majorité avec l'appui des écologistes. Nicola Sturgeon, cheffe du SNP, a annoncé le 13 mars vouloir organiser un nouveau référendum d'indépendance fin 2018 ou début 2019, faisant notamment valoir que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne et surtout du marché unique risquait d'entraîner la suppression de "dizaines de milliers d'emplois" en Ecosse. En septembre 2014, les Ecossais s'étaient pourtant prononcés à 55% contre une indépendance vis-à-vis de Londres. Mais Mme Sturgeon s'appuie sur le constat du Brexit: 62% des Ecossais ont voté pour le maintien dans l'UE lors du référendum du 23 juin dernier, alors que 52% des Britanniques votaient contre. Démocratiquement indéfendable Outre l'aval du parlement écossais, la demande de référendum doit recevoir l'accord du gouvernement britannique puis faire l'objet d'un vote au parlement de Westminster. La partie est donc loin d'être gagnée, tant un référendum d'indépendance d'ici deux ans risquerait d'affaiblir Theresa May dans ses négociations avec Bruxelles, en plus de menacer la cohésion du Royaume. "Si, cette semaine, les députés écossais approuvent cette motion, alors la position de la Première ministre (Theresa May), qui souhaite bloquer tout référendum et nous imposer un Brexit dur sans consulter le peuple, sera démocratiquement indéfendable", a rétorqué lundi Nicola Sturgeon, qui fustige le "mur d'intransigeance" opposé par Londres aux demandes écossaises. "Cette décision cruciale ne doit pas être prise par moi ou la Première ministre (Theresa May). Elle doit être celle du peuple écossais", a-t-elle ajouté, appelant le Parlement écossais à "donner ce choix". Si elle parvient à décrocher un nouveau référendum, Mme Sturgeon devra aussi convaincre des Ecossais encore divisés. Selon un sondage publié dimanche, seuls 44% d'entre eux sont à ce jour favorable à une indépendance, et une légère majorité (51%) sont contre un référendum dans un avenir proche. Pour John Curtice, professeur de sciences politiques à l'université de Strathclyde (Ecosse), la position de Theresa May peut ainsi arranger Nicola Sturgeon. "Le camp du +oui+ a encore du terrain à gagner. Or, avoir du temps pour plaider sa cause, c'est peut-être ce qu'elle veut, dans le fond", a-t-il déclaré au Times. Se pose également la question de savoir si Edimbourg a les moyens de son indépendance, alors que la santé de l'économie écossaise s'est détériorée avec la chute des cours du pétrole depuis 2014.