Carrefour a annoncé mardi le lancement d'une offre bancaire 100% digitale, rejoignant les rangs des "fintechs" ou des entreprises extérieures au secteur comme l'opérateur télécom Orange, qui veulent se faire une place sur ce marché d'avenir. Pour un euro par mois et sans conditions de ressources ou de dépôts, le distributeur français proposera à partir du 18 avril C-zam, un coffret à cinq euros associant un compte courant géré en ligne à une carte de paiement MasterCard. Carrefour, qui proposait déjà des services de crédit à la consommation ou d'assurances, commercialisera cette offre dans plus de 3.000 magasins et vise une clientèle très jeune mais aussi centrée sur des usages dédiés, comme les cagnottes de vacances. "Ce service s'inscrit pleinement dans la transformation digitale et dans la volonté de Carrefour d'innover", a déclaré Noël Prioux, directeur exécutif de Carrefour France, lors d'une conférence de presse. Pour Julien Jaillon, directeur général de Carrefour Banque, il s'agit "du premier compte courant en grande distribution accessible à tous sans conditions de revenus". Il s'est refusé à toute indication chiffrée, évoquant seulement de "grandes ambitions en terme de volume". Pour Damien Dupouy, cofondateur de la néobanque Anytime, l'objectif poursuivi par Carrefour, et peut-être bientôt par d'autres distributeurs, est de proposer "un produit d'appel" à travers lequel d'autres services plus rémunérateurs, comme le crédit à la consommation, pourraient être souscrits. L'entrepreneur, qui propose aussi un service de comptes couplés à des cartes de paiement, estime que l'ouverture de comptes courants est aussi un moyen de renforcer le bilan de Carrefour banque en augmentant ses dépôts. Outre Carrefour et Orange, dont l'offre sera lancée à la mi-mai, la banque de détail en France doit faire face à l'irruption de nouveaux entrants s'appuyant sur des modèles nouveaux, comme Compte Nickel, qui propose ses services via son réseau de buralistes, ou encore la jeune banque en ligne allemande N26. La concurrence s'accroît aussi du fait que les grands établissements traditionnels qui n'avaient pas encore lancé une banque 100% digitale, comme les Banques populaires, les Caisses d'Epargne (groupe BPCE) ou la Banque postale, ont récemment décidé de sauter le pas. Dans un contexte où la faiblesse des taux d'intérêts ronge les marges et le volume d'affaires des banques, la multiplication des offres fait craindre à certains observateurs une guerre de prix et un effondrement des marges similaire à celui qui a suivi l'entrée de l'opérateur Free sur le marché de la téléphonie mobile. La loi Macron, qui facilite désormais les démarches des particuliers pour changer de banque, pourrait aussi favoriser les banques en ligne, aux tarifs moins élevés, au détriment des établissements traditionnels, dont les clients boudent de plus en plus les agences. A contrario, les points de vente d'Orange et de Carrefour restent très fréquentés et permettent donc de rentabiliser davantage les espaces commerciaux. La banque 100% en ligne s'apparente néanmoins encore à un pari sur l'avenir en France car, avec une part de marché estimée à moins de 10%, elle est loin d'avoir franchi le point de bascule où elle renverserait l'hégémonie des réseaux en dur.