La Réserve fédérale a laissé sa politique monétaire inchangée et a minimisé le ralentissement de la croissance économique américaine au premier trimestre tout en soulignant la solidité du marché de l'emploi, ce qui devrait conforter les anticipations d'un nouveau relèvement des taux directeurs le mois prochain. Dans son communiqué publié à l'issue de sa réunion de politique monétaire de deux jours, la banque centrale américaine a aussi dit que la consommation des ménages restait solide, que les investissements des entreprises s'étaient raffermis et que l'inflation évoluait à un rythme proche de son objectif. "Le comité considère que le ralentissement de la croissance au premier trimestre est vraisemblablement transitoire", écrit la Fed dans son communiqué adopté à l'unanimité. Le marché du travail a continué de se renforcer alors que la croissance de l'activité ralentissait et "les fondamentaux soutenant la croissance continue de la consommation demeurent solides", poursuit le communiqué. L'objectif de taux des fonds fédéraux, les "fed funds", reste fixé à 0,75%-1,0%, après le relèvement d'un quart de point décidé en mars par le Federal Open Market Committee (FOMC), le comité de politique monétaire de la Fed. Plusieurs responsables monétaires américains avaient dit avant la tenue de la réunion du FOMC que, contrairement à ce qui avait pu se passer dans les dernières années, la Fed se sentait désormais plus confiante dans ses prévisions de deux nouvelles hausses de taux en 2017.
L'inflation "proche de l'objectif" Le dollar a accru ses gains et les rendements des bons du Trésor américain ont progressé mercredi tandis que Wall Street a réduit brièvement ses pertes après l'annonce de la décision de la Fed. Les responsables monétaires ont été encouragés dans leur évaluation optimiste de la situation de l'économie américaine par l'amélioration du climat des affaires et un rythme de croissance des salaires au plus haut depuis une décennie. Le taux de chômage est aussi tombé en mars à un plus bas de près de 10 ans. Certains membres du FOMC ont toutefois dit qu'ils souhaitaient disposer de plus de données avant de poursuivre la normalisation de la politique monétaire. Les Etats-Unis ont connu au premier trimestre leur croissance économique la plus faible en trois ans avec une hausse du Produit intérieur brut de 0,7% en rythme annualisé seulement, en raison d'une hausse négligeable des dépenses de consommation. Les créations d'emplois ont aussi ralenti au mois de mars. La statistique du PIB du premier trimestre tend toutefois à sous-évaluer la réalité en raison de difficultés de calcul dont le gouvernement a pris acte et auxquelles il tente de remédier. Les responsables monétaires sont aussi dans l'attente de détails sur l'ampleur des baisses d'impôts et de la relance budgétaire que l'administration Trump doit soumettre au Congrès. La hausse des prix a accéléré mais l'inflation "core PCE", hors éléments volatils et mesure privilégiée de la hausse des prix par la Fed, n'affichait qu'une hausse de 1,6% sur un an en mars, le rythme le plus faible depuis juillet. Le communiqué de la Fed ne s'est pas ému du ralentissement de l'inflation, estimant qu'elle évoluait "à un rythme proche de l'objectif à long terme de 2% du comité." Le comité de politique monétaire doit aussi annoncer d'ici la fin de l'année le calendrier et les modalités de la réduction de son bilan de 4.500 milliards de dollars. Le communiqué de mercredi n'y a fait aucune référence.
Coup de mou pour l'inflation Autre argument en faveur d'une pause, l'inflation a eu un coup de mou en mars alors que la banque centrale veut la voir autour de 2%, un objectif qu'elle estime sain pour l'économie. Selon l'indice PCE, baromètre favori de la Fed, la hausse des prix s'est repliée sur un an en mars, redescendant à 1,8% au lieu des 2,1% atteints le mois d'avant. Mais ce ralentissement semble refléter des facteurs exceptionnels (chute des prix des abonnements téléphoniques notamment). Ces données décevantes, si elles se confirment, pourraient convaincre la Fed de repousser le prochain resserrement du crédit à septembre, selon certains analystes comme Jason Schenker de Prestige Economics: "nous croyons que la Fed va laisser les taux inchangés jusqu'en septembre", a-t-il affirmé dans une note. Mais pour d'autres, la Fed est surtout focalisée sur le marché du travail qui a quasiment atteint le plein emploi avec un taux de chômage de 4,5%. Les chiffres de l'emploi pour avril ne seront disponibles que vendredi, deux jours après la réunion de l'institution monétaire. Les analystes s'attendent à un rebond des créations d'emplois à 180.000 même si le taux de chômage devrait remonter un peu, selon eux, à 4,6%. "Les membres de la Fed peuvent ignorer la faible croissance", assure l'économiste indépendant Joel Naroff. Il mise sur une hausse des taux à la réunion de juillet "quand la Fed aura une première lecture de la croissance au 2e trimestre". La banque centrale a en effet les yeux rivés sur les augmentations de salaires, qui pourraient nourrir une plus rapide hausse des prix, ce qu'elle veut éviter en relevant progressivement les taux. L'indice du coût de l'emploi a augmenté de 0,8% au 1er trimestre, "une accélération indéniable (...) qui va garder la pression sur la Fed pour continuer à resserrer la politique monétaire", assure Jim O'Sullivan, chef économiste pour HFE.
La productivité se contracte La productivité du travail aux Etats-Unis a baissé contrairement aux attentes au premier trimestre de cette année, entraînant une hausse des coûts du travail, montrent les statistiques publiées jeudi par le département du Travail. La productivité non-agricole, qui mesure la production horaire par travailleur, a baissé de 0,6% en rythme annualisé sur les trois premiers mois de l'année. Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne une productivité stable au premier trimestre après la hausse de 1,3% annoncée initialement pour le dernier trimestre 2016, un chiffre révisé à la hausse jeudi, à 1,8%. Par rapport au premier trimestre 2016, la productivité a toutefois progressé de 1,1%, ce qui suggère une amélioration progressive de la tendance de fond. La croissance de la productivité aux Etats-Unis sur les cinq dernières années a été de 0,6% en moyenne, loin de la moyenne de long terme de 2,1% enregistrée sur la période 1947-2016. Le ralentissement de la productivité pèse sur la croissance du produit intérieur brut (PIB), qui a ralenti à 0,7% en rythme annualisé au premier trimestre, sa plus mauvaise performance depuis trois ans. Certains économistes estiment toutefois que la productivité n'est pas correctement mesurée, notamment dans le secteur des technologies de l'information. Les coûts unitaires du travail, c'est-à-dire le prix du travail par unité de production, ont augmenté de 3,0% en rythme annualisé au premier trimestre après une hausse de 1,3% au dernier trimestre 2016. Sur un an, leur hausse ressort à 2,8%.
Hausse des commandes à l'industrie Les commandes à l'industrie ont augmenté pour le quatrième mois d'affilée en mars aux Etats-Unis et les commandes d'équipements ont été plus importantes que prévu, ce qui suggère que le redressement du secteur manufacturier se confirme. Le département du Commerce a fait état jeudi d'une hausse de 0,2% des nouvelles commandes de biens manufacturés le mois dernier après une progression de 1,2% (chiffre révisé à la hausse) en février. Les économistes interrogés par Reuters anticipaient une progression de 0,4% en mars. La hausse sur un an est de 5,2%. Le secteur manufacturier, qui représente quelque 12% de l'économie américaine, retrouve des couleurs avec la hausse des cours du pétrole, alimentant la demande de machines et autres équipements. Les commandes de biens d'équipement hors défense et aéronautique, considérées comme les plus représentatives de la confiance des entreprises et des prévisions d'investissement, ont augmenté de 0,5% en mars au lieu de 0,2% initialement annoncé. Les livraisons de biens d'équipement hors défense et aéronautique, qui entrent dans le calcul de la composante de l'investissement des entreprises du produit intérieur brut (PIB), ont pour leur part augmenté de 0,5% en mars au lieu de 0,4% comme initialement estimé. Les commandes de machines ont progressé de 0,3%. Les commandes de matériel électrique, d'appareils et de composants ont avancé de 1,2% et celles de métaux de base de 0,4%. Les commandes d'équipements de transport ont progressé de 2,6%, reflétant une augmentation de 31,0% des commandes d'avions militaires. Les commandes de véhicules automobiles ont diminué de 1,7%, la plus forte baisse depuis août 2014. Les commandes d'ordinateurs et de produits électroniques ont diminué de 0,8% en mars. Les commandes en attente dans les usines ont augmenté de 0,3%, en hausse pour un deuxième mois consécutif. Les stocks dans les usines sont restés inchangés après avoir progressé pendant cinq mois consécutifs.
La croissance dans l'industrie ralentit La croissance de l'activité du secteur manufacturier aux Etats-Unis a ralenti plus fortement que prévu en avril, montrent les résultats de l'enquête mensuelle de l'Institute for Supply Management (ISM) auprès des directeurs d'achats. Son indice d'activité est ressorti à 54,8 le mois dernier après 57,2 en mars, revenant ainsi à son plus bas niveau depuis décembre même s'il reste bien au-dessus du seuil de 50 à partir duquel il rend compte d'une croissance. Les économistes interrogés par Reuters prévoyaient en moyenne un ralentissement plus modéré à 56,5. Le sous-indice des nouvelles commandes a chuté à 57,5 contre 64,5 en mars, à son plus bas niveau depuis novembre, et celui de l'emploi est retombé à 52,0 -- quatre points de moins que le consensus des économistes et à son plus bas depuis octobre -- après avoir atteint le mois précédent un pic près de six ans à 58,9. La composante des prix acquittés a décéléré à 68,5 en avril, à comparer à un consensus de 67,7, après avoir atteint en mars 70,5, un pic depuis mai 2011. Un autre indice PMI manufacturier publié lundi, celui de Markit, a été confirmé à 52,8 en version définitive contre 53,3 en mars, refluant à son plus bas niveau depuis septembre.
La consommation stagne, l'inflation ralentit La consommation aux Etats-Unis a stagné en mars pour le deuxième mois consécutif et l'inflation calculée sur une base mensuelle a reculé pour la première fois de l'année, confirmant la faiblesse de la demande au premier trimestre. Mais les dépenses de consommation ajustées de l'inflation ont augmenté de 0,3%, mettant fin à deux mois de baisse, montrent les chiffres publiés lundi par le département du Commerce. Les économistes avaient prévu en moyenne une progression de 0,2% de la consommation après prise en compte de l'inflation. Le chiffre était intégré dans les données du PIB publiées vendredi et qui comportaient une consommation des ménages en hausse de 0,3% en taux annuel au premier trimestre, soit la plus faible progression depuis le quatrième trimestre 2009. La croissance du produit intérieur brut est ressortie à 0,7%, au plus bas depuis trois ans. La hausse des dépenses en mars en données réelles laisse prévoir une accélération au deuxième trimestre, soutenue par une progression des salaires qui, selon des chiffres publiés vendredi, ont enregistré au premier trimestre leur plus forte croissance en 10 ans dans le secteur privé. Les dépenses de consommation ont été freinées par le temps clément du début d'année, qui a réduit la demande pour le chauffage et l'électricité. L'indice d'inflation PCE a diminué de 0,2% en mars, sa première baisse depuis février 2016 et la plus forte depuis janvier 2015. Sur 12 mois, il ressort en hausse de 1,8% après une augmentation de 2,1% en février. Hors alimentation et énergie, l'indice PCE dit de base a reculé de 0,1%, sa première et plus forte baisse depuis septembre 2001, après une hausse de 0,2% en février. Sur un an, il est en hausse de 1,6% à fin mars, après +1,8% un mois plus tôt, s'éloignant ainsi de l'objectif de 2% visé par la Fed. Les revenus des ménages américains ont parallèlement augmenté de 0,2% en mars après une hausse de 0,3% en février, a précisé le département du Commerce. Le revenu disponible après prise en compte de l'inflation a augmenté de 0,5%, sa plus forte hausse depuis décembre 2015, et l'épargne a atteint 849,1 milliards de dollars (776,9 milliards d'euros) contre 819,0 milliards en février.