"Triste journée", décision "funeste", "gravement erronée": les réactions à l'étranger à l'annonce par Donald Trump de la sortie des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat étaient unanimement négatives jeudi soir. Poutine se refuse à condamner Trump Le président russe Vladimir Poutine s'est refusé vendredi à condamner Donald Trump pour sa décision de quitter les accords de Paris sur le climat, appelant à un "travail en commun" avec le président américain pour arriver à un accord. "Je ne jugerais pas Obama, oh je veux dire Trump, pour la décision qu'il a prise", a déclaré M. Poutine lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg, tout en appelant à "un travail en commun" avec le président américain "faute de quoi nous ne parviendrons à aucun accord".
ONU Le porte-parole des Nations unies a évoqué une "grande déception". Le secrétaire général Antonio Guterres "fait confiance aux villes, aux Etats et aux entreprises aux Etats-Unis pour continuer - avec d'autres pays - (...) à oeuvrer en faveur d'une croissance économique durable et à faible émission de carbone qui créera emplois de qualité et marchés et assurera la prospérité au 21e siècle", a précisé le porte-parole Stéphane Dujarric.
Union européenne Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a jugé "gravement erronée" la décision du président américain. Le monde "peut continuer à compter sur l'Europe" pour diriger la lutte contre le réchauffement climatique, a réagi le commissaire européen à l'Action pour le climat, Miguel Arias Canete. "Dans la période précédant l'accord de Paris, les dirigeants de la chimie européenne ont publiquement soutenu un solide accord global sur le changement climatique et ont applaudi les efforts diplomatiques pour parvenir à un accord ambitieux et globalement contraignant. Nous nous en tenons à cette position", a affirmé l'European Chemical Industry Council.
Allemagne-France-Italie Les trois pays ont dit, dans une déclaration commune, "regretter" la sortie des Etats-Unis de l'accord-climat qui n'est, selon eux, "pas renégociable". Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont "confirmé leur engagement commun et résolu pour mettre en oeuvre l'accord de Paris" sur le climat, lors d'une conversation téléphonique, a-t-on appris auprès de la présidence française. Ils ont également manifesté leur volonté de "le défendre sur la scène internationale", a-t-on précisé de même source.
Allemagne La chancelière allemande Angela Merkel a dit "regretter" la décision du président américain. Le retrait des Etats-Unis va "nuire" au monde entier, ont estimé dans un communiqué conjoint sept membres sociaux-démocrates du gouvernement de coalition allemand, parmi lesquels les ministres des Affaires étrangères Sigmar Gabriel et de l'Economie Brigitte Zypries.
France Pour le président français Emmanuel Macron, M. Trump a "commis une faute pour l'avenir de notre planète", car "il n'y a pas de planète B". S'adressant en anglais aux Américains, M. Macron les a appelés à "rendre sa grandeur à notre planète" ("Make our planet great again"), paraphrasant le slogan de campagne de Donald Trump. "A tous les scientifiques, ingénieurs, entrepreneurs, citoyens engagés que la décision du président des Etats-Unis a déçus", le chef de l'Etat français a assuré qu'ils trouveraient "dans la France une seconde patrie". "Nous ne renégocierons pas un accord moins ambitieux, en aucun cas", a-t-il prévenu, appelant "l'ensemble des pays signataires" de l'accord de Paris "à ne rien céder". Son prédécesseur François Hollande a estimé que malgré le retrait américain, "ce qui s'est produit à Paris est irréversible". "Donald Trump a pris une décision funeste pour les Etats-Unis, mais qui n'empêchera pas le monde d'avancer dans sa lutte raisonnée et volontaire contre le réchauffement climatique", a-t-il ajouté. La maire de Paris Anne Hidalgo a décidé que l'Hôtel de ville serait éclairé en vert jeudi soir pour "marquer la désapprobation" de la capitale française.
Royaume-Uni La Première ministre britannique Theresa May a déclaré jeudi au téléphone au président américain Donald Trump que l'accord de Paris sur le climat protège "la prospérité et la sécurité des générations futures", a indiqué Downing Street. "L'accord de Paris fournit le cadre global approprié pour protéger la prospérité et la sécurité des générations futures, tout en assurant l'accessibilité de l'énergie pour nos citoyens et nos entreprises", a dit Mme May à M. Trump.
Belgique Le gouvernement belge a estimé que la décision américaine était "irresponsable" et "portait atteinte à la parole donnée".
Italie Le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni a affirmé qu'il ne fallait pas "reculer" par rapport à l'Accord de Paris.
Danemark Le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen a estimé que ce jeudi était une "triste journée pour le monde. Le Danemark est prêt à "poursuivre la bataille pour le climat pour sauver les générations futures", a-t-il dit.
Pays-Bas Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte a déclaré "regretter la décision" américaine. "Sans la participation des Etats-Unis, il sera plus difficile d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris, mais le reste du monde va continuer à appliquer cet accord", a-t-il déclaré.
Canada Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a fait part au président américain Donald Trump de "sa déception" lors d'un entretien téléphonique. M. Trudeau a "affirmé la volonté soutenue du Canada de travailler à l'échelle internationale en vue de lutter contre le changement climatique", selon une retranscription de la conversation entre les dirigeants. "Nous sommes profondément déçus que le gouvernement fédéral des Etats-Unis ait décidé de se retirer de l'Accord de Paris", a ajouté Justin Trudeau dans un communiqué.
Brésil Le Brésil a manifesté sa "profonde préoccupation et sa déception" face à la décision des Etats-Unis, par la voix de son ministre des Affaires étrangères. La chancellerie brésilienne s'est déclarée "inquiète de l'impact négatif d'une telle décision", tout en rappelant que "le combat contre le changement climatique est un processus irréversible, inarrêtable et compatible avec la croissance économique".
Argentine Le gouvernement argentin a annoncé "regretter profondément" la décision du président Trump de retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat. "Cette décision a un impact non seulement sur l'efficacité de cet accord en tant qu'instrument de réponse face à la menace mondiale du changement climatique, mais aussi sur l'esprit de solidarité et de coopération démontré par les parties à cette convention phare des Nations unies sur le changement climatique", a affirmé le ministère argentin des Affaires étrangères dans un communiqué.
Mexique Malgré la décision américaine, le Mexique continuera à "encourager la coopération internationale, sans restriction, pour que l'accord de Paris s'applique en totalité", ont déclaré les ministères mexicains des Affaires étrangères et de l'Environnement dans un communiqué commun. Le changement climatique "est un fait établi basé sur des preuves scientifiques", insiste ce texte, "et agir pour freiner ce changement climatique est un impératif moral".
Fidji Le combat contre le réchauffement climatique continuera, malgré la décision "malheureuse" des Etats-Unis. Le Premier ministre fidjien Voreqe Bainimarama, qui présidera les négociations lors de la COP 23 en Allemagne cette année, a qualifié la décision américaine de "profondément décevante". "Si la perte du leadership américain est malheureuse, le combat est loin d'être terminé", a-t-il ajouté: "En tant que président de la prochaine COP, je réaffirme que je ferai tout mon possible pour forger une grande coalition qui fera perdurer l'élan constaté depuis l'accord de Paris. Et je suis convaincu que le gouvernement américain va finalement rejoindre le combat car les preuves scientifiques de l'influence de l'homme sur le changement climatique sont maintenant bien connues".
Australie Le ministre de l'Environnement et de l'Energie australien, Josh Frydenberg, a assuré que son pays respectera ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris: "Je persiste à penser qu'il s'agit d'un accord tout à fait sensé. Même sans les Etats-Unis, 70% des émissions mondiales restent concernées par cet accord".
Nouvelle-Zélande La plupart des déclarations du président Trump sur le climat sont tout simplement inexactes, a réagi la ministre néo-zélandaise du changement climatique, Paula Bennett: "Tant de choses qu'il a dites sont fausses ! Ca ne coûtera pas plus aux Etats-Unis qu'aux autres d'être dans l'accord de Paris, et le changement climatique et ce que nous devons faire face à lui peut créer des emplois, pas en supprimer".
La presse espère que le refus de Trump servira de stimulant pour les autres signataires Plus de trente-six heures après l'annonce de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat, la colère n'est pas retombée parmi les éditorialistes français qui veulent voir dans cette décision un stimulant pour les autres signataires. "Du monde entier monte la consternation et la colère devant cette injure faite à l'avenir", écrit Arnaud de La Grange dans Le Figaro. Et l'éditorialiste de poursuivre: "L'ambition américaine paraît soudain bien rétrécie. Le non de Trump sera-t-il un salutaire coup de fouet pour l'Europe ? Saura-t-elle développer ses liens avec la Chine et l'Inde ?" Bertrand Meinnel du Courrier Picard, comme plusieurs de ses confrères, y croit : "Si la contribution des Etats-Unis aurait été précieuse, ce retrait offre aux 194 autres pays signataires un magnifique stimulant. L'occasion de montrer que prévoir l'avenir et construire un nouveau monde ne dépend pas de l'ex-première économie mondiale". La président américain "donne un électrochoc à la communauté des peuples", assure Didier Rose, des Dernières Nouvelles d'Alsace. Pour lui : "En claquant la porte si vivement, Trump offre aux opinions mondiales l'occasion de se fédérer autour de l'urgence climatique." "A quelque chose malheur est bon", rappelle Michel Bassi, de L'Eclair des Pyrénées.
"La foucade de Donald Trump peut être pour la France et l'Europe une opportunité. Elles peuvent revendiquer la place de leader dans la lutte contre le réchauffement climatique".
- 'Fédérer' - Ce refus "permet aux pays piliers de l'Europe de se retrouver sur le projet climatique", reconnaît Bernard Stéphan, de La Montagne. Et pour lui, "Trump fait ainsi un beau cadeau à l'Europe et à la Chine en leur offrant le leadership climatique mondial". "Il n'y a rien à abdiquer devant Washington", lance dans L'Union/L'Ardennais Hervé Chabaud, pour qui cette décision va "fédérer ceux qui œuvrent pour que des choix intelligents soient opérés afin de mieux préserver l'environnement". "Donald Trump incarne un danger pour la planète. En croyant défendre une Amérique recroquevillée, il la leste", affirme Alain Dusart, dans L'Est Républicain. L'Amérique "va à contresens de l'Histoire, tourne le dos à notre XXIe siècle", déplore Jean-Claude Souléry, de la Dépêche du Midi. C'est "une déclaration d'hostilité à la planète" qui "isole sa nation et, pour la première fois, rend son Amérique plus petite que celle qu'il avait reçue en héritage", s'indigne Yves Harté dans Sud-Ouest. Et en guise de conclusion, Christian Losson de Libération, rebaptisé Donald Losson, écrit une lettre datée de 2040 : "Il y a 23 ans, j'aurais dû réfléchir. Je pensais être le plus grand créateur d'emplois que Dieu ait jamais créé. J'ai été l'un des pires destructeurs de biodiversité que Dieu ait jamais créationnisé."
Un retrait américain dommageable pour la planète, et les Etats-Unis Pour Donald Trump, l'accord de Paris sur le climat permettrait d'économiser seulement 0,2°C de réchauffement, une évaluation réfutée par les experts qui insistent sur les bénéfices de ce pacte pour la planète, y compris pour les Etats-Unis .
Quelle température attendre? "Si toutes les nations appliquaient l'accord de Paris, cela réduirait seulement la température mondiale de 0,2°C d'ici 2100! Une quantité minuscule, minuscule!", a assuré jeudi le président américain, en annonçant le désengagement de son pays.
Faux! rétorquent les chercheurs Le monde se dirige vers des températures de +4°C environ en 2100 par rapport à avant la Révolution industrielle. Les promesses de réductions de gaz à effet de serre présentées à Paris par chaque pays ramènent cette hausse à quelque 3°. Soit environ 1°C en moins, selon les chercheurs -- l'idée étant de renforcer cette ambition au fil des ans. Dès jeudi, des chercheurs du Massachussetts Institute of Technology (cité comme source par la Maison Blanche) se sont empressés de souligner dans un communiqué que leurs travaux aboutissaient à 0,9°, pas 0,2. Car le moindre dixième de degré compte. A +1° aujourd'hui, le réchauffement se ressent déjà: sécheresses, inondations, perte de récifs coralliens... Quant à l'impact du départ américain, selon l'Organisation météorologique mondiale, il ferait, lui, gagner 0,3°C à la planète d'ici 2100, si aucune ville ou entreprise américaine ne compensait l'inaction fédérale (ce qui est improbable).
Quid des financements? "Le Fonds vert (de l'ONU) sur le climat coûte une fortune aux Etats-Unis", a déploré le locataire de la Maison blanche. "Nous allons devoir payer (...) potentiellement des dizaines de milliards" au Fonds vert. Pour l'ex-président de la COP21 Laurent Fabius, l'Américain a dit "n'importe quoi" en parlant d'un Fonds à 100 mds. En fait, le Fonds vert est doté de 10 mds de dollars, dont trois ont été promis par les Etats-Unis - qui n'en ont finalement versé qu'un seul. Reste que la question du financement de l'action climatique est la préoccupation majeure de nombreux experts après ce retrait américain, car les engagements financiers sont un élément clé de l'accord de Paris en permettant aux pays du Sud de se développer avec des énergies propres. A Paris, les pays du Nord leur ont promis 100 mds annuels à partir de 2020 via différents canaux. "Le problème du financement sera très compliqué à régler. Il faudra compenser", a dit M. Fabius. En attendant, la Chine creuse son sillon, et son influence, en contribuant de plus en plus aux financements climat Sud-Sud. Quant au soutien de la diplomatie du climat, les Etats-Unis finançaient à hauteur de 4 M USD (23%) le secrétariat de la Convention climat. Jeudi, la Fondation Bloomberg Philanthropies a proposé d'apporter 15 M.
Effet domino ou électrochoc ? Avec ce retrait, il faut aussi "craindre un effet boule de neige, au moment où il faudrait relever l'ambition", s'alarme, comme beaucoup d'autres, le climatologue Jean Jouzel, qui pense notamment à la Russie. "Cette annonce risque de marquer un coup d'arrêt. Or chaque année compte". Car pour rester sous la limite de 2°C fixée à Paris, il faudrait laisser dans le sol 80% des réserves d'énergie fossile (charbon, gaz, pétrole). Au rythme actuel de la consommation mondiale, il faudrait arrêter dans 20 ans cette exploitation. "Bientôt il faudra réduire les émissions globales de 5% par an", poursuit M. Jouzel. On en est loin. Depuis trois ans, les émissions de GES dues aux énergies fossiles stagnent, mais surtout grâce à la Chine (faussement accusée jeudi par Donald Trump de bénéficier d'une différence de traitement dans l'accord de Paris). En revanche, les émissions de l'Inde croissent, et d'autres pays émergents pourraient suivre. Pour autant, les défenseurs du climat veulent croire, au terme de cette semaine, que le monde va "se serrer les coudes", que cette crise sera "utile et mobilisatrice". "L'accord de Paris est né du multilatéralisme, de l'envie de trouver une solution de coopération à un problème mondial," a commenté l'ex-secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, pour qui "aucun pays seul ne peut le démanteler".
Les Etats-Unis isolés, l'UE et la Chine promettent de coopérer Les Etats-Unis désormais isolés sur la scène internationale après leur retrait de l'accord de Paris sur le climat, l'UE et la Chine se sont affichées comme les nouveaux porteurs de flambeau de la diplomatie climatique. Les réactions ont fusé des quatre coins de la planète - dans la sphère politique mais aussi économique - entre stupeur, colère et effarement, mais aussi détermination à poursuivre l'effort collectif promis à Paris. Coïncidence des agendas, le sommet annuel UE-Chine organisé vendredi à Bruxelles a offert une tribune aux deux partenaires pour clamer haut et fort leur engagement commun. "Aujourd'hui, nous accroissons notre coopération sur le changement climatique avec la Chine", a assuré le président du Conseil européen à l'issue de la rencontre. Toutefois, une déclaration conjointe, attendue, n'a pu être été signée en raison d'un désaccord sur le contentieux commercial, a confirmé une source européenne. "Il n'y a pas de problème ni avec le climat ni avec l'accord de Paris", a insisté cette source. Dès le début de la journée, le patron de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait dessiné les contours du nouveau moteur dans la lutte contre le changement climatique. "Notre partenariat (avec la Chine) aujourd'hui est plus important que jamais", a assuré M. Juncker. Et la lutte contre le changement climatique, "plus importante aujourd'hui qu'hier", a avancé le chef de l'exécutif européen en guise d'introduction. La Chine, plus discrète que l'UE sur le sujet vendredi à Bruxelles, s'est tout de même dite prête à "chérir le résultat chèrement gagné" à Paris. Aux côtés de Pékin, l'engagement des Etats-Unis de Barack Obama avait largement participé à la réussite de l'accord de Paris, signé en décembre 2015 par plus de 190 pays et qui vise à contenir la hausse de la température moyenne mondiale "bien en deçà" de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Le retrait américain de cet accord pourrait, "dans le pire des scénarios", se traduire par une augmentation supplémentaire de 0,3 degré de la température du globe au cours du 21ème siècle, a estimé l'ONU. Dans le concert de condamnations, peu de voix discordantes se sont fait entendre. Parmi elles, le président russe Vladimir Poutine s'est refusé à "condamner" son homologue américain, plaidant pour un "travail en commun" avec les Etats-Unis. Dans un long discours, Donald Trump avait affirmé jeudi que "l'heure (était) venue" pour son pays de quitter l'accord de Paris, tout en souhaitant pouvoir négocier un accord, ou renégocier l'actuel, et sans préciser quels engagements les Etats-Unis seraient prêts à prendre. "Je ne pense pas que nous allons modifier nos efforts pour réduire (nos propres) émissions de gaz à effet de serre à l'avenir", a tenté de rassurer vendredi le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson.
Plus déterminés que jamais Peu avare de critique envers les Etats-Unis ces derniers jours, la chancelière allemande Angela Merkel a affirmé être "plus déterminée que jamais" à agir pour le climat après la claque infligée par Donald Trump. La réponse des Européens a été immédiate et tranchante: s'ils "regrettent" cette décision, Berlin, Paris et Rome ont souligné, dans un communiqué commun, que l'accord ne pouvait en aucun cas être renégocié. Un traité international "engage un pays, pas un parti" politique, a vertement réagi Miguel Arias Canete, commissaire européen à l'Action pour le climat et négociateur à Paris. Selon lui, les Etats-Unis n'ont pas tiré les leçons de Kyoto, précédent accord sur le climat auquel ils n'avaient pas participé. Donald Tusk a qualifié la décision de Trump d'erreur encore "plus grosse" que celle de ne pas ratifier le protocole de Kyoto. Les Nations Unies, qui chapeautent l'accord, ont fait part de leur "grande déception". "On ne peut pas arrêter l'action concernant le climat", pas plus que le changement climatique est indéniable, a noté le secrétaire général des Nations-Unies Antonio Gutteres. En opposition au président américain qui affiche sa volonté de soutenir les énergies fossiles au nom de la défense de l'emploi, les Européens, mais aussi le Brésil ou la Nouvelle-Zélande, ont réitéré que la transition énergétique est un facteur de croissance. L'Inde, dans le top cinq des principaux pollueurs, a appelé au respect de l'accord de Paris.
Revers pour le leadership américain La décision de jeudi va au-delà de la question climatique. Elle donne une indication sur le rôle que les Etats-Unis sous la direction de Donald Trump entendent jouer sur la scène internationale dans les années à venir. Aux Etats-Unis, de nombreuses figures du monde économique ont fait part de leur déception, et ont insisté sur l'urgence d'agir face au réchauffement. Elon Musk, par exemple, le très médiatique PDG du constructeur de voitures électriques Tesla et ardent défenseur des énergies renouvelables, a immédiatement quitté un poste de conseiller de Donald Trump. De New York à la Californie, plusieurs dizaines de villes et d'Etats américains ont immédiatement organisé la résistance, promettant qu'au niveau local l'Amérique continuerait d'avancer vers une économie verte. Barack Obama a amèrement regretté l'arbitrage de son successeur, mais gardait espoir que "nos Etats, villes et entreprises seront à la hauteur et en feront encore plus pour protéger notre planète pour les générations futures". L'objectif des Etats-Unis, fixé par l'administration Obama, était une réduction de 26% à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005. La procédure de retrait, prévue par l'article 28 de l'accord de Paris, devrait reporter le retrait effectif en 2020. Cependant, a pris soin de préciser M. Trump, les Etats-Unis cessent "dès aujourd'hui" son application. Au-delà de la secousse que représente cette annonce, l'inquiétude est réelle concernant les financements, tant pour la Convention climat de l'ONU (23% du budget apportés par les Américains) et l'aide internationale aux pays les plus pauvres, à l'instar du Fonds vert.
La Californie prête à remplacer le "déserteur" Trump sur le climat La Californie a la ferme intention de combler le vide laissé par la Maison Blanche dans la lutte contre le changement climatique, a assuré le gouverneur de l'Etat, Jerry Brown, qui s'est rendu vendredi en Chine pour une visite centrée sur l'environnement. Dès le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat connu, le gouverneur Brown a condamné cette décision du président Donald Trump et s'est engagé à continuer à promouvoir des politiques climatiques ambitieuses. "Donald Trump a absolument choisi la mauvaise voie. Il a tort sur les faits (...) Il a tort sur la réalité scientifique", a dit Jerry Brown avant d'embarquer pour un voyage d'une semaine en Chine. "La Californie résistera à cette décision erronée et insensée", a ajouté cet homme politique de 79 ans, défenseur de longue date de l'environnement. "Trump a déserté, mais la Californie est sur le terrain, prête au combat".
Les experts estiment que la Californie, qui représente l'équivalent de la sixième économie mondiale, est bien placée pour prendre le relais sur la scène internationale en raison de ses politiques agressives sur le climat.
Phare du bon sens "La Californie a déjà un bilan remarquable de pionnier sur le changement climatique, en particulier sur les réglementations liées au changement climatique, et elle a l'objectif le plus ambitieux en matière de climat aux Etats-Unis", juge Cara Horowitz, co-directrice de l'Institut Emmet sur le changement climatique et l'environnement à l'université UCLA. La Californie "a d'une certaine manière servi de phare du bon sens pour les Etats-Unis et à travers le monde sur la politique climatique", ajoute-t-elle. Cet Etat, dont la qualité de l'air compte parmi les pires des Etats-Unis, a considérablement réduit ses émissions de gaz à effet de serre au cours de la décennie écoulée. Les autorités californiennes se sont engagées à réduire leurs émissions à leurs niveaux de 1990 d'ici 2020, et à 40% de moins que les niveaux de 1990 d'ici 2030. La Californie a également décrété ses propres normes d'émissions pour les véhicules, adoptées par plus d'une douzaine d'autres Etats et qui vont au-delà des normes fédérales. En outre, la Californie a ouvert la voie à la promotion de l'énergie solaire et des voitures électriques et possède la plus grande flotte de véhicules sans émissions du pays. "A certains égards, la Californie a mené le mouvement (...) et le gouverneur, par la force de la volonté et de la passion, continuera d'accélérer ce travail", assure Evan Gillespie, directeur adjoint du Sierra Club, où il supervise un programme d'énergie propre. "Je pense que le gouvernement à Washington n'a fait que renforcer le public et les élus (californiens) dans leur volonté de faire encore plus".
Pas de retour en arrière Les problèmes de qualité de l'air en Californie et sa réputation de pionnier vert font qu'il n'y a pas de retour en arrière possible pour cet Etat, disent les experts. Les politiques environnementales sont déjà "imbriquées dans notre économie", explique Evan Gillespie. "Le coût (d'un retour en arrière) est trop élevé non seulement du point de vue du climat, mais aussi d'un point de vue économique". Malgré l'aspect dramatique de la décision de Donald Trump de se retirer de l'accord de Paris et la volonté de son administration de saper les politiques d'énergies propres, les experts estiment que les Etats et les villes prendront toujours leurs propres décisions sur toute une série de sujets, y compris le climat, et la Californie est un exemple particulièrement flagrant. "Le monde va maintenant regarder la Californie, la Chine, l'Union européenne et d'autres qui sont prêts à prendre le relais pour mener le mouvement", note Cara Horowitz. "La Californie est certainement à l'avant-garde de la politique climatique des Etats-Unis et il y a une énorme volonté politique pour que cela continue", conclut-elle.
Patrons, élus, associations: la bataille du climat est lancée Des dizaines d'élus, de puissants chefs d'entreprise comme Michael Bloomberg et d'influents membres de la société civile se mettaient vendredi en ordre de bataille pour lutter contre le changement climatique, bien décidés à contrecarrer les effets du retrait de l'accord de Paris annoncé par Donald Trump.
Beaucoup d'entre eux se préparaient à cette décision depuis des semaines, à commencer par l'ex-maire de New York et philantrope Michael Bloomberg qui a fait du changement climatique l'une de ses causes célèbres. Dans un tweet, le milliardaire, 10e fortune mondiale selon Forbes et envoyé spécial de l'ONU pour les villes et les changements climatiques, a annoncé que sa fondation, Bloomberg Philanthropies, allait fournir au bureau de l'ONU chargé du climat les 15 millions de dollarsé, équivalents à la contribution que devaient apporter les Etats-Unis. Lui qui assurait dès mars à l'ex-président français François Hollande que villes, entreprises et Etats américains tiendraient quoiqu'il arrive leurs engagements vis-à-vis de l'accord de Paris, a aussi annoncé la préparation d'un plan alternatif inédit: 30 maires, trois gouverneurs, plus de 80 présidents d'université et 100 entreprises sont déjà prêts selon lui à s'associer et s'engager ensemble auprès des Nations Unies, au même titre que les pays signataires de l'accord, à tenir les engagements américains de réduction des gaz à effet de serre.
'Nous allons de l'avant' "Les Américains n'abandonnent pas l'accord de Paris. Au contraire, nous allons de l'avant", a déclaré le milliardaire de 75 ans. "Les Américains honoreront l'accord de Paris en partant de la base, et Washington ne pourra rien faire pour nous en empêcher", a-t-il ajouté. On ignore encore dans quelle mesure les Nations Unies pourraient accepter de tels engagements de la part d'un non-Etat, mais l'initiative montre bien la détermination des intéressés. Et la nouvelle bataille qui s'annonce pour l'administration Trump, après le combat qui a mobilisé de nombreux élus, patrons et société civile contre le décret migratoire visant des pays à majorité musulmane, bloqué par la justice. Les noms de tous les participants au plan alternatif annoncé par Bloomberg n'ont pas encore été divulgués. Les trois gouverneurs devraient être ceux des puissants Etats de New York, Californie, et Washington. Les trois démocrates, Andrew Cuomo, Jerry Brown et Jay Inslee, qui représentent un cinquième de la population et du PIB américains, avaient annoncé dès jeudi "une alliance" pour tenir les engagements américains face au réchauffement. D'autres Etats pourraient les rejoindre, d'autant qu'une trentaine - y compris des Etats dirigés par des républiains - ont déjà adopté des normes pour forcer les compagnies d'électricité à augmenter la part d'énergies renouvelables dans la prochaine décennie. De l'Alaska, aux premières loges face au réchauffement avec sa façade sur l'Océan arctique, à la Virginie en passant par le Colorado, nombreux sont les gouverneurs qui ont fait vœu dès jeudi de poursuivre leurs efforts de réduction des émissions. Quant aux maires déjà partants pour rejoindre l'initiative Bloomberg, leurs rangs pourraient grossir eux aussi. Quelque 83 maires, représentant 40 millions d'Américains, se sont déjà engagés à honorer l'accord de Paris et à "intensifier leurs eforts" pour atteindre les engagements pris. Ils incluent les plus grandes métropoles, New York, Los AngelesChicago, Houston ou Atlanta. Et des villes plus petites comme Pittsburgh, en Pennsylvanie - dont le maire avait fait acte de résistance dès jeudi après que Trump l'eut invoqué pour justifier le retrait - ou Salt Lake City, dans l'Utah. "Salt Lake City se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, et cela affecte déjà nos ressources en eau, la qualité de l'air ou notre industrie du ski d'une valeur de 1 milliard de dollars", a expliqué la maire démocrate de la ville, Jackie Biskupski. Les nombreuses associations dévouées à la lutte pour le climat devraient aussi se mobiliser. Elles avaient déjà réussi à faire sortir dans les rues des dizaines de milliers de personnes fin avril, lors d'une "Marche pour le climat" organisée dans plusieurs villes américaines. Dans la bataille qui s'engage, les défenseurs du climat ne peuvent pas, contrairement aux défenseurs des réfugiés et immigrés, s'appuyer sur la Constitution américaine. Mais ils ont avec eux de puissantes entreprises, comme Coca-Cola et le conglomérat industriel General Electric, des géants pétroliers comme Chevron ou ExxonMobil, ou de grandes groupes financiers et informatiques. Le siège de BNP Paribas à New York organisait ainsi récemment une semaine de sensibilisation de ses employés au climat, avec présentations de scientifiques et loterie à la clé: le vainqueur a remporté un voyage avec une équipe de chercheurs pour étudier la diminution du permafrost au Canada.