L'opposition vénézuélienne organise aujourd'hui une consultation populaire sur le projet du président Nicolas Maduro de changer la Constitution. A quoi peut servir ce vote purement symbolique ? Que cherche l'opposition? Le référendum est présenté comme un acte de "désobéissance civile" contre le chef de l'Etat par la coalition des antichavistes (du nom d'Hugo Chavez, président de 1999 à sa mort en 2013), réunis au sein de la Table de l'unité démocratique (MUD). Non reconnu par les autorités, ce vote cherche à matérialiser le rejet par les Vénézuéliens de l'assemblée constituante, explique l'opposition. Près de 70% de la population est opposée à ce projet et 80% des Vénézuéliens dénoncent la gestion de M. Maduro, selon la société de sondages Datanalisis. Une forte affluence lors de la consultation, doublée d'une faible participation pour le vote du 30 juillet lors duquel seront désignés les 545 membres de l'Assemblée constituante, nuirait à la "viabilité" et à la "gouvernabilité" de cette instance, juge l'analyste Benigno Alarcon. "Le gouvernement va se retrouver dans une situation très compliquée pour continuer avec l'élection" de l'assemblée constituante fin juillet, et dans tous les cas il lui sera "très difficile de mettre en oeuvre des décisions dans ce contexte", ajoute-t-il. Lors des législatives de fin 2015, les antichavistes se sont largement imposés avec 2,1 millions de voix d'avance sur le camp présidentiel. Devenus majoritaires au Parlement, ils ont mis fin à 17 ans d'hégémonie chaviste.
La consultation interrompra-t-elle la Constituante? Le gouvernement déclare que cette future assemblée sera un "superpouvoir" qui aura la capacité de dissoudre le Parlement, qu'elle apportera la paix et permettra au pays de se redresser économiquement. Les analystes estiment que Nicolas Maduro pourrait l'utiliser pour "gouverner sans limites", devant son incapacité de remporter des élections classiques et alors que l'opposition a refusé de présenter des candidats. La consultation "est symboliquement importante, mais il sera très difficile (pour les antichavistes) d'atteindre leur objectif qui est d'interrompre la Constituante" en cas de succès, juge Michael Shifter, président du cercle de réflexion Dialogue interaméricain, installé à Washington. "Le Parlement peut avoir raison et être légitime, mais le pouvoir réel est concentré du côté de l'exécutif, en incluant les cours (de justice) et les forces armées", a-t-il ajouté. Pour bloquer le processus de la future assemblée, un rejet du haut commandement militaire serait nécessaire. Or l'armée, acteur incontournable du jeu politique national, a exprimé à plusieurs reprises sa "loyauté inconditionnelle" au président Maduro, par ailleurs très impopulaire dans ce pays en profonde crise politique et économique. "Sans cela, la Constituante va poursuivre son chemin, elle sera élue, quelle que soit la participation", pronostique le politologue Luis Salamanca. "Cela va rassembler à deux bus qui foncent l'un contre l'autre et les passagers vont essayer de convaincre le chauffeur (de changer de direction) ou de lui retirer le volant, pour ne pas se rentrer dedans", a-t-il expliqué.
Et après? Projet d'amendement à la Constitution pour écourter le mandat présidentiel, référendum révocatoire, dialogue avec le gouvernement, vague de manifestations: depuis sa prise de contrôle du Parlement fin 1995, l'opposition a plusieurs fois tenté de faire pousser vers la sortie le chef de l'Etat. Le mandat de Nicolas Maduro court jusqu'à janvier 2019, mais l'opposition craint que la Constituante ne change le système électoral pour permettre au chavisme de rester au pouvoir. C'est pour cela qu'elle assure que la consultation populaire de dimanche sera le début de son "offensive finale". Si la MUD n'a pas précisé en quoi consisterait cette nouvelle étape, les experts anticipent une hausse des violences ou une grève générale dans les prochaines semaines, avant l'élection du 30 juillet. Si la Constituante débute ses travaux malgré tout, "personne ne va la reconnaître et elle va devoir miser sur l'armée pour imposer ses décisions", prévient M. Alarcon.