Après des semaines de profonds blocages institutionnels, l'opposition vénézuélienne a fait le pari de la rue en lançant mardi un vaste mouvement de pression populaire pour tenter de faire partir le président socialiste Nicolas Maduro. Dans un contexte social explosif, mêlant crise politique, économique et pénuries, l'opposition désormais majoritaire au parlement a annoncé deux procédures légales pour tenter d'écourter le mandat du président mais qui ont a priori peu de chances d'aboutir. Elles requièrent le feu vert d'organismes réputés proches du gouvernement, le Tribunal suprême de justice (TSJ) et le Conseil national électoral (CNE), soulignent les analystes. Mais la coalition d'opposition de la Table de l'unité démocratique (MUD), qui a remporté les élections législatives de décembre, compte sur la rue pour la soutenir et faire pression. Premièrement, elle a annoncé le lancement d'un processus pour organiser un référendum afin de révoquer le président. Conformément à la loi vénézuélienne, un référendum révocatoire peut être convoqué à partir de la moité du mandat du président en exercice. Nicolas Maduro, élu en 2013 pour six ans, sera à mi-mandat le 19 avril. Pour y parvenir, une pétition signée par 20% des électeurs, soit 3,9 millions de personnes, en moins de trois jours est nécessaire. En parallèle, l'opposition va aussi tenter d'amender la Constitution pour réduire de six à quatre ans le mandat de Nicolas Maduro, qui court jusqu'en 2019, et réussir à (organiser) des élections cette année, a déclaré le secrétaire de la MUD Jesus Chuo Torrealba lors d'une conférence de presse. Cette réforme de la Constitution doit être approuvée par les deux tiers des députés, avant d'être validée par un référendum. Tous les chemins de l'opposition seront difficiles et bloqués par le chavisme (du nom du défunt président Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013, NDLR) dont est issu Nicolas Maduro. La clef, c'est que l'opposition ait une stratégie et des objectifs bien définis, a estimé l'analyste Luis Vicente de Leon.
'Activer tous les mécanismes' Le Venezuela est le théâtre d'une féroce bataille politique et institutionnelle depuis la victoire de l'opposition aux législatives, une première depuis 1999. Début mars, le TSJ, la plus haute autorité judiciaire du pays, a limité fortement les pouvoirs du Parlement, conduisant l'opposition à demander la médiation de la communauté internationale. Les parlementaires ne peuvent désormais contrôler que l'exécutif, et ont perdu notamment leur droit de regard sur le pouvoir judiciaire et électoral, poussant certains analystes à évoquer un coup d'Etat. Afin de renforcer sa stratégie, l'opposition antichaviste a pris la décision unanime de convoquer le peuple du Venezuela à former le mouvement de pression populaire le plus important qui ait jamais existé afin d'activer tous les mécanismes de changement, a ajouté Torrealba. La MUD a donc appelé à partir de samedi à une vaste mobilisation populaire et pacifique afin d'obtenir la démission du président Maduro. Le gouvernement a changé les règles du jeu et a accru le désastre économique (...) Cela n'est plus supportable, nous sommes des victimes de la pire crise de l'histoire du pays, plus rien ne fonctionne, a déclaré le secrétaire de la coalition antichaviste. En face, le chef de file des députés chavistes, Hector Rodriguez, a affirmé mardi dans un entretien que le gouvernement ferait face aux batailles lancées par une opposition aveugle, écartant toute démission de Nicolas Maduro. La tension est a son comble dans ce pays qui a été le théâtre de violentes manifestations en 2014, faisant officiellement 43 morts et où, chaque jour, des milliers de Vénézuéliens font la queue pendant des heures devant les supermarchés, pour acheter de la farine, du riz ou du café. Côté économique, tous les voyants sont au rouge. La Banque centrale du Venezuela a dévoilé mi-février des chiffres catastrophiques pour 2015: le pays a enregistré une inflation de 180,9%, l'une des plus élevées au monde, et un recul du PIB de 5,7%, pour la deuxième année consécutive. Ce pays d'Amérique du Sud, autrefois riche producteur pétrolier grâce à ses réserves les plus importantes au monde, est plongé dans une grave crise avec la chute des cours du brut, qui apporte 96% de ses devises.