La Réserve fédérale américaine a maintenu mercredi son principal taux directeur inchangé et a répété sa prévision d'une nouvelle hausse de taux d'ici la fin de l'année aux Etats-Unis, ce dont les investisseurs doutaient en raison d'une inflation toujours éloignée de l'objectif de 2% de la Fed. Cette dernière a aussi annoncé qu'elle allait commencer en octobre à réduire la taille de son bilan, pour 10 milliards de dollars (8,4 milliards d'euros) par mois dans un premier temps, en ne réinvestissant pas une partie des titres arrivés à maturité. Les nouvelles projections économiques publiées après la réunion de deux jours du comité de politique monétaire de la Fed montrent que 11 des 16 participants jugent que le niveau "approprié" des "fed funds", le principal taux directeur de la banque centrale américaine, sera dans une fourchette de 1,25% à 1,50% d'ici la fin de l'année. Il se situe actuellement dans une fourchette de 1,00% à 1,25%. Ces différentes annonces ont entraîné un raffermissement du dollar et une hausse des rendements des emprunts du Trésor américain. Les marchés actions se sont dans un premier temps repliés avant de revenir à leurs niveaux antérieurs, voire au-dessus. "La Fed a fait du bon travail pour préparer le terrain sur ce qu'elle allait faire et elle a fait ce qui était prévu, donc je ne suis pas sûr que la réaction des marchés soit très marquée", a commenté Michael Arone, responsable de la stratégie d'investissement chez State Street Global Advisors. La probabilité d'une hausse de taux à l'issue de la réunion des 12-13 décembre est ainsi passée, au vu des anticipations des investisseurs, de 52% avant les annonces de la Fed à 72% juste après, selon le baromètre FedWatch de CME. Dans le communiqué publié à l'issue de la réunion de son comité de politique monétaire, la Fed a évoqué la robustesse du marché du travail, la croissance des investissements et un développement de l'activité modéré mais pérenne cette année aux Etats-Unis. Elle a en outre jugé que les risques à court terme sur les perspectives économiques restaient "à peu près équilibrés" et que l'évolution de l'inflation était suivie "attentivement".
La réduction du bilan "progressive et prévisible" S'exprimant ensuite au cours d'une conférence de presse, Janet Yellen a déclaré que la faiblesse de l'inflation cette année restait un mystère. Elle a ajouté que les responsables de la Fed étaient prêts à modifier leurs anticipations de taux si nécessaire. "Ce que nous devons déterminer, c'est si les facteurs qui ont affaibli l'inflation sont susceptibles de s'avérer persistants", a dit la présidente de la Fed. Si tel est le cas, "cela nécessiterait une modification de la politique monétaire", a-t-elle ajouté. Les anticipations de hausses de taux des responsables de la Fed restent en grande partie inchangées pour 2018, avec trois relèvements prévus dans l'ensemble. La Fed a en revanche ralenti le rythme anticipé de son resserrement monétaire pour la suite avec deux hausses de taux en 2019 et une seule en 2020. Elle a aussi une nouvelle fois abaissé son estimation du taux d'intérêt neutre à long terme, ramené de 3,00% à 2,75%, ce qui reflète des doutes sur le dynamisme global de l'activité. Concernant la réduction de la taille de son bilan, qui a atteint environ 4.200 milliards de dollars en raison de la politique de rachats d'actifs conduite après la crise financière de 2007-2009, la Fed va dans un premier temps réduire de 10 milliards de dollars le montant mensuel de ses réinvestissements de titres arrivés à maturité. Cette réduction va être amplifiée de 10 milliards de dollars tous les trois mois jusqu'à atteindre un plafond de 50 milliards, jusqu'à ce que le bilan ait été dégonflé de 1.000 milliards de dollars ou plus dans les années à venir. Janet Yellen a souligné qu'il faudrait une "dégradation importante" de la performance économique des Etats-Unis pour que la Fed revienne sur ce programme qui sera, selon elle, mis en oeuvre de manière "progressive et prévisible".
Yellen marque des points avant la fin de son mandat Dès ses premiers jours à la tête de la Réserve fédérale, Janet Yellen a essuyé des critiques du Parti républicain pour qui la politique monétaire ultra-accommodante mise en œuvre par son prédécesseur menaçait de conduire le pays à la ruine. A un peu moins de quatre mois de la fin de son mandat, l'incertitude demeure sur sa reconduction ou non - la décision en revient au président Donald Trump - mais elle a indéniablement marqué des points. La banque centrale américaine a relevé ses taux plus rapidement que ce que les marchés anticipaient et, mercredi, elle a annoncé qu'elle commencerait en octobre à réduire son imposant bilan. Dans l'intervalle, les Etats-Unis ont retrouvé le plein emploi et l'inflation reste sage. Ses détracteurs comme les intervenants des marchés financiers voient monter la cote de sa présidente. "Je suis content de voir qu'on y est enfin arrivé, cela faisait longtemps que je demandais cela à la Fed, en public et en privé. On verra si c'est vraiment la fin d'une époque", a déclaré Bill Huizenga, un ténor républicain de la commission des services financiers de la Chambre des Représentants qui prône un plus grand encadrement de la politique monétaire. Janet Yellen s'y oppose, estimant que les options de politique monétaire de la Fed s'en trouveraient réduites. Interrogé par Reuters, Bill Huizenga a dit "bien aimer" la patronne de la Fed mais a ajouté espérer que la Maison blanche "examine en détail son bilan", une façon de marquer son désaccord avec sa reconduction pour un deuxième mandat. Le mandat de quatre ans de Janet Yellen, première femme à diriger la banque centrale américaine, expire début février.
Les paris vont bon train Après avoir vertement critiqué Yellen pendant sa campagne électorale, Trump a modéré son propos et laissé filtré peu d'indices sur la décision qu'il aura à prendre. "Je respecte beaucoup la présidente Yellen. Je l'aime bien et je la respecte mais je n'ai pas encore pris ma décision. Je crois que le pays va bien", s'est borné à dire le président la semaine dernière devant la presse. Sur Predictit.org, un site de pronostics financiers, la cote de l'ancien gouverneur de la Fed Kevin Warsh a aussi monté. Les traders paient actuellement 30 cents pour des contrats qui leur assureraient un gain d'un dollar si Yellen est reconduite. Le choix de Warsh rapporterait 30 cents. L'ancien banquier de Wall Street, gouverneur à la Fed entre 2006 et 2011, a pour lui d'avoir critiqué le programme de rachats d'actifs lancé par Ben Bernanke, le prédécesseur de Yellen, en mettant en avant le risque d'un dérapage inflationniste. Ce reproche a été maintes fois repris par le camp conservateur mais la menace ne s'est jamais matérialisée, et Yellen a réussi à stopper sans heurts la politique dite d'assouplissement quantitatif. Un temps pressenti, Gary Cohn, l'ancien président de Goldman Sachs devenu le principal conseiller économique de Donald Trump, a vu son étoile pâlir depuis qu'il a critiqué la réponse de son mentor aux récentes violences de Charlottesville, en Virginie. De 48 cents au milieu de l'été, sa cote sur Predictit.org est tombée à 15. Favori de nombreux républicains, John Taylor, professeur d'économie à l'Université de Stanford, ne vaut pas plus que deux cents sur Predictit.org, autant que l'économiste Glenn Hubbard de la Columbia Business School. "De manière générale, je pense qu'un faucon est préférable à ce poste plutôt qu'une colombe", a déclaré Huizenga qui, tout en disant ne pas avoir été consulté par la Maison blanche ni avoir suggéré des noms, a ajouté : "Je serais très à l'aise avec John Taylor." Le point faible de Yellen pourrait être son soutien affiché à la régulation bancaire mise en place après la crise financière et que les républicains entendent assouplir, voire abrogé. Avec le vice-président de la Fed Stanley Fischer qui a annoncé sa démission pour la mi-octobre, "ce n'est pas une mais deux nominations auxquelles la Maison blanche devra procéder", souligne Michael Gapen, chef économiste de Barclays pour les Etats-Unis qui ne croit pas à un deuxième mandat pour Yellen. "Peut-être qu'un ticket avec Warsh comme président et Hubbard comme vice-président aurait une bonne chance", spécule-t-il. "Mais si on veut quelqu'un qui continue de normaliser en douceur la politique monétaire, elle (Yellen) sera à considérer."