Le pétrole a terminé en nette hausse vendredi, porté par des propos rassurants du ministère saoudien de l'Energie sur l'éventuelle extension de l'accord engageant l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) à limiter sa production. Le baril de light sweet crude (WTI) pour livraison en décembre, référence américaine du brut, a pris 1,41 dollar, ou 2,56%, pour clôturer à 56,55 dollars sur le New York Mercantile Exchange. Sur la semaine, le baril a perdu 0,35%. Sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en janvier s'est apprécié de 1,36 dollar ou 2,21% pour finir à 62,72 dollars. Il a cédé 1,26% sur la semaine. Moroses au cours des séances précédentes, les cours de l'or noir ont repris des couleurs vendredi après des propos du ministre saoudien de l'Energie, Khaled al-Faleh, rapportés par l'agence Bloomberg. "Nous devons admettre que nous n'aurons pas atteint notre objectif fin mars", quand l'accord de limitation de la production arrivera à son terme, a expliqué le ministre à Bonn, en Allemagne, en marge de la conférence climat de l'ONU. Cet accord vise à restreindre l'offre mondiale d'or noir pour épuiser les réserves surabondantes et faire remonter les prix du pétrole. Déjà renouvelé une fois, il lie jusqu'à fin mars l'Opep à d'autres producteurs, dont la Russie. Mais l'Arabie saoudite a d'ores et déjà affirmé sa volonté de renouveler l'accord jusqu'à fin 2018 lors de la prochaine réunion de l'Opep et de ses partenaires, le 30 novembre à Vienne. "L'Opep et ses partenaires ont à plusieurs reprises indiqué leur souhait de voir cet accord prolongé mais de légers doutes sont apparus jeudi", a souligné Andrew Lebow, de Commodity Research Group. Les propos du ministre saoudien "ont réconforté le marché". "La question maintenant est surtout de savoir combien de temps ils vont le prolonger", a-t-il ajouté. Le ministre saoudien a notamment affirmé compter sur le soutien de la Russie, se disant "totalement convaincu" que Moscou serait "à 100%" derrière la décision qui serait prise. Les doutes sur l'extension de l'accord étaient apparus "après des remarques de la part de compagnies pétrolières russes", a indiqué Phil Flynn, de Price Futures Group. Ces entreprises "cherchent désespérément à augmenter leur production pour essayer d'engranger le plus possible d'argent maintenant, au moment où les prix sont au plus haut depuis deux ans et demi", a-t-il souligné. "Mais le président russe, Vladimir Poutine, ne va pas se laisser convaincre car il regarde la situation dans son ensemble et comprend le pouvoir politique qui accompagne des prix du pétrole plus élevés", a-t-il avancé. Le récent accès de faiblesse du dollar joue aussi un rôle dans le rebond des cours du brut selon M. Flynn. Un billet vert moins cher rend en effet plus attractif les achats de brut, libellé en dollar, pour les investisseurs munis d'autres devises.
Les cours divergent en Asie Les cours du pétrole divergeaient vendredi en Asie dans un marché qui se demande si la forte production américaine ne va pas réduire à néant les efforts de l'Opep pour rééquilibrer le marché. Vers 03H50 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en décembre, gagnait 17 cents à 55,31 dollars, dans les échanges électroniques en Asie. Le baril de Brent, référence européenne, pour livraison en janvier, cédait 15 cents, à 61,21 dollars. Les cours avaient connu ces derniers temps des plus hauts de deux ans grâce aux espoirs de voir l'Opep et d'autres pays producteurs prolonger leur accord de limitation de la production au-delà de mars 2018, et à cause des tensions entre l'Arabie saoudite et l'Iran. Mais l'élan s'est quelque peu brisé lorsque les investisseurs ont réalisé que les fondamentaux -- faiblesse de la demande et surabondance de l'offre -- étaient toujours à l'œuvre, selon les analystes. "Une correction technique était attendue depuis un moment après le net rebond très rapide" enregistré par les cours, a déclaré Jeffrey Halley, analyste chez OANDA. Il a jugé que le Brent pourrait repasser sous la barre des 60 dollars et le WTI flirter avec les 54,5 dollars. "Les investisseurs s'inquiètent de voir la production américaine augmenter à rebours des efforts de l'Opep pour resserrer le marché", a déclaré Oriano Lizza, analyste chez CMC Markets à Singapour. "La production de brut américain atteint 9,65 millions de barils par jour, un record, ce qui signifie qu'elle a augmenté de 15% depuis la mi-2016". Les marchés attendent désormais la publication du décompte du nombre de plateformes en activité aux Etats-Unis.
L'Opep prévoit une production américaine vigoureuse La production de pétrole aux Etats-Unis va fortement progresser ces prochaines années, prévoit l'Opep, qui a décidé de prolonger l'accord de limitation de sa production afin de soutenir les cours. L'offre mondiale d'hydrocarbures liquides (pétrole, gaz naturel liquéfié...) devrait grimper de 96,5 millions de barils par jour (mbj) cette année à 101,1 en 2020 puis atteindre 111,3 mbj en 2040, prévoit l'organisation des pays exportateurs de pétrole dans son rapport prospectif annuel publié mardi. L'offre des pays n'appartenant pas à l'Opep a été revue à la hausse ces prochaines années: elle devrait croître de 57 mbj en 2016 à 62 mbj en 2022. Les trois quarts de cette augmentation proviennent des Etats-Unis seuls, où le secteur du pétrole de schiste va continuer de croître après sa chute de 2016. Le Brésil et le Canada sont les autres pays qui devraient fortement contribuer à la progression de l'offre. La prévision à plus long terme n'a toutefois pas été significativement modifiée par rapport à celle de l'an dernier. L'offre totale des pays hors du cartel devrait en effet décliner sur la période 2020-2040, la production de pétroles non conventionnels aux Etats-Unis devant atteindre un pic dans la deuxième partie des années 2020. "La demande pour le brut en provenance de l'Opep reste relativement stable, juste au-dessus de 33 mbj jusqu'à 2025, date à laquelle le pétrole de schiste américain devrait atteindre un pic", estime le rapport. L'offre de brut provenant du cartel doit ensuite progresser pour atteindre 41,4 mbj en 2040. La part de l'Opep dans la production de liquides devrait ainsi au final augmenter, de 40% en 2016 à 46% en 2040.
Investissements Le cartel s'est engagé avec d'autres producteurs - dont la Russie - à restreindre sa production pour limiter l'offre d'or noir et soutenir les prix. L'accord court actuellement jusque mars 2018 mais une réunion sur l'avenir de l'accord, qui devrait probablement être reconduit, aura lieu fin novembre à Vienne. Depuis l'an dernier, "le rééquilibrage du marché mondial du pétrole s'est accéléré", souligne le secrétaire général de l'Opep, Mohammed Barkindo. Les cours se sont en effet quelque peu repris depuis la chute entamée il y a un peu plus de trois ans. Cette chute s'était traduite par des coupes dans les dépenses des acteurs du secteur et l'Opep a une nouvelle fois appelé l'industrie pétrolière à reprendre ses investissements. Alors que le secteur aurait besoin de 10.500 milliards d'investissements d'ici 2040, l'Opep les voit se reprendre quelque peu cette année et en 2018, mais sur des projets de court terme plutôt que de long terme. "Il est vital que cela soit corrigé afin que le manque d'investissements aujourd'hui ne conduise pas à une pénurie de l'offre à l'avenir", met en garde le secrétaire général de l'Opep, Mohammed Barkindo.
Demande en hausse La demande mondiale devrait pour sa part progressé pour atteindre 102,3 millions de barils par jour en 2022, soit une hausse moyenne de presque 1,2 mbj par an, prévoit l'Opep. C'est plus que ce qu'envisageait l'organisation dans son précédent rapport, la demande provenant des pays développés de l'OCDE ayant en particulier été révisée à la hausse. A plus long terme, les perspectives sont aussi un peu plus optimistes que dans le dernier rapport, avec une demande estimée à 111,1 mbj d'ici 2040. La croissance de la demande sera toutefois ralentie à l'approche de cette échéance en raison notamment de l'amélioration de l'efficacité énergétique et du développement de nouvelles technologies comme les véhicules électriques. Malgré l'émergence de ces derniers et le déclin du diesel, les transports vont continuer à représenter le principal débouché du pétrole et connaître la plus forte croissance. Si les besoins en pétrole devraient progresser, ce sont surtout les énergies renouvelables et le gaz qui devraient connaître les plus fortes croissances, estime l'Opep. Parmi toutes les énergies, le charbon devrait pour sa part connaître la plus faible croissance, victime de la mise en œuvre des mesures destinées à lutter contre le changement climatique. Au final, même si la part du pétrole diminuera à l'horizon 2040, il restera encore la première énergie dans le monde, souligne l'Opep.