Après la reconnaissance unilatérale par Donald Trump d'El-Qods occupé comme capitale d'Israël, le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni en urgence vendredi matin, a indiqué mercredi la présidence japonaise du Conseil. Le Conseil devait évoquer d'autres sujets à partir de 15H00 GMT et la question d'El-Qods occupé intervenait après, probablement en fin de matinée, a-t-on précisé de même source. Cette réunion a été demandée par huit pays sur les 15 qui forment le Conseil de sécurité. Il s'agit de quatre européens - Suède, France, Italie et Royaume-Uni -, de deux sud-américains - Bolivie et Uruguay - et de deux africains - Egypte et Sénégal. Ces pays ont demandé que cette réunion soit ouverte par un exposé du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. Mercredi, celui-ci avait rappelé peu après l'annonce du républicain Donald Trump son opposition depuis son entrée en fonctions en janvier à "toute mesure unilatérale". Le statut d'El-Qods occupé ne peut être résolu que par une "négociation directe" entre Israéliens et Palestiniens, avait aussi martelé le patron de l'ONU. "Il n'y a pas d'alternative à la solution de deux Etats" avec "El-Qods occupé comme capitale d'Israël et de la Palestine", avait-il ajouté. Pour l'ambassadeur bolivien à l'ONU, Sacha Soliz, la décision des Etats-Unis va "contre le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité". Dans la résolution 2334, adoptée le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité "souligne qu'il ne reconnaîtra aucune modification aux frontières du 4 juin 1967, y compris en ce qui concerne El-Qods occupé, autres que celles convenues par les parties par la voie de négociations". Les Etats-Unis dirigés par le démocrate Barack Obama s'étaient alors abstenus, permettant l'adoption de cette résolution.
Inquiétude pour l'avenir du processus de paix Cette décision, continue de susciter la colère des Palestiniens et des réactions de réprobation bien au-delà du Moyen-Orient, à tel point que nombre d'organisations internationales ont décidé de se réunir d'urgence en vue d'agir face aux nouveaux développements qui risquent d'ouvrir la voie à un nouvel épisode d'embrasement. L'Algérie, qui a pris connaissance des faits avec une "très grande préoccupation" a dénoncé "avec force" cette grave décision en ce qu'elle constitue une "violation flagrante" des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de la légalité internationale, et en ce qu'elle remet en cause toute possibilité de relance d'un processus de paix depuis trop longtemps à l'arrêt. "Cette décision fait peser, en conséquence, de lourdes menaces sur la paix, la sécurité et la stabilité d'une région névralgique déjà fortement meurtrie", souligne un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Au niveau régional, le gouvernement de Jordanie, pays gardien des lieux saints musulmans à El Qods, a dénoncé "une violation du droit international". Pour Amman, cette démarche "fait monter les tensions, consacre l'occupation (...) israélienne depuis 1967 de la partie Est de la ville sainte...". L'Arabie saoudite a, de son côté, regretté la décision jugeant qu'elle est "injustifiée et irresponsable". Le roi Salmane d'Arabie saoudite y voit un "pas dangereux" susceptible de provoquer la colère des musulmans à travers le monde. Dans la foulée des réactions, la décision américaine a suscité une réaction similaire au Canada, qui a estimé que "la question du statut d'El-Qods ne peut être résolue que dans le cadre d'un règlement général du conflit israélo-palestinien". Au niveau européen, le Royaume-Uni n'est "pas d'accord" avec la décision qui n'est "d'aucune aide" pour le processus de paix avec les Palestiniens, a déclaré mercredi la Première ministre britannique, Theresa May. Pour sa part, le leader de l'opposition britannique, chef du Labour Party, Jeremy Corbyn, a indiqué dans un tweet, que la reconnaissance d'El-Qods occupé comme capitale d'Israël par trump est "une décision hasardeuse et une menace à la paix". Depuis Alger, le président français Emmanuel Macron a, quant à lui, qualifié de "regrettable" la décision du président américain. Le président américain s'est également attiré les foudres des ténors du parti démocrate au Congrès qui sont montés au créneau, affirmant qu'une telle démarche est à même d'enterrer définitivement le processus de paix au Moyen-Orient. La décision "compromettrait les perspectives d'un accord de paix israélo-palestinien et endommagerait gravement, peut-être irrémédiablement notre médiation (américaine)", a indiqué Bernie Sanders, le candidat démocrate à la présidentielle de 2016.
Poutine "fortement préoccupé" De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, s'est dit jeudi "fortement préoccupé" après cette décision, appelant les parties prenantes au conflit israélo-palestinien à la retenue et au dialogue. Lors d'un entretien téléphonique jeudi soir avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine a déclaré être "fortement préoccupé" par la décision de M. Trump, selon un communiqué du Kremlin. "Ce genre de mesure peut barrer la voie aux perspectives du processus de paix au Moyen-Orient", a indiqué le Kremlin, déclarant "inadmissible" toute escalade des tensions et appelant à "faciliter la reprise des négociations israélo-palestiniennes". Dans un communiqué publié quelques heures plus tôt, le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré être "très inquiet de la décision annoncée à Washington", disant craindre des conséquences funestes pour la région dans son ensemble. "Un règlement juste et sûr du conflit israélo-palestinien doit être atteint sur une base juridique internationale prenant en compte les résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies, qui prévoient le règlement de tous les aspects du statut définitif des territoires palestiniens lors de négociations directes israélo-palestiniennes", a poursuivi le ministère. "Nous avons demandé (aux Etats-Unis) de clarifier le sens de leur décision", a ajouté le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse, après avoir rencontré son homologue américain Rex Tillerson en marge d'une réunion de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne.
La Ligue arabe et l'OCI se réunissent pour agir Suite à cette décision, la Ligue arabe devrait se réunir aujourd'hui en séance extraordinaire. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan qui assure la présidence tournante de l'Organisation de coopération islamique (OCI) a décidé de convoquer mercredi 13 décembre les 57 membres pour agir face aux nouveaux développements. Tous les présidents américains qui se sont succédé à la Maison Blanche depuis 1995 ont signé des dérogations pour reporter l'application d'une loi portant ce déplacement, sans jamais, toutefois, penser à l'annulation pure et simple de ce texte. La loi en question avait été adoptée par le Congrès sous l'administration de l'ancien président américain Bill Clinton, soit 22 ans avant l'arrivée de Donald Trump. Le statut définitif du troisième lieu saint de l'islam a toujours été au cœur des négociations prévues dans le processus de paix au Moyen-Orient. M. Trump a, par ailleurs, ordonné de préparer le transfert de l'ambassade des Etats-Unis à El-Qods, sans fixer de calendrier pour ce déménagement qui devrait prendre des années. Quant à elle, l'Union africaine (UA) a affirmé jeudi que la décision du Gouvernement américain de reconnaître El-Qods comme capitale d'Israël "ne fera qu'accroître les tensions dans la région et au-delà, et compliquer davantage la recherche d'une solution au conflit israélo-palestinien".
Pour les Palestiniens, Washington ne peut plus jouer le rôle de médiateur Le président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé mercredi que les Etats-Unis ne pouvaient plus jouer leur rôle historique de médiateur de paix avec les Israéliens, après l'annonce par le président Donald Trump de la reconnaissance d'El-Qods occupé comme capitale d'Israël. "Par ces décisions déplorables, les Etats-Unis sapent délibérément tous les efforts de paix et proclament qu'ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu'ils ont joué au cours des dernières décennies", a dit M. Abbas à la télévision palestinienne. Selon lui, l'annonce de M. Trump "ne changera rien à la situation de la ville d'El-Qods occupé, la capitale éternelle de l'Etat de Palestine". Les dirigeants palestiniens revendiquent El-Qods-Est, occupée puis annexée par Israël en 1967, comme la capitale de l'Etat auquel ils aspirent. Israël proclame tout El-Qods, Ouest et Est, comme sa capitale "éternelle et indivisible". De son côté, le secrétaire général de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, a déclaré que M. Trump avait "détruit" la solution dite à deux Etats en annonçant la reconnaissance d'El-Qods occupé comme capitale d'"Israël". "Malheureusement, le président Trump vient tout juste de détruire la perspective de deux Etats", palestinien et israélien, a-t-il dit à des journalistes. M. Trump a aussi "disqualifié les Etats-Unis d'Amérique de tout rôle dans un quelconque processus de paix". Dans la bande de Ghaza, le mouvement Hamas a affirmé que la décision de M. Trump ouvrait "les portes de l'enfer pour les intérêts américains dans la région". Ismaïl Radouane, un haut responsable du Hamas s'exprimant devant des journalistes, a appelé les pays arabes et musulmans à "couper les liens économiques et politiques" avec les ambassades américaines, et à expulser les ambassadeurs américains.
Cacophonie de déclarations américaines L'annonce choc du président Trump sur El Qods occupé a suscité des déclarations expressément faites par l'administration américaine pour tenter de modérer une décision irresponsable, alors que la Maison se prépare déjà au " déraillement " du processus de paix au Moyen-Orient. Mercredi soir, l'ambassadrice américaine auprès des Nations Unies, Nikki Haley, a déclaré que le président Trump ne s'est pas prononcé sur le statut d'El-Qods occupé malgré sa décision de reconnaître la ville sainte comme capitale d'Israël. Nikki Hally a précisé que l'annonce de Trump ne mentionnait pas El-Qods Est en indiquant qu'il revenait aux deux parties du conflit de décider du statut des zones disputées. "C'est aux deux parties (du conflit) de décider, ce n'est pas aux Etats-Unis de décider ( ) nous ne voulons pas choisir un camp" concernant cette question, a déclaré Haley à CNN. Pourtant, le président Trump a bien choisi son camp en proclamant mercredi la ville sainte capitale de l'Etat hébreu. La déclaration est une approbation " de la souveraineté israélienne sur toute la ville ", selon plusieurs commentateurs à Washigton. El Qods occupé est " la capitale que le peuple juif a choisi dans des temps anciens, a déclaré Trump sans souffler mot sur le droit souverain des palestiniens de choisir El-Qods Est, comme capitale de l'Etat palestinien. Le président a annoncé la reconnaissance mais n'a pas fait de commentaires sur d'autres parties de la ville, les limites spécifiques de la souveraineté dans cette ville restent à définir dans le cadre des négociations sur son statut défini", a déclaré à l'APS, Brian Neubert, le porte-parole de langue française du département d'Etat. "C'était intentionnel de la part du président Trump de rester général dans sa déclaration", a répondu Neubert à une question sur la souveraineté des palestiniens à El Qods Est, occulté sciemment dans le discours de Trump, alors qu'un large consensus international s'est dégagé depuis les accords d'Oslo pour considérer cette partie de la ville sainte comme capitale du futur Etat palestinien. Interrogé si l'administration Trump reconnaissait la souveraineté des palestiniens sur El-Qods Est, occupé puis annexé par Israël en 1967, le porte-parole a répondu avec prudence " Nous n'avons pas une position ou une réponse à fournir concernant (Jerusalem) à part ce que le président a exprimé". "Il y aura toujours des critiques concernant cette annonce, mais les Etats-Unis restent fermement résolus à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties, qui est toujours possible", a indiqué Neubert à une question sur les derniers commentaires de deux hauts responsables de la Maison Blanche, qui affirment que l'administration américaine se prépare déjà au " déraillement du processus de paix". Mais la question centrale est de savoir combien va durer ce déraillement, s'inquiètent déjà les deux responsables.
La société civile britannique se mobilise De son côté, la société civile britannique promet d'exprimer fortement son indignation au "dérapage" du président américain, à travers un rassemblement de protestation prévu vendredi devant l'ambassade américaine à Londres. Sept organisations, à leur tête, le mouvement anti guerre, Stop de war coalition, l'organisation de solidarité avec la Palestine, Palestine Solidarity Campagne (PSC) et la ligue des musulmans britannique (MAB) ont appelé à ce rassemblement et ont été soutenues par une dizaine d'autres. Toutes ces organisations ont condamné vigoureusement, dans un communiqué commun, la décision du président Trump et affirmé qu'elles ne reconnaîtront aucun changement aux frontières d'avant 1967 en ce qui concerne El-Qods occupé sans accord entre palestiniens et israéliens. Elles ont déclaré que reconnaître El Qods comme capitale d'Israël représente un "mépris" pour le droit international, et "un danger" pour la stabilité de la région. Ces organisations ont appelé le Royaume-Uni à condamner fermement la décision américaine, rappelant qu'El-Qods n'est reconnue comme capitale d'Israël par aucun Etat.