Angela Merkel s'est déclarée "optimiste" vendredi en lançant la dernière ligne droite des négociations pour former "rapidement" un gouvernement en Allemagne, après quatre mois d'atermoiements qui ont érodé sa stature sur le plan national comme international. "Nous allons faire en sorte de négocier rapidement. Je crois que les gens attendent désormais que nous nous dirigions vers la formation d'un gouvernement", entre son camp conservateur et les sociaux-démocrates du SPD, a dit la chancelière peu avant le début des discussions. Le président du SPD Martin Schulz a lui insisté sur la nécessité pour une éventuelle coalition d'avoir un programme clairement pro-européen face aux tendances isolationnistes des Etats-Unis de Donald Trump. L'objectif doit être "de faire à nouveau de l'Allemagne un leader européen", a-t-il dit. Angela Merkel a jusqu'ici émis le souhait de tout boucler pour le 11 février au plus tard. Mais rien n'est moins sûr compte tenu des sujets de contentieux qui demeurent et des profondes divisions au sein des sociaux-démocrates du SPD sur l'opportunité même de servir à nouveau d'appoint aux chrétiens-démocrates pour former une majorité. Le SPD a accepté de justesse lors d'un congrès dimanche dernier de discuter d'un contrat détaillé en vue d'une nouvelle "grande coalition". Ceci afin de permettre à la chancelière d'entamer un quatrième mandat à la tête de la première puissance économique européenne.
Impatience L'impatience grandit dans le pays et à l'extérieur, quatre mois après un scrutin législatif marqué par la percée de l'extrême droite et le repli des grands partis traditionnels, qui n'a pas permis de dégager une majorité claire à la chambre des députés. La formation d'un nouvel exécutif dans le pays ne veut pas dire "seulement un nouveau départ pour l'Allemagne, mais aussi un nouveau départ pour l'Europe", a souligné vendredi la chancelière. Une première tentative entre conservateurs, libéraux et écologistes a échoué en novembre. Angela Merkel n'a plus droit à l'erreur cette fois avec les sociaux-démocrates. Elle-même commence à laisser transparaître son inquiétude face à cet accouchement difficile. Contrainte de diriger depuis octobre un gouvernement gérant seulement les affaires courantes, la chancelière a reconnu mercredi au forum de Davos que l'absence de "gouvernement stable" la privait de moyens d'action. Il y a encore peu considérée comme la dirigeante la plus puissante d'Europe, voire du monde dans certains médias américains, Angela Merkel, accaparée par ses problèmes internes et la controverse autour des migrants, a vu son étoile fléchir. Un autre dirigeant occupe depuis plusieurs mois l'espace laissé vide: le chef de l'Etat français Emmanuel Macron.
Merkel affaiblie En Allemagne même, le débat sur l'après-Merkel a déjà débuté au sein de son parti (CDU), même si aucun rival sérieux ne s'est encore publiquement avancé. "Plus la formation d'un gouvernement traîne en longueur, plus elle perd du terrain, chaque jour supplémentaire où elle doit se contenter d'être une chancelière aux affaires courantes l'affaiblit", analyse l'hebdomadaire Die Zeit. Pour conclure les tractations gouvernementales, le SPD -tombé à 19% des intentions de vote dans un sondage publié vendredi - demande encore des concessions, qui laissent les conservateurs très sceptiques: davantage de regroupements familiaux pour les migrants, une réduction des inégalités face à l'assurance maladie et moins de flexibilité sur le marché du travail. Sans cela, les sociaux-démocrates pourraient voir un éventuel accord rejeté par leurs 440.000 militants, qui auront le dernier mot, en votant pour ou contre le contrat de coalition. Si les militants rejetaient l'accord, de nouvelles élections législatives deviendraient inéluctables. Le chef de l'organisation de jeunesse du parti, Kevin Kühnert, s'est mû en figure de proue des opposants à une nouvelle "grande coalition". Dans le Tagespiegel de vendredi, il préconise l'arrêt des négociations en cas de résultats décevants. "L'échec doit être une option", proclame-t-il. Le trublion rencontre un succès croissant auprès de la base, au point de faire de l'ombre au président du SPD, Martin Schulz, de plus en plus fragilisé.